Surdités non reconnues en Maladie professionnelle
Les demandes de reconnaissance de surdité au titre des maladies professionnelles sont à l’origine de très nombreux contentieux avec les caisses de Sécurité sociale. Certains points sont importants à connaître pour faciliter cette reconnaissance et donc l’indemnisation des victimes.
Rejet de nombreuses demandes de reconnaissances de surdité au titre des maladies professionnelles
Caractéristiques de la surdité professionnelle
Les textes relatifs à l’exposition professionnelle au bruit
Déclaration et reconnaissance d’une surdité au titre des maladies professionnelles
Expertise
Les contentieux,
Indemnisation de la surdité au titre des maladies professionnelles
Les tableaux de maladie professionnelle pour la surdité professionnelle
Rejet de nombreuses demandes de reconnaissances de surdité au titre des maladies professionnelles
Environ 25 % des salariés sont exposés au bruit. (Enquête SUMER)
Alors que 2500 déclarations de maladie professionnelle sont réalisées chaque année, seulement 1200 sont reconnues au titre des maladies professionnelles.
Une surdité professionnelle résulte d’une exposition chronique au bruit et se révèle de façon insidieuse à long terme.
Or, au fil des années s’installe la presbyacousie, c’est à dire la dégradation de l’audition liée à l’âge. I
l n’est donc pas toujours facile de savoir quelle part de la dégradation de l’audition est liée à l’âge et quelle part est liée à une exposition professionnelle au bruit.
Il existe de nombreux contentieux en raison de l’installation de la presbyacousie qui se surajoute aux lésions provoquées par le bruit.
Dans la presbyacousie, il existe une perte auditive sur les graves, qui n’existe pas dans la surdité professionnelle.
Certaines personnes sont également exposées au bruit dans le cadre d’activité de tir, chasse, etc.
Plusieurs audiomètries doivent être réalisées avant de réaliser une déclaration pour s’assurer que l’atteinte audiomètrique permet bien l’indemnisation. Il existe par exemple une variation physiologique de l’audition dans la journée : diminution après la prise d’aliments, etc
Caractéristiques de la surdité professionnelle
Facteurs de la surdité professionnelle
- La durée de l’exposition
- L’âge
- Les antécédents du sujet
- Le lieu de l’exposition
- Les caractéristiques du bruit : spectre, intensité, bruit impulsionnel
Les 4 stades de la surdité professionnelle
La surdité professionnelle comporte 4 stades :
- atteinte de la fréquence 4000 Hz seule, avec respect des graves ;
- atteinte de lafréquence 2 000 Hz ;
- atteinte de la fréquence 1 000 Hz ;
- et atteinte de la fréquence 500 Hz.
L’évolution de la surdité professionnelle est très particulière, puisque la perte est très rapide au départ, puis l’audition ne se dégrade que de 1 décibel par an mais la surdité s’aggrave brutalement après 55 ans, compte tenu de la presbyacousie qui dégrade à son tour l’audition.
Courbe audiomètrique de la surdité professionnelle
La surdité professionnelle donne une courbe audiomètrique en forme de cuillère ( avec une encoche marquée sur les fréquences aigues) alors que les autres atteintes auditives ( dues au vieillissement de l’oreille, ou à l’exposition à des produits ototoxiques par exemple) donnent une courbe audiomètrique plate.
Un salarié peut être exposé à la fois à du bruit et à des produits chimiques toxiques sur l’oreille. On ignore quel est l’effet facilitateur du bruit sur les solvants et inversement.
Produits chimiques et effets sur l’audition
Les textes relatifs à l’exposition professionnelle au bruit
- Transposition en droit français de la directive 2003-10/CE
- Le décret 2006-892 du 19 juillet 2006 a renforcé le niveau des exigences pour réduire les effets nocifs liés à l’exposition professionnelle au bruit.
- Insonorisation des locaux : Décret du 20 septembre 1988
- Protection des travailleurs contre le bruit : Décret du 21 avril 1988
- Equipements de travail et moyens de protection : Décret du 29 juillet 1992
Déclaration et reconnaissance d’une surdité au titre des maladies professionnelles
Critères de qualité légaux
- L’audiomètre doit être calibré.
- La cabine doit être insonorisée (les normes sont précises.)
Critères audiomètriques légaux
- L’audiomètrie doit avoir été réalisée après cessation de l’exposition au bruit depuis au moins 3jours.
- L’audiomètrie est tonale liminaire, avec courbe aérienne et osseuse.
- Il faut également réaliser une audiomètrie vocale :
l’audiomètrie vocale sert à connaître la perte sociale de la victime et à vérifier la valeur de l’audiomètrie tonale.
Les 2 audiomètries doivent être cohérentes. Si les 2 audiomètries ne sont pas cohérentes, le réflexe stapédien doit être recherché.
Si la courbe tonale est plus mauvaise que la courbe vocale, la demande de reconnaissance au titre des maladies professionnelles est généralement refusée, puisque l’on ne peut pas mieux comprendre que l’on entend.
Le déficit de la perte doit être d‘au moins 35 dB sur la meilleure oreille.
Réalisation de l’audiomètrie en vue de la déclaration
L’audiomètrie doit être faite de préférence en mode pulse, en commençant par 1 000 hz, puis 2 000, jusqu’à 8 000 Hz, et seulement ensuite tester les fréquences 1 000, 500 et 250 Hz.
L’audiomètrie automatique ne devrait donc pas être réalisée pour réaliser une audiomètrie en vue d’une déclaration.
La personne testée doit donner le plus faible son perçu.
Certaines surdités sont refusées au titre des maladies professionnelles parce que l’expertise a parfois lieu longtemps après la déclaration et la presbyacousie a aggravé la surdité.
Or la surdité ne doit pas s’aggraver après cessation de l’exposition au bruit pour être prise en charge au titre des maladies professionnelles.
Désignation des maladies
Pour la déclaration le libellé de la maladie doit être très précis et ne doit pas se limiter à « surdité professionnelle, tableau 42 ». La maladie devra être précisément désignée :
« Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, caractérisée par un deficit audiomètrique bilatéral affectant préférentiellement les fréquences élevées.
Critères administratifs
- Le délai prise en charge est de 1 an.
- Le délai d’exposition est de 1 an, mais il est réduit à 30 jours pour la mise au point des moteurs et des réacteurs thermiques.
- La liste des travaux est limitative.
Présentation d’un dossier au CRRMP, Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
Si une condition du tableau n’est pas remplie, tel que le délai de prise en charge ou un métier qui ne figure pas dans la liste limitative des travaux,un dossier peut être présenté au CRRMP, mais l’atteinte doit répondre à la definition de la maladie, telle qu’elle est précisée dans le tableau.
Rédaction du certificat de maladie professionnelle
Elle doit respecter un formalisme précis En effet, si ce certificat est mal complété, le dossier sera contrôlé et une expertise demandée.
La presbyacousie aura alors le temps d’aggraver les lésions, les diverses audiomètries seront donc discordantes, il en résultera alors un contentieux.
Il faut nécessairement utiliser le formulaire S6909
Ce certificat est malheureusement souvent rédigé sur papier libre.
Sur le formulaire S6909 :
- L’intitulé « accident du travail » doit être barré.
- La case « initial » doit être cochée : c’est la date de l’audiomètrie tonale et vocale réalisée après 3 jours sans exposition au bruit.
- La case « final » doit également être cochée puisqu’elle correspond au jour de la déclaration, qui correspond à la date de consolidation ( date à partir de laquelle sera versée l’IPP).
- Sur ce formulaire, la case « consolidation avec séquelles » doit être cochée et la date de cette consolidation doit être la même que celle qui sera apposée au niveau de « certificat établi le », sur la ligne inférieure.
- La « nature de la maladie professionnelle » doit être remplie très précisement,
l’intitulé « surdité sur le tableau n° 42 » conduit nécessairement au refus de la pathologie.
Il faut noter par exemple « hypoacousie de perception caractérisée par un déficit audiomètrique bilatéral, symétrique, affectant préférentiellement les fréquences élevées ». - Ce certificat doit être réalisé par un médecin doté d’un audiomètre permettant de réaliser une audiomètrie tonale et vocale, il ne peut donc pas être réalisé par le médecin généraliste.
Expertise
Le médecin conseil peut demander un avis complémentaire à un ORL pour une surdité déclarée en maladie professionnelle.
Si l’ORL ne confirme pas le caractère professionnel de la surdité, le salarié pourra demander une expertise.
C’est alors un expert auprès du TASS qui se prononcera.
Un employeur peut également contester le caractère professionnel de la surdité.
Même si l’employeur gagne l’expertise, le salarié conserve bien son indemnisation, mais c’est la caisse qui payera et non pas l’employeur.
Les contentieux
Les contentieux peuvent porter sur la désignation de la maladie, le délai de prise en charge ou la liste limitative des travaux.
Désignation de la maladie
- Forme de la courbe et présomption d’origine.
La présomption d’origine peut être remise en question car un salarié peut avoir travaillé dans le bruit mais n’y travaille plus et la presbyacousie est évolutive.
Par contre dans les démarches auprès du CRRMP, c’est au salarié d’apporter la preuve. - Variabilité de l’audiomètrie
- Délai des 3 jours
L’audiomètrie prise en compte pour la déclaration doit être réalisée après 3 jours sans exposition au bruit.
L’entreprise peut soustraire le salarié de l’exposition au bruit et fournir une attestation au salarié.
Il n’est pas indispensable d’arrêter le salarié durant es 3 jours. - Aggravation du déficit
Pour être reconnue au titre des pathologies professionnelle, la surdité ne doit plus s’aggraver après le retrait de l’exposition au bruit. Or si les examens de contrôle ont lieu longtemps après, la presbyacousie aggrave les atteintes auditives.
En effet, en cas de litige avec la Sécurité sociale, une expertise est demandée, or de nombreux mois s’écoulent avant sa réalisation, ce qui laisse le temps à la presbyacousie d’aggraver les lésions auditives antérieures, dues au bruit.
Or le tableau de maladie professionnelle précise que la surdité ne doit pas s’aggraver après le retrait de l’exposition au bruit.
Délai de prise en charge
C’est par rapport au dernier jour de travail en atelier bruyant+ 364 jours.
Liste limitative des travaux
Ce qui est important à prendre en compte, c’est l’environnement sonore du salarié.
Un agent d’entretien dans une chaudronnerie pourra bien être considéré comme exposé.
En cas de contentieux, le suivi audiométrique peut désormais être récupéré dans le dossier de medecine du travail : on aura parfois des courbes « en cloches » dans le dossier de médecine du ttravail, aors que l’audiomètrie de déclaration donne une courbe plate. Seule la part professionnelle de la surdité sera alors indemnisée.
Indemnisation de la surdité au titre des maladies professionnelles
Pour la surdité professionnelle le taux de la rente d’IPP est fixé selon le barème indicatif d’invalidité des accidents du travail
Il faut se référer au tableau du paragraphe 5.5.4 de ce barème : en pratique, actuellement, seul le tableau de la perte auditive en décibels est utilisé ( 0 à 25, 25 à 35, etc)
L’indemnisation débute à la date de consolidation
Les tableaux de maladie professionnelle pour la surdité professionnelle
Tableau n° 42 du régime général
Il a été crée le 20 avril 1963, modifié le 7 sept 1981et le 25 sept embre 2003
Tableau 46 du régime agricole
Il a été crée le 13 nov 1981et modifié le 29 janv 1996 et le 28 sept 2006
Dans ces 2 tableaux,
diverses modifications ont été apportées au fil du temps : au niveau des moyens de contrôle de l’audition pour éviter les erreurs, la forme de l’encoche a été précisée, etc
Les métiers de l’industrie agroalimentaire ont été ajoutés :
- abattage et éviscération des volailles, des porcs et des bovins
- plumage de volailles
- emboîtage de conserves alimentaires
- malaxage, coupe, sciage, broyage, compression des produits alimentaires
L’oreille c’est l’organe des sens qui comporte le plus petit nombre de cellules, or ces cellules ne se renouvellent pas. L’audition est donc un sens essentiel qu’il faut préserver à tout prix.
Désormais les victimes atteintes de surdité professionnelle peuvent être équipées de prothèses auditives, les effets de larsen, principal inconvénient des anciens appareillages, ont disparu.
Une prothèse auditive reste à la charge de l’assuré,même si la surdité a été reconnue au titre des maladies professionnelles.
Les informations figurant dans cet article ont été recueillies à l’occasion d’une intervention du Dr Jean-Claude Duclos,
ORL à l’Institut universitaire de médecine du travail, Université Lyon 1,
auprès de médecins du travail à Lyon, en avril 2010.
Tableaux des maladies professionnelles associés :
tableau n°42 RG : Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels (69,2 KiB, 51 078 hits)
Commentaires