Remonter aux causes des RPS en se centrant sur le travail et son organisation : le modèle d’analyse C2R, Contraintes, ressources, régulations

Le travail est au cœur de la prévention des risques psychosociaux : la meilleure des perspectives, pour prévenir ces risques,  consiste à remettre l’activité au centre de la discussion, parler du travail et de l’activité de travail. C’est l’Anact qui a construit le modèle de compréhension C2R, encore appelé modèle des tensions : ce modèle d’analyse des RPS se fonde sur l’existence, inhérente au travail, d’une tension permanente dans l’entreprise, entre les exigences de l’organisation et celles des salariés. Cette tension se place dans un contexte : celui de l’entreprise d’une part, celui des relations professionnelles d’autre part. Cette tension peut être faible, dans le cas d’une relation confiante des salariés avec leur entreprise. Au contraire cette tension augmente lorsque l’écart entre les champs d’exigence de l’entreprise et des salariés est important.

Limites de certaines approches des risques psychosociaux 
Modèle des tensions/régulations de l’Anact : exigences de l ‘organisation, exigences des salariés
Modèle des tensions/régulations de l’Anact : le contexte de l’entreprise, les relations dans le cadre du travail
Identifier avec les salariés de l’entreprise, les facteurs de ressources, les facteurs de contrainte 

Limites de certaines approches des risques psychosociaux

La prévention des risques psychosociaux ne doit pas se limiter à une approche quantitative ou centrée sur les individus.  En effet, les approches uniquement quantitatives  qui recourent massivement aux indicateurs, aux questionnaires, montrent leurs limites. Ce type d’ approche permet bien sûr de réaliser un état des lieux, mais  les indicateurs sont souvent trop complexes, les données trop nombreuses, et ces outils n’expliquent pas les mécanismes concrets à l’oeuvre dans le travail qui entraînent le mal être et sur lesquels doivent porter les actions correctives.
Un questionnaire sur le stress au travail permet bien sûr de repérer des motifs de malaise dans certains secteurs d’une entreprise  : manque de reconnaissance et de soutien de l’encadrement par exemple. Mais c’est l‘analyse qualitative du travail ( entretiens avec les salariés, observations du travail, etc) qui permet de comprendre les contextes de travail dans lesquels se manifestent les malaises, analyser leurs causes afin de mettre en œuvre des solutions adaptées aux diverses situations.
La prévention centrée sur l’individu a le mérite d’exister mais elle est très insuffisante : numéro vert, consultations chez des thérapeutes, apprentissage des techniques de gestion du stress, appuis individualisés par des actions de médiation dans des conflits, politiques de bien être au travail, formations des managers à des techniques de communication ( suggestions de comportements, repérage des individus en difficultés, etc)

L’Anact propose d’explorer d’autres voies en développant une approche qualitative centrée sur le travail et son organisation afin de s’attaquer aux causes profondes des risques psychosociaux et s’orienter vers une prévention durable.
Il faut parvenir à articuler ces méthodes quantitatives et qualitatives en donnant la priorité à l’analyse approfondie des conditions concrètes de travail.

Le modèle de l’Anact propose d’identifier des facteurs de ressource et des facteurs de contrainte à la fois dans les 2 champs d’exigences et dans les éléments du contexte.

Pour réguler le travail, il faut agir sur ces facteurs de ressource et de contrainte.

Modèle des tensions/régulations de l’Anact : exigences de l ‘organisation, exigences des salariés

Modèle tensions ANACT

Dans ce modèle des tensions de l’Anact, au cœur du modèle se trouve le  » vrai travail », et on identifie la tension ( symbolisée par un ressort) avec les 2 cadres de définition des exigences;
On distingue les exigences de l’organisation d’une entreprise (ce qui est perçu de l’organisation et des moyens du travail ) et les exigences des salariés (ce qui est perçu pour permettre de réaliser le travail dans de bonnes conditions et de se réaliser ).
Cette tension se place dans un contexte : le contexte de l’entreprise d’une part et le contexte des relations professionnelles d’autre part.

Les ressorts représentés sur ce modèle témoignent du système vivant : si le ressort se tend, lorsque les ressources sont insuffisantes par exemple, l’environnement de travail devient pathogène…

Qu’est ce qui est perçu des contraintes de travail : l’organisation et les moyens de travail

Organisation du travail :
par exemple le temps du travail, la charge de travail, les formes de prescription du travail, les exigences de production ( quantité, normes de qualité, etc)

Gestion des ressources humaines :
le statut, les formes d’emploi, le mode de rémunération, l’intégration des parcours professionnels, etc

Management
L’organisation et le type de management, les formes d’évaluation, etc

Environnement et moyens de travail
Par exemple les espaces de travail, les moyens de communication, les outils informatiques, etc

Qu’est ce qui est perçu du côté des salariés pour permettre de réaliser le travail dans de bonnes conditions et de se réaliser : les valeurs et les exigences du salarié

Exigences en terme d’autonomie, qualité et sens du travail, valeurs professionnelles et éthiques, reconnaissance et équité.

Modèle des tensions/régulations de l’Anact : le contexte de l’entreprise, les relations dans le cadre du travail

Cette tension se place dans un contexte : le contexte de l’entreprise d’une part et le contexte des relations professionnelles d’autre part.
Le contexte de l’entreprise :
c’est l’environnement global de l’entreprise et du travail, son contexte socio-économique  ( son environnement, sa stratégie, ses perspectives d’emploi et de développement, sa gouvernance, son histoire, sa culture, son sens donné au travail).
Les changements d’organisation sont essentiels à prendre en compte : leur influence varie suivant l’ampleur du changement, sa rapidité, la façon dont il est conduit, etc
Selon que l’entreprise est en développement ou non, selon l’histoire, les perspectives d’emploi,etc le vécu du travail et du conflit d’exigences est plus ou moins marqué.

Le contexte des relations professionnelles
ce sont :

  • les relations aux collègues ( état du collectif, possibilité de soutien social),
  • relations à l’encadrement ( proximité du management, soutien technique et socio-affectif),
  • relations aux personnes extérieures ( types et formes de relations au public ou client),
  • relations aux représentants du personnel et syndicaux ( proximité, soutien effectif).

Ces relations professionnelles suivant a façon dont elles sont perçues, influencent la perception des situations de travail par les salariés. La tension entre les exigences de l’entreprise et celle des salariés va être exacerbée ou au contraire apaisée en fonction de l’état de ces relations professionnelles.

Identifier avec les salariés de l’entreprise, les facteurs de ressources, les facteurs de contrainte

Le modèle d’analyse  C2R, Contraintes, ressources régulations propose d’identifier ces facteurs dans les deux  champs d’exigence : les exigences de l’organisation et les exigences des salariés.

Un facteur de contrainte est un facteur perçu par le salarié comme un obstacle à faire du bon travail, il freine l’entraide, dégrade les relations collectives. Un facteur de contrainte donne une vision négative des conditions de travail. Au contraire, un facteur de ressource est perçu comme favorisant un bon travail, la cohésion sociale. Il permet de résoudre les difficultés du quotidien.Il contribue à juger positivement les conditions de travail.

C’est le ressenti des salariés qui doit être pris en compte : par exemple, le ressenti d’une charge de travail importante n’est pas nécessairement négatif, si des facteurs de ressource atténuent ce sentiment de surcharge.
Ces facteurs doivent être identifiés au niveau global mais également plus précisément pour certaines situations de travail. Il faut ensuite travailler à réduire les facteurs de contraintes et développer les facteurs de ressources pour  réduire la tension entre les exigences de l’entreprise et celle des salariés.

Exemples de facteurs de contrainte perçus par les salariés

Organisation de l’entreprise :

  • moyens et espaces de travail non adaptés aux tâches,
  • pannes qui perturbent la production,
  • objectifs mal définis,
  • exigences quantitatives incompatibles avec la qualité, etc

Du côté des salariés :

  • métier dévalorisé,
  • expérience limitée.

Contexte socio-économique :

  • secteur d’activité en crise,
  • image défavorable du service produit,
  • changements trop fréquents et mal accompagnés, etc

Relations professionnelles

  • absence de soutien de l’encadrement,
  • collectifs de travail en difficultés, etc

Exemples de facteurs de ressources perçus par les salariés

Organisation de l’entreprise :

  • charge de travail équilibré,
  • effectif suffisant,
  • moyens de travail appropriés,
  • participation aux décisions.

Du côté des salariés

  • métier reconnu,
  • sentiment d’expertise,
  • histoire sociale partagée importante.

Contexte socio-économique de l’entreprise

  • perspectives de développement de l’entreprise,
  • qualité reconnue des produits et services,
  • bon positionnement de l’entreprise sur les marchés.

Relations professionnelles

  • réel appui de l’encadrement,
  • entraide entre collaborateurs,
  • qualité de dialogue social, etc

Le travail réel, c’est le travail vivant: si l’on se cantonne à sa fiche de poste, on n’atteint pas ses objectifs dans son travail. Il y a donc toujours un écart entre le travail réel et le travail prescrit. Travailler consiste en permanence à résoudre des situations à problèmes, il faut mobiliser des astuces pour parvenir à atteindre ses objectifs. Le travail consiste à faire face à la variabilité.
Or les nouvelles organisations dans les entreprises et les NTIC, Nouvelles technologies de l’information et de la communication, sont sources de tension. Ces organisations tendues permettent de moins en moins de mettre en place l’autonomie entre le travail réel et le travail prescrit, alors que chacun a besoin de marge de manœuvre pour mettre en place cette autonomie pour faire face aux problèmes, faire face à la variabilité du travail.

Le modèle d’analyse des risques psychosociaux C2R : Contraintes, ressources, régulations développé par l’Anact propose de remonter aux causes des RPS en se centrant sur le travail et son organisation : ce modèle d’analyse se fonde sur l’existence, inhérente au travail, d’une tension permanente dans l’entreprise, entre les exigences de l’organisation et celles des salariés. Pour réguler le travail, il faut donc tenter de réduire les facteurs de contrainte ( réduire des dysfonctionnements techniques qui perturbent le travail, réexaminer les procédures et les normes du travail pour faciliter le travail, etc) et développer les facteurs de ressource ( actions qui favorisent les collectifs de travail, favoriser l’accès à des informations pertinentes pour le travail, etc).
La prévention des risques psychosociaux piétine beaucoup aujourd’hui au sein des entreprises : certaines d’entre elles limitent leur démarche de prévention des RPS au suivi d’indicateurs dans des tableaux de bord mais ne se préoccupent pas des individus, ne remettent pas en cause l’organisation du travail, alors qu’il faut mettre le travail au centre du débat.
Ceci est primordial y compris pour la performance économique de l’entreprise, puisque face à des facteurs organisationnels nocifs, chacun met en place des stratégies défensives qui sont toujours des stratégies de « retrait  » qui permettent de  » tenir  » plus longtemps. Mais en situation de retrait on ne donne pas le meilleur de soi même pour l’entreprise…

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