Pandémie grippale : au plan juridique
L’employeur doit assurer la sécurité des travailleurs, mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer cette sécurité même si l’Etat n’a pas imposé d’obligation spécifique pour faire face à un risque particulier.
Risque professionnel
Obligations de l’employeur
Les salariés sont tenus de veiller à leur propre sécurité
Télétravail
Droit de retrait dans un contexte de pandémie grippale
Prêt de main d’oeuvre entre entreprises
Risque professionnel
Le risque lié à une pandémie grippal ne peut pas être juridiquement qualifié de risque professionnel dans la mesure où la contamination potentielle n’est pas directement liée à l’activité de l’entreprise.
Mais dans tous les cas la pandémie pourrait dégrader les conditions de travail et générer de nouveaux risques professionnels.
Obligations de l’employeur
Obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité
L’employeur a une obligation de sécurité de résultat,à l’égard de la santé et la sécurité des salariés de son entreprise, conformément à l’article L. 4121-1 du code du travail :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d‘information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
La Cour de cassation a affirmé que cette obligation de sécurité s’entend comme une obligation de résultat : Cour de cassation, soc, 28 février 2002.
La responsabilité juridique de cette obligation de sécurité de résultat est assumée personnellement par le chef d’entreprise. Elle repose sur l’évaluation des risques d’altération de la santé des travailleurs et sur la mise en oeuvre des dispositifs nécessaires à leur protection. L’employeur doit contrôler l’application effective des mesures de prévention, notamment la fourniture des équipements de protection individuelle adaptés, des appareils de protection respiratoire.
Dans les entreprises de plus de 20 salariés,
l’employeur a obligation de fixer dans le règlement intérieur les instructions permettant aux salariés de respecter les règles de sécurité.
L’employeur doit mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs même si l’Etat n’a pas imposé d’obligation spécifique pour faire face à un risque particulier.
C’est ce que rappelle a Cour de cassation, dans un arrêt du 15 novembre 2005,
C. Cass., crim, 15 novembre 2005, arrêt n°04-85441
L’employeur doit intégrer le risque de pandémie dans le document unique
Le document unique doit être actualisé, afin d’adapter les mesures de prévention pour tenir compte du changement de circonstance et renforcer le niveau de sécurité des travailleurs.
L ‘article R. 4121-1 du code du travail ajoute l’obligation de transcrire et de mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques professionnels dans le document unique.
Article R. 4121-1 du code du travail :
« L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement ».
Dans un contexte de pandémie grippale, les informations sur l’évaluation du risque sanitaire seront délivrées par les autorités de santé publique, les risques professionnels relèvent de l’analyse des risques actualisée pour tenir compte du contexte d’une pandémie grippale.
Les salariés sont tenus de veiller à leur propre sécurité
L’employeur a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés, mais les salariés sont tenus deveiller à leur propre sécurité, conformément à l’article L. 4122-1 du code du travail.
Article L. 4122-1 du code du travail
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur. »
Le non-respect par le salarié de ces dispositions est constitutif d’une faute dont la gravité peut aller jusqu’à justifier le licenciement pour faute grave.
Télétravail
C’est une forme d’organisation du travail qui utilise les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail.
Le cadre juridique du télétravail est donné par l’accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail, étendu par l’arrêté du 30 mai 2006.
- Le télétravail est soumis à l‘accord du salarié, cet accord est réversible, un refus du salarié ne peut pas constituer une faute.
- Le télétravail, en cas de pandémie grippale sera considéré comme un aménagement du poste de travail, rendu nécessaire pour permettre la poursuite du fonctionnement de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
- La possibilité pour un salarié d’exercer son activité professionnelle dans le cadre du télétravail doit être formalisé par un accord écrit.
- Le salarié continue à bénéficier des services collectifs et prestations sociales.
- Le comité d’entreprise, le CHSCT, ou à défaut les délégués du personnel sont consultés.
- Si le travail est réalisé à domicile, le domicile étant un lieu privé, l’employeur ne peut y avoir accès qu’après accord exprès du télétravailleur.
- Le matériel nécessaire au télétravail est fourni, installé et entretenu par l’employeur.
La documentation française a édité une brochure sur le télétravail
Droit de retrait dans un contexte de pandémie grippale
Dans un contexte de contamination inter humaine, si l’employeur a bien pris les mesures de prévention et de protection nécessaires, conformément au plan national, les possibilités de recours au droit de retrait seront fortement limitées.
En effet il est important que l’activité des entreprises soit maintenue le plus longtemps possible en cas de pandémie, afin d’assurer un bon fonctionnement de la société dans son ensemble.
Droit de retrait dans le code du travail
L’article L. 4131-1 du code du travail définit le droit de retrait :
« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
Par conséquent un salarié ne peut reprendre le travail tant que le danger n’a pas été éliminé, aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être prise à l’encontre du salarié du fait de l’usage légitime du droit de retrait;
Si l’exercice du droit de retrait a été manifestement abusif,
une retenue de salaire pour inexécution du contrat de travail peut être réalisée.
L’article L. 4131-4 du code du travail précise que l’employeur est considéré comme ayant commis une faute inexcusable si le risque signalé s’est matérialisé :
« Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’Article L452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé et si de ce fait un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. «
L’exercice de ce droit n’est qu’une faculté et non une obligation.
En aucun cas il ne pourra être reproché à un salarié victime d’un AT de ne pas s’être retiré d’une situation de travail.
L’exercice du droit de retrait ne peut s’exercer sans utiliser au préalable, ou en même temps, la procédure d’alerte : le salarié signale à l’employeur, directement ou non, l’existence d’un danger grave et imminent.
Droit de retrait dans un contexte de pandémie grippale
Si l’employeur a mis en place les mesures de prévention nécessaires, le recours au droit de retrait sera exceptionnel.
- Les travailleurs exposés au risque de contamination du virus du fait de leur activité habituelle :
professionnels de santé,
personnels des établissements de ramassage et de traitement des déchets, etc,
ne pourront pas exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de la pandémie. - Les travailleurs en contact régulier et étroit avec le public, et les personnes qui ne sont pas surexposées au virus grippal,
c’est à dire qui sont uniquement concernés par l’exposition environnementale ne pourront exercer leur droit de retrait que de manière exceptionnelle,
dans la mesure où l’employeur a pris toutes les mesures de prévention et de protection individuelle pour réduire les risques de contamination de son personnel
Prêt de main d’oeuvre entre entreprises
Il n’est pas abordé par le code du travail. En l’absence de but lucratif l’opération est toujours considérée comme licite.
Le prêt de personnel entre deux entreprises est autorisé par le code du travail lorsque :
il n’existe pas de but lucratif
- l’opération à but lucratif n’entraîne aucun préjudice pour le salarié, n’élude pas l’application d’une disposition du code du travail
- le prêt de main d’oeuvre est la conséquence nécessaire de la réalisation de la prestation convenue entre deux entrerpises.
- En cas de pandémie, il pourrait y avoir des exceptions, c’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt de 2003, pourvoi 02-14680
- La Cour de cassation a exclu l’existence d’un but lucratif et n’a donc pas reconnu un délit de marchandage ou un prêt de main d’oeuvre illicite en raison des circonstances exceptionnelles justifiant le prêt de personnel.
Les informations figurant dans cette article sont extraites de la Circulaire DGT du 18 décembre 2007, pandémie grippale relative à la continuité de l’activité des entreprises et aux conditions de travail et d’emploi des salariés du secteur privé en cas de pandémie grippale.
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