Exposition conjointe au bruit et à des produits chimiques ototoxiques

Au regard de la législation, seul le bruit rend sourd, alors que la surdité peut-être causée par d’autres agents que le bruit,  par exemple les produits chimiques ototoxiques, tels que les solvants et certains  métaux, En pratique, aux postes de travail, il y a toujours combinaison de plusieurs facteurs de risque. Les effets sur l’audition sont d’autant plus marqués en cas de co-exposition au bruit et aux produits ototoxiques puisque ces derniers augmentent la sensibilité au bruit : les solvants, par exemple, potentialisent la perte auditive dans un environnement bruyant ( principalement sur les fréquences conversationnelles).

Quels sont les produits chimiques ototoxiques ?
Données disponibles en France à propos des co-expositions bruit et agents ototoxiques
Par quels mécanismes  le bruit et  les substances ototoxiques perturbent-ils l’audition ?
Méthodes audiologiques qui permettent de tester et d’enregistrer le fonctionnement des cellules sensorielles
Est-ce qu’une exposition à des bruits modérés pourrait agir sur le vieillissement  physiologique de l’oreille ?
Co-exposition bruit et agents ototoxiques : pistes de réflexion
Quelle attitude adopter en cas de multi-expositions au bruit et à des agents ototoxiques ?

La directive européenne 2003/10/CE concerne les prescriptions minimales de sécurité et de santé relative à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (bruit).
Cette directive exige des employeurs qu’ils tiennent compte, lors de l‘évaluation des risques professionnels, des effets sur la santé et la sécurité des travailleurs d’éventuelles interactions entre le bruit, les substances ototoxiques,  les vibrations.
Cette directive 2003/10/CE doit être adoptée par tous les pays membres.

Quels sont les produits chimiques ototoxiques ?

NIOSH

Depuis 2008, le NIOSH, National institute for occupational safety and health conduit des recherches pour savoir dans quelle mesure le bruit interagit avec d’autres substances au travail.

OSHA Preventing Hearing Loss Caused by Chemical (Ototoxicity) and Noise Exposure

Union européenne

En 2009, l’Union européenne a publié une revue de la littérature à propos de l’exposition combinée au bruit et aux substances ototoxiques.

INRS en France

Selon l’INRS, des études toxicologiques et épidémiologiques ont démontré les effets de plusieurs substances chimiques sur l’oreille interne : des substances utilisées en milieu professionnel (solvants, métaux…), mais également de médicaments pris par les salariés.

Solvants aromatiques
ce sont les produits chimiques les plus utilisés dans l’industrie.

  • toluène (entre dans la composition de peintures, vernis, encres et agents dégraissants,
  • styrène, très utile dans le processus de fabrication des composites polyesters stratifiés,
  • xylène et éthylbenzène,

tous ces solvants organiques sont très volatils et peuvent être toxiques pour les salariés qui les inhalent.

En France :
74 400 personnes travaillent dans des industries produisant ou utilisant des résines de polyester,
24 800 personnes sont directement exposées au styrène,
148 800 personnes sont exposées au toluène, au xylène et à l’éthylbenzène (selon les données de l’enquête déclarative Sumer 2017).

De nombreuses études épidémiologiques ont déjà souligné le caractère ototoxique de ces solvants aromatiques.

Il existe un risque réel de potentialisation des effets du bruit par les solvants. Les déficits auditifs mesurés suite à une exposition combinée pouvant être, dans certaines conditions, supérieurs à la somme des déficits provoqués par le bruit et de ceux induits par les solvants (voir « Différents types d’interactions toxicologiques »).

Métaux

Les métaux et leurs composés sont utilisés dans de nombreux secteurs industriels : métallurgie, fabrication de composants électriques et électroniques, de pigments, d’accumulateurs, de polymères (catalyseur) ou de panneaux solaires… Suffisamment d’études toxicologiques démontrent l’effet toxique pour l’audition de certains métaux et de leurs dérivés.

Le niveau de preuve d’une ototoxicité apparaît élevé pour :

  • plomb,
  • mercure,
  • arsenic,

Ototoxicité modérée pour :

  • cadmium,
  • manganèse,
  • triméthylétain,
  • dioxyde de germanium, le cobalt.

Monoxyde de carbone et cyanure d’hydrogène

Le monoxyde de carbone [CO] et le cyanure d’hydrogène [HCN] comptent parmi les gaz les plus dangereux en milieu professionnel.
On suspecte qu’une exposition sonore non traumatisante peut le devenir lorsque du monoxyde de carbone ou du cyanure d’hydrogène est présent en même temps que l’exposition au bruit.

Agents ototoxiques extraprofessionnels

Ces produits ne sont pas utilisés en milieu professionnel, ils peuvent avoir un impact sur la santé des opérateurs s’ils sont combinés à des nuisances présentes sur le lieu de travail. Pour cette raison, les services de santé au travail doivent les prendre en compte comme indiqué au chapitre « Démarche de prévention des risques ototoxiques ».

Antibiotiques

Seuls les antibiotiques aminoglycosidiques (AA), antibiotiques utilisés dans des infections sévères, seront évoqués en raison de leur ototoxicité.

Il existe une synergie entre les effets ototoxiques des aminoglycosidique et ceux du bruit, d’où un risque ototoxique pour les personnes qui, après avoir été traitées avec des AA, reprennent leur travail dans un environnement bruyant. Ce risque est d’autant plus grand que les AA peuvent persister plusieurs semaines dans les liquides de l’oreille interne.

Diurétiques

Le furosémide, l’acide éthacrynique, le bumétanide sont 3 diurétiques connus pour leurs effets ototoxiques temporaires.

La surdité apparaît quelques minutes seulement après l’administration ou l’ingestion du diurétique. À la différence de celle induite par les aminoglycosides (AA), elle régresse parallèlement à l’élimination des diurétiques et cesse à l’élimination totale du produit par l’organisme.
Les diurétiques perturbent les équilibres ioniques existant entre le sang et les liquides de l’oreille interne, entraînant ainsi une baisse des performances auditives. 

Salicylates

Lorsque la concentration sanguine atteint 19,6 mg pour 100 mL, des sifflements de l’oreille ou acouphènes peuvent survenir. Comme les diurétiques, l’aspirine agit en modifiant les équilibres ioniques entre le sang et les liquides de l’oreille interne. Elle modifie le comportement des cellules ciliées externes provoquant ainsi une hypoacousie (baisse de l’audition) et des acouphènes.

Antitumoraux

Le cisplatine, l’oxaliplatine et le carboplatine sont des anticancéreux employés en chimiothérapie. Leur utilisation est susceptible de modifier la composition électrochimique des liquides de l’oreille interne et de détruire des cellules ciliées. Ils ont des effets cochléotoxiques permanents.

Quant aux effets conjugués du bruit et ces antitumoraux, un risque accru de déficit auditif à l’exposition au bruit a été mis en évidence par des études toxicologiques. De plus, le ciplastine peut persister plusieurs mois dans la cochlée. Un travailleur pourra donc se trouver en situation de coexposition même plusieurs mois après la fin du traitement

IRSST au Canada

Selon l’IRSST, les substances qui ont été répertoriées comme ototoxiques ou que l’on soupçonne fortement d’avoir un potentiel ototoxique sont notamment :

  • Les solvants organiques :
    styrène, toluène, p-xylène, éthylbenzène, chlorobenzène, trichloroéthylène, n-hexane, n-heptane, disulfure de carbone, mélanges de solvants.
  • Les hydrocarbures halogénés :
    biphényles polychlorés, tétrabromobisphénol A, hexabromocyclododécane, hexachlorobenzène.
  • Les nitriles :
    3-butènenitrile, cis-2-pentènenitrile, acrylonitrile, cis-crotononitrile, 3,3’‑iminodipropionitrile.
  • Les bromates :
    bromate de sodium, bromate de potassium.
  • Les métaux et composés :
    plomb, mercure, organoétain, dioxyde de germanium.
  • Les asphyxiants :
    monoxyde de carbone, acide cyanhydrique, acrylonitrile, 3,3’‑iminodipropionitrile.
  • La fumée de tabac.
  • Les produits pharmaceutiques :
    -les aminosides (p. ex., streptomycine)
    -les tétracyclines,
    -les diurétiques de l’anse (p. ex., furosémide),
    -certains analgésiques et antipyrétiques salicylés comme l’aspirine),
    -certains agents antinéoplasiques (comme le cisplatine).
    -Autres substances : pesticides (composés organophosphorés, paraquat, pyréthoïdes, hexachlorobenzène), biphényles polychlorés, etc.
  • Lorsque les agents ototoxiques peuvent être absorbés par la peau (voie cutanée), ils ont les propriétés physicochimiques suivantes  :
    -petites molécules (poids moléculaire < 1 000 g/mol  certains auteurs précisent un poids moléculaire < 500 g/mol qui pénètrent facilement la peau;
    – lipophiles (capacité à se combiner avec des lipides ou des phases lipidiques ou à s’y dissoudre)

Données disponibles en France à propos des co-expositions bruit et agents ototoxiques

  • INRS : Base de données Colphy, (accès réservé aux organismes autorisés (CARSAT/CMP/LIC/INRS)
  • revue de la littérature pour identifier les secteurs d’activités professionnelles qui exposent au bruit,
  • Le nombre de surdité déclarées en maladie professionnelle auprès de la Sécurité sociale en France.

Base de données Colphy,

Colphy est une base de données dédiée aux nuisances physiques.  Elle comporte des données sur les expositions professionnelles, ce sont les résultats des analyses faites par les CARSAT dans les entreprises, qui enrichissent cette base de données.

Secteurs d’activité professionnelle réputés bruyants

Certains secteurs d’activité professionnelle sont réputés bruyants :  rapport de l’Agence européenne à propos de l’exposition conjointe au bruit et aux produits ototoxiques : « European agency for safety ans health at work combine exposure noise and ototoxic substances ».

Surdités professionnelles déclarées en maladie professionnelle

Il existe une sous déclaration des surdités professionnelles en France  :
Normalement en cas d’exposition au bruit, environ un travailleur sur 20 000 déclare une surdité liée au bruit, or dans certains secteurs d’activité professionnelle, tel que la métallurgie, l’industrie du bois, la travail de la porcelaine et de verre, le secteur de la construction,  davantage de surdités ont été observées

Par quels mécanismes  le bruit et  les substances ototoxiques perturbent-ils l’audition ?

Les effets délétères d’une exposition combinée au bruit et à des agents chimiques ototoxiques sur le système auditif périphérique sont souvent rapportés dans la littérature, mais le bruit et les produits chimiques ototoxiques n’altèrent pas l’audition par les mêmes mécanismes.

Anatomie de l’oreille

On distingue : un système périphérique et un système central au niveau de l’oreille.

Système auditif périphérique
Il comprend l’oreille externe, l’oreille moyenne, l’oreille centrale.

L‘oreille externe est séparée de l’oreille moyenne par le tympan.
Les sons induisent des vibrations du tympan qui sont transportées jusqu’à l’oreille interne par la chaîne d’osselets ( marteau, enclume, étrier).

L’oreille interne renferme l’organe de l’audition, la cochlée ( le limaçon) qui renferme les cellules sensorielles : ces cellules transforment l’énergie mécanique en énergie électrique.
La cochlée sert à amplifier les sons et à les filtrer.
Deux membranes divisent la cochlée en trois parties : rampe vestibulaire, rampe tympanique, et canal cochléaire.
Entre le canal cochléaire et la rampe tympanique se trouve le récepteur cochléaire, l’organe de Corti.

Les cellules ciliées externes de la cochlée sont les amplificateurs, c’est la contraction de ces cellules qui donne cette capacité d’amplification à la cochlée.

Une stimulation sonore provoque la libération d’un neuro-transmetteur au niveau des cellules sensorielles ce qui entraîne une activité électrique dans les fibres du nerf auditif.

Système auditif central
Il se situe entre le nerf auditif et la zone temporale du cerveau.
Le nerf auditif permet aux cellules sensorielles de communiquer avec le cerveau, puisqu’il permet l’acheminement de l’activité électrique grâce au système auditif central jusqu’au cerveau, où le message électrique est perçu comme un son.

Physiologie du système auditif

La cochlée est un univers complexe avec des membranes, des batteries, des neurones qui apportent l’information et modulent la réponse de la cochlée.
Quand les cellules ciliées externes sont sollicites par un bruit, ces cellules réemettent.

La cochlée fonctionne en boucle : les cellule ciliées externes  amplifient le son, les cils se défléchissent et du courant distordu entre. Les cellules ciliées externes, lorsqu’elle se contractent à bonne cadence, recréent du son. C’est la capacité de la cochlée à distordre  et à émettre des otoémissions acoustiques.

La perte ou la diminution de l’efficacité des cellules ciliées externes entraîne des pertes de sensibilité et des pertes de sélectivité en fréquence, parallèlement  à la diminution de la capacité de la cochlée à distordre et à émettre des otoémissions acoustiques.

Effets du bruit sur l’audition

L‘exposition au bruit a des effets sur la santé et principalement sur l’audition.

Un son très fort peut casser les stéréocils qui dépassent des cellules acoustiques et ainsi faire mourir ces cellules.

Lorsque le bruit casse ces détecteurs mécaniques que sont les cils des cellules ciliées externes,  il en résulte une absence de transduction et une surdité.

Des bruits plus modérés, vont donner un phénomène d’excito-toxicité glutamatergique.
Le glutamate est le neurotransmetteur qui génère le message acoustique. Lorsqu’il se produit une décharge importante de glutamate, il en résulte une hyperconcentration dans la structure post synaptique, qui empêche alors le fonctionnement de la synapse.

Cette fatigue auditive va se transformer en perte auditive.

Le bruit provoque également une augmentation des radicaux libres qui déclenchent la mort des cellules, altérant ainsi l’organe de Corti.

Effets des solvants sur l’audition

Les cellules ciliées externes de la cochlée sont également  la cible des produits ototoxiques.

Les solvants atteignent l’oreille, non pas par le conduit auditif externe mais par inhalation, puis ils gagnent la circulation sanguine et atteignent la cochlée, l’organe de Corti grâce à l’artère cochléaire. Les solvants sont lipophiles et utilisent les feuillets phospholipidiques pour parvenir à l’organe de  Corti.

  • Les solvants  affectent d’abord les cellules de Hensen, puis les cellules de Deiter, puis les cellules ciliées externes, dont ils peuvent altérer la structure membranaire et donc perturber leur motilité et ainsi nuire à la transmission des signaux qui entrent en jeu dans l’audition.
  • Les solvants augmentent également les radicaux libres qui se fixent sur les feuillets phospholipidiques.
  • Les solvants pourraient également modifier la perméabilité membranaire et donc les concentrations ioniques autour des cellules ciliées externes, perturbant ainsi  l’équilibre ionique, essentiel au bon fonctionnement de l’oreille.

Effets de synergie en cas de co-exposition au bruit et aux solvants

La surdité professionnelle prend seulement en compte les effets du bruit actuellement, mais
plusieurs mécanismes de synergie rendent le bruit plus dangereux en présence de molécules ototoxiques.

  • Il y a d’une part un effet direct sur les cellules ciliées externes de la cochlée car  la présence prolongée de molécules ototoxiques dans les cellules augmente leur sensibilité  aux stimulations mécaniques par les bruits de forte intensité
  • et d’autre part un effet indirect, puisque les produits chimiques ototoxiques agissent sur le fonctionnement du système nerveux central, font disparaître la protection des structures cochléaires par le réflexe de l’oreille moyenne, le réflexe stapédien.
    Expérimentalement, le réflexe stapédien est inhibé en cas d’injection de solvants aromatiques ( toluène, styrène) : en augmentant l’énergie acoustique qui atteint la cochlée, les produits chimiques ototoxiques abaissent le seuil à partir duquel l’exposition au bruit est potentiellement dangereuse.
    Le réflexe stapédien fait intervenir la contraction du muscle fixé sur l’étrier ( un des 3 osselets de l’oreille moyenne qui permettent la transmission des vibrations perçues par le tympan à l’oreille interne). La contraction réflexe de ce muscle est déclenchée par un bruit très intense. Ce réflexe permet de protéger l’oreille en cas de bruit important.

Par conséquent, en cas d’exposition conjointe à du bruit et des solvants, c’est comme si l’on était exposé a un niveau de bruit plus élevé.

Les résultats d’une étude  conduite par l’INRS à propos des effets du toluène sur les réflexes des oreilles interne et moyenne montrent que les effets synergiques d’une co-exposition au bruit et aux solvants aromatiques sont dus à la dépression exercée par les solvants sur les noyaux centraux qui pilotent le réflexe de l’oreille moyenne, le toluène, par exemple, peut diminuer le réflexe de l’oreille moyenne.

Méthodes audiologiques qui permettent de tester et d’enregistrer le fonctionnement des cellules sensorielles

De nouvelles méthodes permettent de tester et d’enregistrer le fonctionnement des cellules sensorielles, ou de mettre en évidence des dommages infracliniques, ou des risques inhérents à des expositions combinées

Les médecins du travail ont l’habitude d’utiliser l’audiomètrie tonale liminaire, ATL, pour surveiller l’audition des salariés exposés au bruit et dépister les surdités professionnelle. L’audiométrie tonale en détectant le seuil de perception auditif objective le fonctionnement du récepteur auditif. Cet examen qui doit être réalisé dans un environnement calme, présente deux inconvénients :

  • ce n’est pas un test objectif puisqu’il nécessite la participation du patient
  • et il ne teste pas le réflexe de protection de l’oreille moyenne :  le réflexe stapédien. Or certains solvants peuvent altérer le réflexe stapédien.

Sur une audiométrie on ne peut pas distinguer une perte auditive  due à une exposition au bruit ou une perte auditive due à une exposition à des solvants. En cas d’exposition à des solvants, les salariés décrivent parfois une gêne, alors que l’audiométrie n’est pas altérer.

L’audiométrie tonale n’est donc pas le meilleur outil pour évaluer une surdité qui résulte d’une exposition multifactorielle.

L’Echoscan

L’Échoscan teste objectivement à la fois l’oreille moyenne et l’oreille interne

L’Echoscan permet également de mettre en évidence les effets de la presbyacousie. Une cabine audiométrique n’est pas nécessaire.

L’échoscan repose sur la mesure des produits de distorsion acoustiques ( PDA) couplés ou non à des stimulations sonores controlatérales qui provoquent le déclenchement du réflexe de protection de l’oreille moyenne ( ROM), communément désigné par réflexe stapédien.

L’analyse des PDA seuls permet d’examiner l’oreille interne , le récepteur auditif, tandis que les stimulations sonores permettent d’évaluer les fonctions de l’oreille moyenne ( transduction auditive).

L’Echoscan est plus sensible que l’impédancemètre, qui permettait à l’ORL de mesurer le réflexe stapedien.

L’EchoScan audio est un outil intéressant ( breveté en 2011 par l’INRS) car il permet de réaliser un diagnostic sur le fonctionnement de l’oreille moyenne. Il repose  sur l‘étude des produits de distorsion acoustique qui reflètent le fonctionnement des cellules ciliées (constitue un meilleur test et permet de mettre en place des indicateurs précoces de souffrance auditive.)
L’EchoScan est un test plus objectif qu’une audiométrie tonale, il permet de connaître le seuil de déclenchement du réflexe auditif  / quand l’audition se fatigue ce seuil se déplace . On peut réaliser cet EchoScan en ambiance plus bruyante qu’une audiométrie tonale ( en effet, on génère des bruits dans les 2 oreilles qui déclenchent le réflexe auditif)

PDA, produits de distorsion acoustique

Les produits de distorsion acoustique, PDA ( Distorsion product, DPOAEs) sont des sons générés par la cochlée, via la chaîne tympano-ossiculaire qui apparaissent en réponse à deux sons de pur fréquence. Le Son réemis est le produit de distorsion. Ce  troisième  son va donner une onde qui se propage.
On peut analyser ces sons, qui sont des sons de stimulation,  en plaçant le sujet dans un endroit calme.

Les produits de distorsion acoustique reflètent le fonctionnement des cellules ciliées .

En complément de l’audiomètrie, il faudrait étudier les produits de distorsion acoustique puisqu’en  cas de diminution de l’efficacité des cellules ciliées externes, la cochlée perd sa capacité à distordre et à émettre des otoémissions acoustiques.

L’étude des produits de distorsion acoustique permet donc de tester les cellules ciliées externes et de faire la différence entre :

  • des cellules ciliées externes endommagées ( parce que les cils de ces cellules ont été cassés par l’exposition au bruit)
  • et des cellules ciliées externes non fonctionnelles ( les stéréocils des cellules sont intacts, la transduction s’effectue, les cellules se contractent mais pas suffisamment. Si l’on stimule avec un son plus fort, on parvient à faire fonctionner la cellule )

Le DP-gram est un audiogramme en produits de distorsion.

Si l’audiogramme est dégradé alors que le DP-gram est normal , cela signifie que les cellules ciliées sont encore fonctionnelles. L’étude des produits de distorsion acoustique est un outil objectif très fin qui permet de voir les cellules restantes fonctionnelles.

Comment réaliser un DP gram

Présentation INRS : utilisation de l’EchoScan pour les salariés exposés à des agents chimiques.

Est-ce qu’une exposition à des bruits modérés pourrait agir sur le vieillissement  physiologique de l’oreille ?

La presbyacousie est physiologique, elle correspond à l’ensemble des altérations de l’appareil auditif liées au vieillissement : il s’agit d’une surdité de perception (perte de cellules ciliés externes de la cochlée).

Des études conduites chez le rat, par l’INRS, prouve qu’une exposition à des bruits d’intensité modérée, tel que décrit par la législation,  peut aggraver l’apparition des effets de l’ âge et conduire à une  presbyacousie précoce.

Cette presbyacousie peut être mise en évidence précocément  par les produits de distorsion acoustique.

Co-exposition bruit et agents ototoxiques : pistes de réflexion

Pour faire avancer la recherche, sachant que la surdité est causée par d’autres agents que le bruit, il faut continuer à identifier les postes où coexistent à la fois une exposition au bruit et une exposition à des substances ototoxiques qui sont à des niveaux supérieurs aux niveaux autorisés. Davantage de mesures sont nécessaires.

Actuellement, 95% des données en toxicologie sont issues d’études portant sur un seul agent chimique.

Les mélanges de produits chimiques ont également des effets sur audition mais les études sont difficiles car ils changent souvent de composition.

Nouvel étiquetage pour les produits chimiques ototoxiques ?

Il paraît opportun de proposer un étiquetage « bruit » pour les produits ototoxiques afin qu’ils soient très clairement identifiés par toutes les personnes qui les manipulent.
On pourrait imaginer un nouvel étiquetage pour les produits chimiques ototoxiques, la présence d’un casque anti bruit sur un bidon de toluène, par exemple.

Mais l’étiquetage est confié au GHS, qui intervient au niveau international, donc changer un étiquetage prendra du temps.

Notation bruit pour les agents chimiques ototoxiques ?

L’ANSES, Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’environnement et le travail,  qui a eu pour mission de fixer les VLEP, Valeurs limites d’exposition professionnelle,   pour de nombreuses substances, étudie actuellement la pertinence d’accorder une notation « bruit » pour certaines substances, tout comme il existe une notation « peau ».
En effet, les normes actuelles  s’attachent à un seul risque et ne prennent donc pas en compte le risque potentiel de perte d’audition à la suite d’une exposition simultanée au bruit et aux solvants.

Pour mémoire,  l’ANSES émet des recommandations, mais c’est ensuite le Ministère qui établit la réglementation.

Mentionner l’ototoxicité  sur la fiche de données de sécurité ?

Actuellement l’ototoxicité d’un produit n’apparaît pas sur la fiche de données de sécurité : ce risque pourrait être mentionnée dans la rubrique 2 de la FDS.

Problématique des mélanges chimiques

La problématique des mélanges chimiques va être prochainement étudiée dans Reach  mais la question des coexpositions des agents physique et chimiques n’est pas encore à l’ordre du jour !

Changement de règlementation

De nombreux pays ont déjà changé leur réglementation : au Brésil, en Australie, un travailleur qui a perdu de l’audition peut faire valoir une exposition aux produits chimiques ototoxiques et se faire indemniser.

La Suède a également changé sa réglementation

Inciter les entreprises à améliorer les conditions de travail

Chaque année, les entreprises qui ont fait preuve de réalisations innovantes pour améliorer le niveau sonore aux postes de travail sont récompensées  :

Quelle attitude adopter en cas de multi-expositions au bruit et à des agents ototoxiques 

Sachant que la Directive européenne de 2003 donne peu de précisions, quelle attitude faut-il adopter en cas de multi-expositions ?

Lors d’exposition à des substances chimiques, il faut étudier la toxicité générale du produit et la production éventuelle de radicaux libres.

Une  surveillance auditive dans des contextes où l’on n’est pas dans un poste  de travail déclenchant l’action  ( donc en dessous de 85 dBA)devrait certainement être mise en place afin de réaliser un véritable monitoring longitudinal de l’audiométrie pour chaque personne.

Il pourrait également être souhaitable de faire porter des protections auditives pour des expositions à 80 dB, dès l’instant que des produits ototoxiques sont également présents au poste de travail.

Une audiométrie tonale n’est sûrement pas  le meilleur outil pour évaluer une surdité qui résulte d’une exposition multifactorielle, car elle est peu sensible aux petites pertes auditives : en effet un audiogramme objective parfois une perte auditive modérée alors que la gêne ressentie est importante,
Une audiométrie vocale serait sans doute préférable à une audiométrie tonale et idéalement une audiométrie réalisée dans le bruit, afin de tester la compréhension des mots dans le bruit.

Par ailleurs l’EchoScan audio est un outil intéressant  puisqu’ il permet de réaliser un diagnostic objectif sur le fonctionnement de l’oreille moyenne (il repose  sur l‘étude des produits de distorsion acoustique). C’est un test plus objectif qu’une audiométrie tonale, il permet de connaître le seuil de déclenchement du réflexe auditif  (ce seuil varie quand l’audition se fatigue ), il met donc en évidence la fatigue auditive. 

Un audiogramme objective parfois une perte auditive modérée alors que la gêne ressentie est importante, c’est souvent le cas lors d’exposition à des produits chimiques ototoxiques.

Le bruit reste la nuisance professionnelle la plus importante pour l’audition, mais d’autres agents toxiques professionnels ont été identifiés : solvants aromatiques, monoxyde de carbone, acide cyanhydrique
Les Multi-expositions ne s’arrêtent  pas aux portes de l’entreprise, puisque de nombreux ototoxiques sont présents en dehors des lieux de travail, notamment certains médicaments, tels que les antibiotiques, les diurétiques, les salicylés, les anti-inflammmatoires non stéroidiens qui peuvent également fragiliser l’oreille interne.

Les professionnels de la santé au travail doivent être sensibilisés à l’ototoxicité et aux outils actuellement disponibles pour étudier les atteintes sur l’oreille et instaurer des mesures préventives.

Tableaux des maladies professionnelles associés :

  Tableau n°01 RG : Affections dues au plomb et à ses composés (81,7 KiB, 12 260 hits)

  Tableau n°04 Bis RG : Affections gastro-intestinales provoquées par le benzène, le toluène, le xylène et tous les produits en renfermant. (9,1 KiB, 7 153 hits)

  tableau n°42 RG : Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels (69,2 KiB, 50 494 hits)

  Tableau n°84 RG : Affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel (86,8 KiB, 9 437 hits)

  Tableau n°18 RA : Maladies causées par le plomb et ses composés (38,2 KiB, 3 365 hits)

  Tableau n°46 RA : Affections professionnelles provoquées par les bruits (38,0 KiB, 15 400 hits)

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