Place de l’expertise médicale pour les accidents du travail et les maladies professionnelles

Place de l’expertise médicale : il faut distinguer les contentieux qui peuvent intervenir au niveau de la reconnaissance de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle de ceux qui peuvent intervenir au niveau de l’indemnisation. L’expertise médicale intervient seulement pour certains de ces contentieux.

Rappel de la notion de consolidation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
2 types de refus possibles dans le cadre de la reconnaissance des accidents du travail, des maladies professionnelles

 Qu’est ce qu’une expertise médicale ?
Quand demande t-on une expertise médicale ?
Quelles questions  peuvent être résolues par l’expertise en cas d’AT ou MP ?
Qui peut demander une expertise médicale ?
Déroulement de l’expertise médicale
En dehors de l’expertise médicale, d’autres expertises sont possibles dans le cadre des AT, MP

80% des expertises, dans le cadre de la Sécurité sociale sont en lien avec la date de consolidation de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle et ses conséquences.

Rappel de la notion de consolidation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Il semble utile de rappeler à quoi correspond la consolidation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et quelles sont les conséquences de cette consolidation.

La consolidation s’effectue lorsque l’état clinique est stabilisé et qu’on ne peut attendre ni amélioration ni aggravation dans un avenir relativement proche.

  • La consolidation c’est ainsi la fin des soins coûteux mais aussi la possibilité d’examens complémentaires pris en charge ;
    il reste possible dans le cadre maladie de faire prendre en charge des traitements antalgiques par exemple.
  • Il existe une exception : la consolidation suivie de soins préventifs d’aggravation.
    Ceci est possible généralement pendant six mois et correspond à des cas particuliers qui nécessitent une prolongation de soins qui peuvent être coûteux comme des séances de rééducation par exemple ( cas le plus fréquent.)
  • La consolidation ce n’est pas « fermer » le dossier accident du travail ou maladie professionnelle comme le disent souvent les assurés.
    Il est toujours possible (mais même après une guérison) de rouvrir un dossier, il suffit alors de faire un certificat médical de rechute ;
    encore faut-il que cette rechute soit acceptée par la caisse ; elle sera acceptée si elle est motivée par la survenue d’éléments nouveaux probants dans l’évolution de la maladie et qu’un nouveau projet thérapeutique est envisagé.
  • La consolidation ce n’est pas la reprise de travail.
    La consolidation c’est un état médical, la reprise de travail est un état médico-administratif.
    On peut avoir une consolidation sans pouvoir reprendre son travail parce que le poste n’est pas adapté, parce qu’il n’y a pas de poste adapté dans l’entreprise ou pour toute autre raison.
  • La consolidation c’est la fin du versement des indemnités journalières ;
    à ce sujet il faut se rappeler que les indemnités journalières sont normalement versées pendant la période de soins (les soins c’est le rôle de la sécurité sociale) ; quand il n’y a plus de soins, les indemnités journalières vont disparaître et pourront éventuellement être remplacées par le versement d’argent provenant d’autres organismes sociaux de solidarité par exemple.
  • La consolidation c’est aussi la fixation d’un taux d’IP (Incapacité Physique).
    • Ce taux d’IP que ce soit en AT ou en MP est fixé par le médecin conseil après examen de l’assuré ;
    • Le taux d’incapacité physique est à contester devant un organisme qui s’appelle le Tribunal du Contentieux et de l’Incapacité (TCI) au niveau de chaque région. L’assuré se présente devant le TCI où il sera examiné en présence du médecin conseil par un médecin expert ; la commission du TCI statuera sur l’éventuelle modification du taux d’IPP.
    • Si l’assuré souhaite encore contester le taux fixé par le TCI, il peut le faire au niveau de la Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification des Accidents du Travail (CNIAAT) qui siège à Amiens pour la France hexagonale et les DOM TOM.

 2 types de refus possibles dans le cadre de la reconnaissance des accidents du travail, des maladies professionnelles

La caisse de Sécurité sociale peut refuser de reconnaître l’accident du travail ou la maladie professionnelle pour une raison d’ordre médical ou pour une raison d’ordre administratif.

Refus d’ordre administratif

Si l’une des conditions qui permet de faire jouer l’imputabilité n’est pas réunie, le recours possible, dans ce cas,  est le contentieux.

La reconnaissance ou non du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie relève du contentieux général, qui règle les litiges qui concernent l’application de la législation de la Sécurité sociale.

Le contentieux général se déroule devant :

  • la CRA, Commission de recours amiable,
  • le TASS, Tribunal des affaires de Sécurité sociale
  • et éventuellement devant la Cour d’appel et la Cour de cassation.

Refus d’ordre médical

Contentieux de la reconnaissance :
s’il y a un désaccord entre le médecin conseil et le médecin traitant pour la reconnaissance de l’accident du travail ou la maladie professionnelle, ou pour apprécier l’état de la victime ( on parle d’appréciation de l’état quand la victime n’est pas encore reconnue en AT ou MP),  le contentieux c’est alors l’expertise médicale.

L’avis de l’expert s’impose alors à la victime, à la caisse et au juge s’il est saisi.

Par contre, les contestations d’ordre médical relative à l’état d’incapacité permanente de travail, IPP , c’est-à-dire les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle relèvent du contentieux technique ( contentieux de l’indemnisation).
Le litige est soumis au TCI, Tribunal du contentieux de l’incapacité, un appel peut ensuite intervenir devant la CNITAT, Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail.

Le contentieux de l’indemnisation comprend :

  • Le TCI : compétent pour les contestations relatives à l’IPP
  • La CNITAT

Par conséquent le TASS est amené à statuer sur la reconnaissance ou non de l’accident du travail ou la maladie professionnelle et le TCI détermine le taux d’IPP ( dans la mesure ou l’accident du travail ou la maladie professionnelle  a été reconnue).

 Qu’est ce qu’une expertise médicale ?

Une expertise médicale est une procédure qui permet de trancher un litige d’ordre médical :

  • soit en matière d’assurance maladie,
  • soit pour des contestations d’ordre médical relatives à l’état de la victime, lors d’un AT ou MP

L’expertise médicale est définie par l’article L 141-1 du code de la Sécurité sociale.

Quand demande t-on une expertise médicale ?

La législation relative aux accidents du travail et maladies professionnelles a instauré un système de réparation forfaitaire pour les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles :

la victime n’a pas à prouver la faute de l’employeur ( c’est la présomption d’imputabilité) mais en contre-partie, dès l’instant que l’accident est reconnu comme accident du travail, ou la maladie comme maladie professionnelle,  la réparation de l’accident ou de la maladie professionnelle est forfaitaire.

Pour l’accident du travail, la victime bénéficie de la présomption d’imputabilité ( c’est-à-dire que l’accident est bien imputable au travail),  si elle peut prouver, par tous les moyens,  la matérialité de l’accident et sa survenue à l’occasion du travail.
La présomption d’imputabilité joue à la fois pour les lésions dues à l’accident du travail mais également les lésions qui peuvent apparaître quelques jours plus tard, comme le précise un arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 1995.

C’est la caisse de Sécurité sociale qui vérifie si selon elle l’accident est bien lié au travail, s’il y a bien présomption d’imputabilité. La caisse peut demander un examen de la victime par le médecin conseil.
S’il y a un désaccord entre le médecin conseil ( il ne reconnaît pas l’imputabilité de l’accident du travail, il considère que les lésions invoquées sont en fait liées à un état antérieur indépendant du travail, ou a une cause indépendante du travail) et le médecin traitant qui a constaté les lésions à la suite de l’accident, une expertise médicale est réalisée.
Comme pour les accidents de travail, la caisse de Sécurité sociale doit statuer sur le caractère professionnel des maladies professionnelles, elle peut remettre en cause la présomption d’imputabilité par l’expertise médicale.

Une caisse de Sécurité sociale peut donc contester le caractère professionnel d’un dommage en recourant à l’expertise qui peut alors renverser la présomption d’imputabilité.

Quelles questions peuvent être résolues par l’expertise en cas d’AT ou MP ?

Les points suivants pourront faire l’objet d’une expertise :

  • date de consolidation ou de guérison,
  • caractère professionnel d’une blessure, d’une maladie, d’une rechute, ou d’une aggravation,
  • révélation d’un état antérieur par un accident du travail ou aggravation de l’état antérieur,
  • les arrêts de travail et leur prolongation.

Qui peut demander une expertise médicale ?

La victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle peut demander une expertise médicale

La caisse de Sécurité sociale peut demander une expertise médicale

  • soit l’expertise est facultative :
    lorsqu’il y a un désaccord entre le médecin conseil et le médecin traitant sur l’état de la victime, le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie, ou d’une rechute.Mais la caisse peut aussi simplement notifier un avis  d’ordre médical, défavorable et préciser les voies de recours contre ses décisions ( l’expertise est la voie de recours normal contre les décisions de la caisse)
  • soit l’expertise est obligatoire, dans 2 cas prévus par le code de Sécurité sociale :
    • désaccord entre médecin conseil et médecin traitant sur la date de guérison ou consolidation de la blessure ( article L441-6 du Code de Sécurité sociale)
    • ou en cas de désaccord entre médecin conseil et médecin traitant sur la reprise par la victime d’un travail avant sa guérison;

Le TASS, Tribunal des affaires de Sécurité sociale  peut demander une expertise médicale

Le Tass peut demander une expertise médicale quand  il est saisi par la victime de la décision d’une caisse, puisque le juge ne peut pas trancher un litige d’ordre médical.

Déroulement de l’expertise médicale

 Le choix de l’expert

L’expert est désigné d’un commun accord par le médecin traitant et le médecin conseil mais c’est le médecin conseil qui se met en rapport avec le médecin traitant de la victime pour désigner un expert dans les 3 jours qui suivent  :

  • soit la date à laquelle est apparue une contestation d’ordre médical,
  • soit la réception de la demande d’expertise de la victime,
  • soit la notification de jugement qui prescrit l’expertise ( article R 141-2 al 4)

Le médecin expert ne peut pas être le médecin qui a soigné la victime, ni le médecin conseil de la caisse, ni un médecin attaché à l’entreprise.
Le médecin traitant est le médecin qui assure le suivi médical de la maladie ou l’accident concerné par le litige.
L’expert reçoit un protocole d’expertise, établi par la caisse,  qui expose le litige, présente l’avis du médecin conseil et l’avis du médecin traitant. Si c’est la victime qui demande l’expertise, le protocole en expose les motifs.

C’est la caisse qui définit la mission de l’expert, mais c’est le tribunal qui la définit si c’est le juge qui demande l’expertise.

Convocation de la victime par l’expert

Le médecin traitant et le médecin conseil sont également informés du lieu, de la date et de l’heure du rendez-vous afin de pouvoir assister à l’expertise s’ils le souhaitent.
La victime doit apporter un dossier médical le plus complet possible ( certificats médicaux, ordonnances, radiographies, scanner, etc).

La victime doit être en mesure de présenter le maximum de pièces en lien avec le litige.

Dans les 5 jours qui suivent la réception du protocole, l’expert réalise l’examen de la victime à son cabinet ou à son domicile si elle ne peut pas se déplacer ( article R 141-4 du code de Sécurité sociale).

Frais d’expertise et frais de déplacement

Frais de déplacement de la victime pour se rendre à l’expertise
L‘article L 322-5 précise que les frais de déplacement de la victime sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport le moins onéreux.

Les honoraires du médecin expert, ainsi que ses frais de déplacement  sont à la charge de la caisse de Sécurité sociale : l‘article R 141-7 du code de Sécurité sociale précise que la caisse peut demander à la juridiction de mettre à la charge de la victime tout ou partie des frais d’expertise lorsque la contestation est manifestement abusive.

Rapport et conclusions de l’expertise

Sous 48H, à l’issue de l’expertise, le médecin expert envoie ses conclusions motivées à la caisse et à la victime.

Le médecin expert peut demander des examens complémentaires ( à la charge de la caisse), dans ce cas le délai sera plus long.
Dans un délai maximum d’un mois ( à partir du jour où il a reçu le protocole d’expertise), le médecin expert dépose son rapport d’expertise à la caisse de Sécurité sociale ou au secrétaire du tribunal ( si l’expertise a  été demandée par une juridiction).
Le rapport doit comporter les mentions listées à l‘article R 141-4 du code de Sécurité sociale.

Théoriquement, la caisse doit immédiatement adresser l’intégralité du rapport d’expertise à la victime ou son médecin traitant : en effet, selon la jurisprudence, le rapport doit être communiqué à la victime pour respecter le principe du contradictoire.

L‘avis de l’expert s’impose à la victime et à la caisse ( article L 141-2 du code de Sécurité sociale).
Au vu de cet avis, le juge peut demander une nouvelle expertise, sur demande de la caisse ou de la victime.
La caisse ( qui suit nécessairement l’avis de l’expert) doit notifier la décision à la victime dans un délai de 15 jours qui suivent la réception des conclusions motivées : cette décision pourra être ensuite éventuellement contestée devant le TASS ( qui pourra ordonner à son tour soit une nouvelle expertise auprès d’un autre médecin expert, soit simplement un complément d’expertise auprès du médecin expert qui a réalisé l’expertise).

Le juge peut donc remettre en cause l’avis de l’expert dans 2 cas :

  • si les conclusions ne sont pas claires ( un complément d’expertise est demandé),
  • ou si la procédure d’expertise est irrégulière( une nouvelle expertise est demandée),
    • soit parce qu’ il manque l’avis du médecin conseil ou du médecin traitant dans le protocole d’expertise,
    • soit parce que  l’expert n’a pas convoqué toutes les parties pour assister à l’expertise, ou il a rédigé un rapport sans avoir examiné l’assuré, ou encore il manque certaines mentions dans son rapport)

Les conclusions de l’expertise ne s’imposent pas à l’employeur : un litige entre la caisse et l’employeur sur le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie professionnelle ne relève pas de l’expertise médicale.

En dehors de l’expertise médicale, d’autres expertises sont possibles dans le cadre des AT, MP

Des expertises sont possibles à la fois au niveau du contentieux de la reconnaissance, ou du contentieux de l’indemnisation.
Expertise individuelle pour le système complémentaire de  reconnaissance des maladies professionnelles: toutes les conditions du tableau de maladie professionnelle  ne sont pas remplies, ou la pathologie n’est pas inscrite sur un tableau et la maladie entraîne une IPP d’au moins 25% ou le décès de la victime.
La reconnaissance par le CRRMP repose sur une expertise médicale.

Expertise judiciaire de droit commun en cas de décès de la victime
La victime étant décédée, si le juge demande une expertise médicale ( au sens de l’article L 141-1 du code de Sécurité sociale) pour décider du caractère professionnel ou non d’un accident du travail, cette expertise est considérée comme étant une expertise de droit commun, l’avis de l’expert ne s’impose alors pas au juge, qui décide souverainement.

En effet l’expertise médicale impose l’examen médical de la victime, elle n’est donc plus possible quand la victime est décédée.

Cet article a été rédigé avec le concours du Dr Pierre Heissler,

  • Chirurgien Orthopédiste, membre du Collège d’Orthopédie et de la Société Française de Chirurgie Rachidienne,
  • Expert près la Cour d’Appel (en orthopédie et en contentieux de la Sécurité Sociale),
  • Expert près la Commission Nationale des Accidents Médicaux,
  • Expert près la Cour Nationale d’Indemnisation de l’Incapacité et des Accidents du Travail.

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Il y a 1 commentaire sur cet article
  1. Bonjour,
    Vous mentionnez dans votre article : » L’assuré se présente devant le TCI où il sera examiné en présence du médecin conseil par un médecin expert ; la commission du TCI statuera sur l’éventuelle modification du taux d’IPP. »
    Je tiens à vous spécifier, en tant que Juge Assesseur Employeur au TCI de NANCY, qu’il n’existe pas au sein des TCI de « commission ». Le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité, comme son nom l’indique, est un TRIBUNAL paritaire, où siègent 3 juges. Ces tribunaux sont composés d’un Président d’Audience, d’un Juge Assesseur représentant les Salariés et d’un Juge Assesseur représentant les Employeurs et fonctionnent comme tous les tribunaux de France. Leurs décisions sont rendues, par JUGEMENTS, après un débat contradictoire entre les parties en cause. , Les JUGEMENTS reflètent, après délibérés des trois juges, leurs décisions prises à la majorité, sans voix prépondérante.
    Cordialement
    A.DUBRAY

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