Des tests salivaires peuvent être utilisés en santé au travail pour dépister une consommation de produits illicites

Une décision du Conseil d’Etat de décembre 2016 autorise un employeur ou un de ses représentants à réaliser des tests salivaires de détection immédiate de produits stupéfiants chez des employés qui occupent un poste de travail sensible, dans la mesure où le règlement intérieur le prévoit.

Décision du Conseil d’Etat de décembre 2016 
Précédents avis du CCNE 
Quelles sont les limites des méthodes de détection des produits illicites dans l’organisme ?
Prévention de l’usage et détection de l’alcool et des produits illicites actuellement dans les entreprises
Liste des postes à risque dans une entreprise : exemple de la SNCF, d’EDF

 Décision du Conseil d’Etat de décembre 2016

La décision du Conseil d’Etat de décembre 2016 autorise un employeur à réaliser dans certaines conditions des tests de dépistage salivaire pour détecter la consommation de stupéfiants. Jurisprudence.

Extraits du règlement intérieur qui a fait l’objet de cette décision :

« …s’agissant de la drogue, le contrôle sera effectué par un test salivaire permettant le dépistage simultané de six substances prohibées. Le test ne permet pas d’identifier précisément la catégorie de drogue qui a été consommée par le salarié mais simplement d’établir qu’il y a bien eu consommation de drogue. (…) / Les tests devront être pratiqués par un supérieur hiérarchique qui aura reçu une information appropriée sur la manière d’administrer les tests concernés et d’en lire les résultats… »

« … Avant d’être soumises au test de dépistage, la ou les personnes concernées devront être préalablement informées que celui-ci ne pourra être effectué : / qu’avec l’accord de la personne contrôlée ; la personne chargée du contrôle devra préciser toutefois qu’en cas de refus, le salarié s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. / (…) Les salariés soumis au contrôle auront la faculté de demander une contre expertise médicale qui devra être effectuée dans les plus brefs délais. (…) / Dans l’hypothèse d’un contrôle positif, le salarié pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. / c) Mesures particulières applicables à l’ensemble des salariés / Pour l’ensemble des postes de travail, la Direction pourra être amenée à effectuer des contrôles selon les modalités et garanties définies au paragraphe 3.5  lorsqu’il apparaîtra que le comportement des salariés laissera présumer un état d’ébriété ou une consommation de drogue… »

 » …Considérant qu’un test salivaire de détection immédiate de produits stupéfiants, tel que celui qui est prévu par le règlement intérieur qui figure dans les pièces du dossier soumis aux juges du fond, a pour seul objet de révéler, par une lecture instantanée, l’existence d’une consommation récente de substance stupéfiante ; qu’il ne revêt pas, par suite, le caractère d’un examen de biologie médicale au sens des dispositions de l’article L. 6211-1 du code de la santé publique et n’est donc pas au nombre des actes qui, en vertu des dispositions de son article L. 6211-7, doivent être réalisés par un biologiste médical ou sous sa responsabilité ; que, n’ayant pas pour objet d’apprécier l’aptitude médicale des salariés à exercer leur emploi, sa mise en oeuvre ne requiert pas l’intervention d’un médecin du travail ; qu’enfin, aucune autre règle ni aucun principe ne réservent le recueil d’un échantillon de salive à une profession médicale…  »

Précédents avis du CCNE, Comité consultatif national  d’éthique

La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie MILDT, a régulièrement interrogé le CCNE Comité consultatif national  d’éthique,à propos du dépistage des drogues et toxicomanies en milieu de travail. Les entreprises de toutes tailles et tous les secteurs professionnels sont concernés : fonction publique, secteur agricole, etc .
L’avis rendu en 2011 porte sur la consommation d’alcool, de produits illicites mais également sur les abus de médicaments psychotropes. Dans son rapport de du 23 novembre 1994,  le CCNE avait précisé que la distinction entre les drogues licites et les drogues illicites ne repose sur aucune base scientifique cohérente.

Jusqu’à présent, dans certaines conditions, des contrôles antistupéfiants peuvent être mis en oeuvre dans des entreprises dans lesquelles des salariés occupent des postes de sécurité.
Le CCNE s’est exprimé à 3 reprises sur les problèmes posés par l’usage de la drogue et la toxicomanie en milieu de travail

Quelques chiffres à propos de la consommation d’alcool et drogues en milieu de travail

 Le travail est-il responsable de l’usage des produits illicites
Extrait du rapport :

 » Le contexte professionnel peut jouer un rôle important dans le développement de l’usage de l’alcool, de produits illicites et de médicaments psychotropes : pénibilité de certaines postes, « deshumanisation » des rapports de travail dans certaines grandes entreprises au profit des seules exigences de responsabilité « .

Les experts soulignent la place majoritaire de l’alcool(drogue licite) et de l’alcoolisme chronique dans le milieu professionnel.
A propos de la consommation de produits illicites en milieu de travail, les données disponibles sur la toxicomanie sont parcellaires.

Alcool
5 millions de personne on des problèmes médicaux, psychologiques ou sociaux liés à la consommation abusive d’alcool. 2 millions sont dépendants.

L’alcool serait impliqué dans 10 à 20% des accidents de travail déclarés, et en cause dans 34% des accidents mortels de la circulation, dans 45% des accidents de la route avec véhicule seul sans piéton et 52% des accidents mortels survenus le week-end.

De nombreuses entreprises interdisent toute introduction ou consommation d’alcool dans l’entreprise  par le biais du règlement intérieur.

Produits illicites
Selon la MILDT il y a en France 1 200 000 usagers de cannabis, dont 550 000 consommateurs quotidiens et 250 00 consommateurs de cocaine.

Dans le contexte professionnel, environ 10% des salariés consommeraient des produits illicites ( surtout le cannabis, puis la cocaine, les amphétamines et très peu l’héroine).

  • La consommation est très faible chez les agriculteurs ( 2,7%),
  • 7% chez les cadres et les professions intermédiaires
  • elle est de 9% chez les commerçants et les chefs d’entreprise
  • elle atteint 17% chez les professionnels des arts et du spectacle
  • 19 % des jeunes apprentis consomment du cannabis,
  • tandis que 15% des chômeurs et demandeurs d’emploi  en consomment.

Abus de médicaments psychotropes
Sont concernés : les anxiolytiques, les hypnotiques, les antidépresseurs, les psycho-stimulants, les neuroleptiques.
Ces abus sont souvent à l’origine d’une dépendance.

  • Une étude longitudinale sur 20 ans conduite auprès de 2 200 salariés a observé que 6,1% d’entre eux prenaient un médicament psycho-actif,  plus de la moitié d’entre eux consommaient régulièrement de l’alcool et 10% consommaient occasionnellement du cannabis.
  • Une autre étude a montré que 20% des salariés utilisent un médicament pour être « en forme au travail » , 12% en prenaient sur leur lieu de travail pour traiter un symptôme gênant et 18% en utilisent « pour se détendre après une journée difficile ».

Quelles sont les limites des méthodes de détection des  produits illicites dans l’organisme ?

De nombreuses tests de détection de produits illicites sont actuellement disponibles

Un produit illicite ingéré puis absorbé se dégrade dans l’organisme, et laisse des traces qui peuvent être mise en évidence :
la détection de ces produits est basée sur l’immuno-chromatographie, c’est à dire la reconnaissance de la drogue ( l’antigène) par un anticorps le plus spécifique possible :

les résultats sont faussement positifs dans 11 à 16% des cas, selon le couple antigène anticorps.

En effet certains anticorps vont mettre en évidence la drogue, mais ils vont également mettre évidence des médicaments psycho-actifs ( prescrits par les médecins contre l’anxiété, la dépression, etc), voire des condiments alimentaires ( graines de pavot)
Il existe une polémique sur les tests salivaires

Un produit illicite consommé laisse des traces dans l’organisme qui disparaissent  :

  • au bout de 24 H de la salive
  • puis du sang
  • puis des urines : les délais varient suivant les substances, les traces dans les urines disparaissent au bout de
    •  3 jours pour les opiacés morphine, héroine:
    • 4 jours pour l’ectasy et autres amphétamines
    • 9 jours pour la cocaine, crack
    • 1 à 30 jours suivant l’intensité de la consommation pour le cannabis, marijuana, haschich
  • puis des cheveux après plusieurs années

Les tests de détection ayant des limites, le CCNE précise que la « mise en oeuvre et la lecture des tests doit être réservée à un personnel de santé leur interprétation et les conduites à tenir doivent être laissées au médecin du travail »

Les services de santé au travail ont pour mission d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail
Le CCNE rappelle l’indépendance des médecins du travail, qui auront des responsabilités accrues du fait de leur rôle d’animation d’une équipe pluridisciplinaire, de nature à renforcer la lutte contre la toxicomanie à condition que les moyens matériels et effectifs soient réellement mis en place

Prévention de l’usage et détection de l’alcool et des produits illicites actuellement dans les entreprises

Il existe peu de données, notamment dans mes PME et TPE
Légalement, les postes à risques peuvent justifier des tests de détection d’alcool, de produits illicites, à condition que le règlement intérieur le prévoit.

Travail et consommation de cannabis : rôle de l’employeur ?

Liste des postes à risque dans une entreprise : exemple de la SNCF, d’EDF

La définition des postes à risque demeure difficile : il existe un arrêté qui liste les postes à risque pour la SNCF ( la moitié du personnel de la SNCF occupe un poste à risque). Ce texte réglementaire est une exception, il n’en existe pas d’autre.

Fonctions de sécurité auxquelles peut être affecté le personnel SNCF 

  • « Conducteur :
    agent chargé de la conduite d’un engin moteur sur une voie ferrée ;
  • Agent d’accompagnement :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé dans un train, tant en marche que lors des arrêts, de certaines tâches concernant la sécurité, notamment l’assistance au conducteur ;
  • Agent formation :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de l’application des règles relatives à la composition des trains ;
  • Chef de la manoeuvre :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de la commande et de l’exécution d’une manoeuvre ;
  • Agent de desserte :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de l’application des consignes de desserte ; sur les lignes à trafic restreint, agent du train chargé de l’application du règlement correspondant ;
  • Agent circulation :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé d’assurer le service de la circulation des trains ;
  • Chef de service :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé d’assurer sur le terrain la direction, la surveillance et, s’il y a lieu, l’exécution du service. Il peut assurer notamment la fonction d’agent formation, l’expédition des trains et, à la demande d’un agent circulation, certaines opérations relatives à la sécurité telles que la vérification de la libération d’une partie de voie ou l’immobilisation d’un appareil de voie ;
  • Reconnaisseur :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé des opérations de reconnaissance de l’aptitude au transport ;
  • Régulateur :
    agent chargé d’organiser et de contrôler la circulation des trains sur certaines lignes ou sections de ligne dites régulées et désignées comme telles au livret de la marche des trains, et d’exécuter ou de faire exécuter certaines opérations de sécurité ;
  • Aiguilleur :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de la manoeuvre de signaux ou d’appareils de voie ;
  • Garde :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé du cantonnement ;
  • Garde de passage à niveau :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de garder les barrières d’un passage à niveau ;
  • Régulateur sous-stations :
    agent chargé à partir d’un central sous-stations de l’exploitation des installations électriques de sa zone d’action ;
  • Agent sécurité électrique :
    agent chargé dans un établissement (gare, dépôt, etc.) de l’exploitation des caténaires secondaires ;
  • Réalisateur :
    agent, quelles que soient ses autres fonctions, chargé de l’application des mesures réglementaires de sécurité incombant au service de maintenance de l’infrastructure pendant la durée des travaux ;
  • Agent sécurité du personnel :
    agent chargé de mettre en oeuvre les mesures de protection du personnel vis-à-vis du risque ferroviaire ;
  • Annonceur, sentinelle :
    agent chargé de surveiller et de signaler l’approche des circulations dans les conditions prescrites par l’agent sécurité du personnel ;
  • Mainteneur de l’infrastructure :
    agent effectuant seul ou dirigeant des tâches de maintenance critiques pour la sécurité sur les installations techniques ou de sécurité de l’infrastructure, au sens du règlement de sécurité de l’exploitation ;
  • Mainteneur du matériel roulant :
    agent effectuant seul ou dirigeant des tâches de maintenance critiques pour la sécurité sur le matériel roulant au sens du règlement de sécurité de l’exploitation.

Le contenu des fonctions de sécurité est précisé dans les annexes du présent arrêté. « 

EDF aurait toujours refusé d’établir une liste des postes de sécurité, exception faite pour les centrales nucléaires.

Chaque responsable de centrale peut faire un contrôle inopiné d’alcoolémie, mais pas de détection de produits illicites.( cette règle figure bien dans le règlement intérieur des centrales nucléaires après avoir été discutée avec le CHSCT)

La consommation d’alcool et de drogue est un problème de société mais également d’entreprise.  Les conséquences pour l’entreprise ne sont pas négligeables : augmentation des accidents de travail, de l’absentéisme, des troubles comportementaux, etc Depuis décembre 2016, un employeur est autorisé à réaliser des tests de dépistage salivaire dans certaines conditions.

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