Principaux thèmes abordés à l’occasion de la journée « Ethique dans les usages du numérique en santé » organisée par le CNOM

Les médecins partagent de plus en plus leur savoir et leur expérience, avec leurs confrères mais également les patients, via leurs sites internet, leurs blogs, les réseaux sociaux. Internet permet également aux patients d’interagir avec d’autres patients. Ce développement des technologies de l’information et de la communication en santé suscitent de nombreuses interrogations. Le CNOM, Conseil national de l’Ordre des médecins,  après avoir publié un livre blanc « Déontologie médicale sur le web  » en décembre 2011 à l’attention des professionnels de santé, a organisé une journée de réflexion à propos du web santé le 14 novembre 2012,  à laquelle ont été conviés des professionnels de santé, des institutionnels, des webmasters, des blogueurs, des e-patients, etc

Présence des médecins sur le web : sites, blogs, réseaux sociaux
Qualité de l’information santé, la fin de HON ?
Sites institutionnels
Sites de E- patient
Le monde des patients : la médecine 2.0
Internet peut permettre d’avoir des opinions consensuelles
Garder dans le dossier la trace des échanges avec le patient à propos des informations trouvées sur le web
Médecine 3.0 : décloisonner la médecine
Sécurité informatique, données de santé
Conclusion de la journée par le Vice-président du CNOM

 

Présence des médecins sur le web : sites, blogs, réseaux sociaux

 Sites, blogs

Les médecins administrent des sites de santé au travers desquels ils publient de l’information santé, mais également des blogs qui leur permettent de décrire leur quotidien.
Le CNOM conseille aux médecins qui publient sur le web d’assumer leur identité mais admet l’usage de pseudonymes ( pour mémoire, on ne peut pas exercer la médecine sous un pseudonyme, sauf pour certaines activités mais dans ce cas, il faut le déclarer). S’il souhaite publier sous un pseudonyme, le médecin doit l’inscrire dans la base du CNOM.

Twitter

Twitter permet de réaliser du microblogging. Selon certains intervenants, la relation médecin-patient serait favorisée par le réseau Twitter, bien que très peu de médecins soient actuellement présents sur ce réseau.

Facebook

Le médecin webmaster d’un site d’expertise médicale, a dit refusé que ses patients soient « amis » avec elle sur Facebook, réseau social qu’elle n’apprécie pas beaucoup.
D’autres intervenants ont prétendu que Facebook permettait surtout de publier ses photos de vacances…

Notre avis

Nous ne sommes pas persuadés que la relation médecin-patient soit favorisée par le réseau Twitter parce qu’il y a peu d’interactions entre patients et médecins sur ce réseau. Sur Twitter, on échange généralement au sein d’une corporation, entre experts : les journalistes échangent entre eux, les médecins entre eux, etc

Il a été largement question de Twitter au cours de cette journée mais très peu de Facebook alors que 25 millions d’utilisateurs sont actifs sur Facebook en France, contre 5 millions sur Twitter. On incite les médecins à publier sur les réseaux sociaux parce que les patients sont présents sur les réseaux sociaux, mais ils sont surtout sur Facebook. Facebok permet à certains internautes de publier leurs photos de vacances et d’exposer leur vie privée, mais il est possible, pour un médecin de disposer d’un compte personnel ( pour publier ses photos personnelles avec ses amis de la »vraie vie ») et d’un compte professionnel pour diffuser de l’information santé à des amis ( le sens ami est à considérer au sens de Facebook, il ne s’agit pas d’un ami de la « vraie vie »).

AtouSante est présent sur Facebook et diffuse de l’information en santé au travail sur ce réseau social. La nouvelle génération est largement présente sur Facebook et non sur Twitter !

 

Qualité de l’information santé, la fin de HON ?

La certification HON est proposée depuis  2006 aux sites internet qui le souhaitent, le cahier des charges est resté inchangé depuis cette date alors qu’internet a changé, le web 2.0 est apparu…
La certification HON ne certifie pas le contenu des sites ( bien que le message sur le site de HON prête à confusion « L’information médicale de confiance »).

La HAS, Haute Autorité de Santé, aurait souhaité que HON soit un guide pour les utilisateurs d’internet mais cela n’a pas été le cas, le partenariat entre HAS et HON ne sera sans doute pas renouvelé ( précision apportée par JF Thebaut de la HAS).

Sites institutionnels

L’information santé doit être accessible, hiérarchisée fiable, utile aux patients

Quel est le rôle des pouvoirs publics dans la diffusion d’informations sur le web ?

Plusieurs questions se posent à propos du rôle des pouvoirs publics dans la diffusion d’informations sur le web.

  • Les pouvoirs publics doivent-ils proposer de grands portails d’information ?
  • Quelle est la qualité des informations officielles ?
  • Est-ce que les producteurs d’information acceptent de se défaire de l’information pour la confier à un opérateur public ?
  • Est ce que le Ministère de la santé est le plus à même de donner l’information ? Ne vaudrait-il pas mieux une structure indépendante ?
  • Quelle est l’objectivité d’une information ?
  • Qu’est ce qui est une vérité absolue dans ce domaine ?

Exemple du site du NHS au Royaume Uni

Il existe un vide du côté des pouvoirs publics pour l’information santé en France. Au Royaume Uni, le NHS propose un site d’information officielle à destination du grand public qui se définit ainsi :
« NHS Choices is the online ‘front door’ to the NHS. It is the country’s biggest health website and gives all the information you need to make choices about your health. »

Exemple du site  Ameli-santé : le site de l’assurance maladie

Tout assuré social doit connaître ses droits, pour cela il peut consulter le site Ameli  (10 millions de personnes ont ainsi ouvert leur compte Ameli)., il peut également trouver de l’information santé  sur le site Ameli-santé : 200 pathologies sont en ligne.

L’intervenant de l’assurance maladie qui est intervenu a observé que lorsque l’on interroge Google, on obtient dans les premiers résultats des sites qui ont des forums.
Sur le site Ameli-santé, il n’y a pas de moteur de recherche, pas de lien vers une base de médicaments, etc
Le futur site devrait corriger ces points et établir des liens vers des sites d’associations de patients;
L’Assurance maladie explique qu’elle diffuse de l’ information en multicanal, internet ne représentant qu’un de ces canal puisqu’elle considère que tout le monde n’a pas accès à internet…

Site de la Haute Autorité de Santé

La HAS se demande s’il faut-il donner les mêmes informations aux patients et aux medecins ? Faut- il faire des efforts de vulgarisation ? Faut-il un format de publication spécial pour patients ?
Elle conduit une réflexion depuis plusieurs années afin de différencier dans les sites internet la connaissance et les services.
La HAS a conscience  qu’il faudrait rendre accessibles les banques de données de médicaments, qu’elle donne des indicateurs globaux pour les établissements alors qu’il faudrait les donner par service, etc

Notre avis

Les sites qui comportent des forums ressortent en premier dans les pages de résultats de Google par rapport aux sites qui ne comportent pas de forum ( les sites institutionnels qui ne proposent pas de forum s’estiment donc pénalisés !)
La post sur le forum reprend les termes les plus utilisés par les internautes qui ne sont pas forcément les termes utilisés par les institutionnels, d’autre part chaque post sur le forum représente une page, donc constitue une mise à jour du site, ce qui est très prisé par les moteurs de recherche.

Les sites HAS, Ameli aimeraient être davantage fréquentés car ils estiment proposer une information de qualité : il est indispensable de proposer une interaction avec les internautes sur ces sites ( forum, possibilité de poster des commentaires et d’interagir avec les webmasters du site, etc)
Les commentaires postés par les internautes permettent également de comprendre quelles sont les informations manquantes sur le site, quelles sont les informations qui ne sont pas comprises par les internautes.

Prenons l’exemple d’ un sujet qui est largement débattu sur www.atousante.com alors que ce sujet relève bien de la Sécurité sociale ( mais aucun espace de discussion n’est prévu sur le site de la Sécurité sociale) :
quel barème utiliser pour calculer le capital obtenu lors de la conversion d’une rente d’accident du travail en capital ?
Selon nous c’est le nouveau barème publié en décembre 2011 qui est à utiliser pour calculer le capital dans le cas d’une conversion de rente d’incapacité permanente partielle.
Le barème de 1954 ayant été abrogé par cet arrêté de décembre 2011.
Les 32 commentaires postés sous cet article du site AtouSante et les forums ouverts sur le sujet prouvent qu’il y a clairement un manque d’information sur les sites officiels…
Exemple de forum sur AtouSante : indemnisation des séquelles d’un accident du travail dans le secteur privé

Sites de E- patient

Des e-patients ont expliqué leur parcours, ce qui les avait conduit à publier leur histoire personnelle sur internet.

Les Médecins sont les experts des maladies mais les patients sont les experts de leur maladie, le médecin connaît la maladie, mais le patient la vit…

Catherine Cerisey victime d’un cancer du sein  a créé un blog « apresmoncancerdusein.com »

Jean-Michel Billaut est également devenu e patient, Blogueur, après avoir été victime en mai 2009 d’une rupture d’anévrisme poplité. Le retard de diagnostic a conduit à l’amputation d’un membre inférieur. Ce patient explique que le monde médical, à l’issue de son amputation, s’apprêtait à lui installer une prothèse de 14-18, c’est grâce à ses recherches sur internet qu’il a trouvé quelle était la meilleure prothèse et qu’il a demandé à en bénéficier.
Selon jean-Michel Billaut, la médecine est organisée en silo, les professionnels sont organisés en silos... Avec chacun ses lobbies, ses règles, ses numerus clausus

 

Le monde des patients : la médecine 2.0

Dominique Dupagne a présenté la médecine 2.0
Quelques phrases clés :

Les patients communiquent entre eux grâce à internet, aux forums, élaborent de la connaissance ( certains patients discutent actuellement des effets tardifs des quinolones sur le forum) .
Nous pouvons élaborer des connaissances plus fiables via internet, y compris entre médecins.
Un patient mieux informé est un patient mieux soigné.
Internet donne des réponses assez satisfaisantes par rapport à celles données par les experts.
Un Médecin peut très bien faire son métier en ignorant le 2.0 mais cela ne durera pas !
Des écrits d’un patient sur le web peuvent avoir une audition supérieure à ceux des sociétés savantes
Le monde des patients, c’est comme la Chine, si on n’y est pas allé, on ne peut pas connaître.
C’est plus facile de manipuler un congrès de médecins qu’un  forum de patients
La médecine 2.0, tout est flou, c’est un nuage, il faut tout lire, ce n’est pas synthétisé…
Il y a une masse d’ d’informations scientifiques dans les bases de données de la Sécurité sociale mais elles ne sont pas,exploitées.
L’université est très 1.0
Des liens doivent se créer entre des médecins et des associations de patients (les associations de patients représentent 4 % des patients sur le net).

2.0 : c’est partager du pouvoir, être partenaire dans la prise de décision.

Internet peut permettre d’avoir des opinions consensuelles

Franck  Chauvin
La relation était asymétrique entre le médecin et son patient, elle est devenue beaucoup plus équilibrée désormais.
On remet les clés au patient, on lui donne du pouvoir d’agir : c’est l’empowerment.

L’information fournie par le médecin doit être claire, comprise et assimilée, sinon l’échange entre le médecin et le patient n’en est pas un.

Or le médecin ne vérifie jamais comment est perçue l’information par le patient, est-ce qu’il l’a bien comprise.

La médecine 2.0 élabore du savoir, construit des opinions.

Le médecin donne souvent une opinion et non une information au patient.

Or, l’opinion est très variable d’un médecin à l’autre puisqu’elle dépend du vécu personnel de chacun.
Internet peut permettre d’avoir des opinions consensuelles.

Garder dans le dossier la trace des échanges avec le patient à propos des informations trouvées sur le web

Le défaut d’information est désormais reconnu par la cour de cassation comme un préjudice autonome.

Le fait d’avoir dialogué avec le patient à propos des informations qu’il a  trouvées sur le net pourra être exploité pour la preuve à donner, mais il est indispensable de conserver la preuve de cette discussion dans le dossier médical.

Médecine 3.0 : décloisonner la médecine…

Selon Loic Etienne, administrateur du blog Zeblog Santé, nous sommes déjà entrés dans le monde 3.0, sans en avoir conscience.
La médecine 3.0 c’est une déontologie, ce n’est pas de la surenchère de la médecine 2.0

« A l’heure où le nombre de spécialités médicales explose, les patients sont de plus en plus seuls face à leur maladie. L’origine de ce malaise est la verticalisation de la médecine.
Les réseaux sociaux, les associations de patients, le web 2.0, sont l’un des moyens d’échapper à cette solitude. Mais ce n’est pas suffisant. Seule l’introduction d’une réelle transversalité permettra de décloisonner la médecine pour le bien du patient, et de la connaissance médicale. »

Sécurité informatique, données de santé

Il faudrait rapidement disposer d’un réseau internet très haut débit pour transférer les informations santé.

Les données de santé sont des données sensibles, quelle sera la garantie de sécurité pour les données informatiques ?
Des données dans un data center peuvent être captées, aucune donnée personnelle n’est à l’abri !
Google a mis fin à son projet Google health considérant qu’il n’y a pas de raison de séparer les données de santé des autres données qui nous concernent.

La question du Dossier médical a été abordé : selon le directeur de l ‘ASIP, nous sommes à l’aube de la dématérialisation des données de santé.

A propos du dossier pharmaceutique : 17 % des patients ont refusé le dossier pharmaceutique, en 2011,  30 000 patients ont demandé de fermer leur dossier pharmaceutique.

Notre avis

Certains se demandent pourquoi le DMP et le dossier pharmaceutique ne font pas qu’un…
En tant que médecin du travail, le DMP nous sera interdit, un dossier spécial santé au travail sera peut-être créé afin de tracer les expositions professionnelles, alors que ces informations auraient leur place dans le DMP afin d’améliorer le dépistage et la reconnaissance des pathologies liées au travail !

 

Conclusion de la journée par le Vice-président du CNOM

Jacques Lucas, Vice-président du CNOM   a conclu cette journée en incitant les médecins a créer leur site web et affirmer leur présence sur Twitter et si possible à visage découvert.
Le CNOM se tourne vers l’Etat et le Parlement, propose d’organiser un débat public, par exemple une conférence de consensus sur le thème de la protection des données personnelles de santé.
Par ailleurs les projets nationaux ont donnés lieu à une dispersion dans le domaine de la santé, le CNOM  propose qu’un conseil national stratégique des systèmes d’informations soit créé qui regroupe les autres ministères ( économie, numérique, armées, etc).
Le CNOM insiste pour qu’il n’y ait pas de clivage entre le secteur libéral et le secteur hospitalier pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication afin de ne pas ajouter une fracture numérique.

 

Nos remarques, avis et suggestions…

Le CNOM pourrait intégrer dans ses prochaines recommandations, les règles relatives au respect de la propriété intellectuelle sur les sites internet : lorsqu’un article publié sur un site est intéressant, il faut faire un lien sur l’article en question et non le copier coller et l’installer sur son propre site…

Environ 13 000 médecins ont  créé leur site grâce au  laboratoire MSD qui  permet aux médecins de réaliser un site internet en 3 clics. Le site en question est alimenté par le médecin mais également par des fiches fournies par des experts, par le laboratoire. Quelle est l’indépendance de ces sites vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique ? Dans son livre blanc, le CNOM encourage les médecins à créer leur propre site « déconnecté de tout conflit d’intérêt »
Est-ce que  l’Ordre ne devrait pas créer une plate forme permettant aux médecins de créer un site en 3 clics à la place de ce que propose ce laboratoire ?

L’ICAN gère 22 extensions pour les noms de domaines des sites internet ( .com, .fr, etc), il est désormais possible d’en déposer de nouvelles : c’est ainsi que des extensions sectorielles ont été déposées,  en particulier l’extension .med une société qui envisage de réserver cette extension pour les sites de médecins. Ce nom de domaine en .med serait sans doute un bon moyen pour l’internaute de repérer un site administré par un médecin ?

Quelle est la responsabilité du médecin qui donne des conseils personnels sur son site internet ? les assurances refusent actuellement de couvrir ce risque.

Certains intervenants lors de cette journée « Ethique dans les usages du numérique en santé » ont suggéré de former les étudiants en médecine aux NTIC : la nouvelle génération d’étudiants, née avec les NTIC semble bien les maîtriser, par contre il serait intéressant d’intégrer au cursus universitaire des cours pour apprendre à rechercher dans les bases de données (Pubmed, etc)

L’idée de Jean de Karvasdoué nous semble très intéressante :  créer un moteur de recherche médical pour codifier le savoir médical en français.  En effet accéder au savoir semble difficile aujourd’hui puisque 36 000 nouveaux articles sont publiés chaque  mois sur Medline, or la déontologie française fait l’hypothèse que les médecins lisent chaque mois ces 36 000 articles…

Des médecins veulent monter des projets de télémédecine mais certaines ARS ne semblent pas en mesure de signer des contrats individuels avec les médecins alors que le décret du 19 octobre 2010 le prévoit…

L’Ordre des médecins admet-il les rappels de rendez-vous par SMS pour les patients ? certains médecins souhaitent envoyer des rappels de RDV à leur patient, 48 heures avant le rendez-vous par exemple.
Jacques Lucas a aussitôt répondu via Twitter à cette dernière question : le CNOM admet bien  les rappels de RDV par SMS.

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