Faute inexcusable, indemnisation de la victime : le préjudice sexuel est désormais un préjudice distinct du préjudice d’agrément
La Cour de cassation a précisé récemment l’étendue de la réparation due à la victime, en cas de faute inexcusable de l’employeur, suite à la QPC du 18 juin 2010, notamment à propos du préjudice sexuel. Alors que le préjudice sexuel relevait jusqu’à récemment du préjudice d’agrément, les juges retiennent désormais que le préjudice sexuel, constitue comme en droit commun, un chef de préjudice distinct du préjudice d’agrément et peut donc faire l’objet d’une indemnisation spécifique.
Quelle indemnisation perçoit une victime dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle résultant d’une faute inexcusable de l’employeur ?
Evolution de la jurisprudence pour l’indemnisation du préjudice sexuel
Tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, tels que ne plus pouvoir avoir de relations sexuelles, constituent un préjudice sexuel.
Quelle indemnisation perçoit une victime dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle résultant d’une faute inexcusable de l’employeur ?
En cas de faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, la victime perçoit :
- des prestations en nature ( prise en charge des frais médicaux et assimilés, réadaptation fonctionnelle et rééducation fonctionnelle),
- des prestations en espèce ( indemnités journalières pendant l’arrêt de travail, rente d’incapacité permanente partielle en cas de persistance de séquelles après la consolidation),
- une majoration de la rente d’IPP,
- mais la victime peut également demander à l’employeur, devant la juridiction de Sécurité sociale, la réparation des préjudices énumérés à l‘article L 452-3 du code de Sécurité sociale ( souffrances physique et morale, préjudices esthétiques et préjudice d’agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution de la promotion professionnelle),
- la victime peut également obtenir une indemnisation pour l’ensemble des dommages qui ne sont pas couverts par cet article L 452-3 du code de la Sécurité sociale comme en témoignent plusieurs arrêts de la Cour de cassation , dont l’arrêt du 4 avril 2012, pourvoi n°11-14311 qui prévoit l’indemnisation du préjudice sexuel, indépendamment de l’indemnisation du préjudice d’agrément,
- une victime peut également percevoir une indemnisation pour les frais d’aménagement d’un logement, l’acquisition d’un véhicule adapté, pourvoi n° 10-19475
ALORS QU’en cas de faute inexcusable de l’employeur, et indépendamment de la majoration de la rente servie à la victime d’un accident du travail, celle-ci peut demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement de certains chefs de préjudice énumérés par l‘article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais aussi de l‘ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu’en décidant que les dispositions de l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale énumèrent de façon limitative les préjudices pouvant être réparés dans le cadre de la faute inexcusable, et que Madame X… ne pouvait donc pas réclamer la réparation des chefs de préjudice relatifs aux frais d’aménagement de son logement et d’une voiture adaptée à son handicap, la Cour d’appel a violé l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale ensemble les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et l’article 1er du Protocole additionnel.
Les ayant-droits d’une victime, dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qui résulte d’une faute inexcusable, peuvent également prétendre à l’indemnisation de leur préjudice moral.
L’ indemnisation des préjudices est versée directement aux victimes par la caisse de Sécurité sociale qui en récupère ensuite le montant auprès de l’employeur.
Evolution de la jurisprudence pour l’indemnisation du préjudice sexuel
En 2009, le préjudice sexuel n’est pas indemnisé
Le préjudice sexuel n’est pas considéré comme préjudice d’agrément, comme en témoigne les arrêts, N° de pourvoi: 08-11804, 08-12113
« ALORS QU’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime d’un accident du travail a le droit de demander à l’employeur, indépendamment de la majoration de la rente qu’elle reçoit, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, celle de ses préjudices esthétique et d’agrément, ainsi que la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que cette liste est limitative, les autres chefs de préjudice étant déjà réparés par la rente accident du travail ; que la cour d’appel, qui a fixé le préjudice de M. X… en lui allouant des indemnités au titre du préjudice sexuel, du préjudice résultant de son handicap dans tous les actes de la vie courante de la date de l’accident jusqu’au jour de la consolidation, ainsi qu’au titre du préjudice résultant de la perte de salaires et de primes, et du préjudice résultant de l’incapacité permanente partielle et de l’incidence professionnelle, a violé l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 751-9 du code rural. «
Depuis avril 2010 le préjudice sexuel est considéré comme préjudice d’agrément mais n’est pas indemnisé de manière indépendante
« L’expert indique que M. X… ne pourra plus avoir des relations sexuelles. Il en résulte un préjudice sexuel distinct du préjudice d’agrément qu’il y a lieu de réparer en lui allouant la somme de 30. 000 €. Le jugement sera réformé sur ce point … »
« Au sens de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d’agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence, notamment le préjudice sexuel ».
Depuis avril 2012, le préjudice sexuel est un préjudice distinct du préjudice d’agrément qui donne lieu à une indemnisation spécifique
Selon plusieurs arrêts du 4 avril 2012 n° de pourvoi 11-14311,
le préjudice sexuel est désormais considéré comme un préjudice distinct du préjudice d’agrément
« Les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, celle-ci puisse demande à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale (arrêt n° 1, pourvois n° 11-14.311 et 11-14.594, et arrêt n° 2, pourvoi n° 11-15.393) Par suite, le préjudice sexuel et le déficit fonctionnel temporaire, qui ne sont pas au nombre des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale peuvent être indemnisés sur le fondement de ce texte ».
Arrêt du 4 avril 2012, n° de pourvoi 11-14594
« Et attendu, d’une part, que le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, doit désormais être apprécié distinctement du préjudice d’agrément mentionné à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; »
Le préjudice sexuel est un préjudice distinct du préjudice d’agrément et peut donc faire l’objet d’une indemnisation propre. Les juges précisent également ( arrêt du 4 avril 2012, n°11-14311) que les organismes de Sécurité sociale doivent avancer le montant de cette indemnisation aux victimes, puisqu’ils doivent avancer toutes les indemnisations y compris celles qui correspondent à des préjudices non listés par l’article L 452-3 du code de la Sécurité sociale.
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