Enquête autour d’un cas de tuberculose pulmonaire : les recommandations ont été actualisées en 2013
Toute tuberculose pulmonaire doit être considérée comme potentiellement contagieuse et faire l’objet d’une enquête. En effet la principale stratégie pour lutter contre la tuberculose consiste à réaliser des enquêtes autour d’un cas de tuberculose maladie. Le Haut Conseil de la santé publique a actualisé en 2013 les recommandations de 2006 destinées aux médecins : » Recommandations pratiques : enquête autour d’un cas de tuberculose « . Les anciennes recommandations de 2006 prévoyaient 3 temps de dépistage : au temps T1 situé le plus proche du diagnostic, une radiographie et un test tuberculinique devaient être réalisés puis idem au bout de 3 mois. 12 à 18 mois plus tard, il fallait réaliser une radiographie et une consultation. Ces nouvelles recommandations simplifient le dépistage : elles prévoient seulement 2 temps de dépistage.
Quelques définitions : cas source, cas index, sujet contact, infection tuberculeuse latente, tuberculose maladie
Réalisation de l’enquête autour d’un cas de tuberculose
Nouvel algorithme de dépistage des sujets contacts
Tuberculose en milieu professionnel
La vaccination par le BCG demeure obligatoire pour les soignants
Avec 5 000 nouveaux cas de tuberculose chaque année , la France, selon l’OMS, figure parmi les pays de plus faible incidence de tuberculose. La transmission interhumaine est entretenue par des sujets malades qui ont une tuberculose respiratoire avec excrétion de bacilles tuberculeux. Cette transmission aérienne se fait via des microgouttelettes en suspension, elle est facilitée par différents facteurs (contagiosité du patient source, vulnérabilité des sujets contacts, durée de leurs échanges/contacts, etc). Ceci entretient le cycle infectieux de cette maladie en entraînant des infections tuberculeuses latentes ( ITL) dont certaines évolueront plus ou moins rapidement vers une infection tuberculeuse maladie ( ITM).
Quelques définitions : cas source, cas index, sujet contact, infection tuberculeuse latente, tuberculose maladie
Cas source : personne à l’origine de l’infection du ou des cas secondaires ou des contacts.
Le cas source correspond souvent mais pas toujours au cas index.
Cas index : patient atteint de tuberculose maladie ( TM) à l’origine du signalement.
Sujet contact
Personne qui a inhalé un volume d’air possiblement contaminé par une personne souffrant de tuberculose contagieuse.
On distingue
- les contacts étroits ( premier cercle) :
personnes vivants sous le même toit, personnes proches ( collègues, amis, soignants) mais qui ont passé un temps prolongé autour du cas index notamment en partageant un même espace limité « bulle » de 2 mètres de diamètre au quotidien ( même bureau, chambre en foyer, ou hôpital, cellule, etc) - Les contacts réguliers ou occasionnels ( deuxième cercle) :
personnes ayant fréquenté le cas index, mais moins longtemps et de manière moins rapprochée : amis, famille ne vivant pas sous le même toit, collègues, camarades de classe, etc
Infection tuberculeuse:
Etat qui résulte de la multiplication de bacilles de la tuberculose succédant à un contact infectant, le plus souvent un contact proche avec un cas de tuberculose contagieux ( état pouvant être mis en évidence par une réaction positive à une IDR ou un résultat positif à un test de libération de l’interféron gamma).
Infection tuberculeuse latente ( ITL)
Présence de bacilles tuberculeux dans l’organisme sans signe clinique ni radiologique de maladie. Les infections tuberculeuses latentes ne sont jamais contagieuses.
Elles se traduisent par une réaction à l’IDR ou par un résultat positif au tests de libération de l’interféron gamma (IGRA).
Tuberculose maladie ou active ( TM)
Signes cliniques et/ou radiologiques de maladie, dus à une multiplication du bacille tuberculeux insuffisamment contrôlé par le système immunitaire. Elle se déclare dans les suites immédiates d’une infection tuberculeuse ou par réactivation d’une infection restée jusque là latente ( ITL).
Réalisation de l’enquête autour d’un cas de tuberculose
Une enquête permet d’évaluer la contagiosité du cas index. Il faut s’entretenir avec le cas index, en cas de tuberculose maladie pulmonaire, pour identifier les sujets contacts à dépister, en fonction du type, de l’intensité et de la durée du contact.
L’objectif c’est de dépister et de traiter précocement les cas de tuberculoses maladies et d’infections latentes autour d’un cas de tuberculose.
Les investigations doivent commencer dans les 3 jours qui suivent le signalement.
C’est le CLAT ( Centre de lutte antituberculeuse) du domicile du cas index qui est en charge de l’enquête. Il contacte le médecin qui a posé le diagnostic et coordonne les différentes structures concernées par l’enquête.
Un sujet contact est défini par la présence simultanée du cas index et du sujet contact dans une même pièce ou une exposition au cas index dans une « bulle » de 2 mètres de diamètre. Par convention la période concernée est de 3 mois avant le diagnostic, elle peut être allongée en cas de signes respiratoires plus anciens.
Le recensement des sujets contacts est une étape importante
C’est l’ARS qui avertit le CLAT dans les 48H : il prend contact avec le cas index . Il réalise une visite d’entourage, soit à l’hôpital ou à son domicile s’il n’a pas été hospitalisé ( normalement un sujet tuberculeux contagieux doit séjourner au moins 15 jours à l’hôpital. Après 15 jours de traitement antibiotique, il n’est plus contagieux
Le médecin du travail va aider à recenser les contacts du cas index : ce sont les contacts dans les 3 mois qui précèdent la connaissance du cas ( un cas de tuberculose est diagnostiqué le 31 mars, on recherche les contacts depuis le 1er janvier. Pour un cas très contagieux, on peut remonter jusqu’à 5 ou 6 mois, la liste des sujets contacts est donc plus importante).
Dans les anciennes recommandations, on recensait les personnes qui avaient été en contact pendant 8heures avec le cas index. Dans les recommandations de 2013, on recense bien toujours les personnes qui ont été en contact pendant 8 heures avec le cas index si le BK est mis en évidence, mais si ce n’est pas le cas, si l’on n’a pas mis en évidence de BK dans les crachat mais la culture est positive, on recense les personnes qui ont été en contact pendant 40 heures.
Certaines situations ne justifient pas suivi de l’entourage
Lorsque qu’il s’agit d’un contact avec un cas index dont l’examen est négatif (pas de BK dans les crachats ou à la fibroscopie) et une durée de contact inférieure à 40 heures, on ne dépiste pas.
Nouvel algorithme de dépistage des sujets contacts
Cet algorithme figure à la page n° 65 de la nouvelle version de ces recommandations.
Les 2 temps de dépistage
1er temps de dépistage
Sans délai, dès que l’on est informé du cas de tuberculose, dans les 8 semaines qui suivent le dernier contact, il faut réaliser une radiographie pulmonaire et une consultation à la recherche de tuberculose maladie. Sachant qu’il faut un certain temps pour que se développe une tuberculose maladie, les examens sont le plus souvent négatifs.
L’objectif de cette première radiographie pulmonaire c’est bien de dépister une tuberculose maladie et non de constituer un cliché de référence.
2ème temps de dépistage
8 semaines après le contact avec le cas index, il faut réaliser une IDR ou un test IGRA (détection de l’interféron gamma) mais aucune radiographie pulmonaire n’est alors réalisée à ce moment là.
2 cas se présentent alors
- soit le test est positif
- on décide de ne pas traiter ( alors qu’en 2006 les recommandations préconisaient de traiter).
Le risque de développer une tuberculose maladie est plus important donc on va la surveiller, il faut envisager une radiographie 2 ans plus tard. - ou bien on décide de traiter l’infection latente ( si l’on pense que le risque de développer une tuberculose maladie est important ).
Dans ce cas on interrompt la surveillance ( alors que les précédentes recommandations exigeaient une nouvelle radiographie pulmonaire au bout d’un an).
Selon les spécialistes de ces questions, ce point est discutable car on ne sait pas quelle est l’observance thérapeutique…
- on décide de ne pas traiter ( alors qu’en 2006 les recommandations préconisaient de traiter).
- Soit le test est négatif
on arrête le suivi.
En 2006 les recommandations exigeaient de traiter chaque infection latente alors que maintenant le choix est laissé au pneumologue de traiter ou non.
Bien que ces nouvelles recommandations existent, les spécialistes expliquent que l’on tend, dans certains cas, à rester à la marge des anciennes recommandations…
Par exemple, si l’on est informé du cas de tuberculose plus de 8 semaines après le contact ( ce qui n’est pas rare en pratique), le 1er temps de dépistage, sans délai, se situe au bout de 2 mois, on va donc passer d’emblée au 2ème temps de dépistage mais dans ce cas réaliser à la fois la radiographie pulmonaire et l’IDR ou le test de détection de l’Interféron gamma.
Rappel des critères de positivité des tests
Critère de positivité de l’ IDR : IDR > 15 mm,
mais l’IDR est également considérée comme positive si elle augmente de 5 mm par rapport au test de référence.
Lorsqu’un test tuberculinique est anormalement élevé : on instaure un traitement si le test de détection de l’Interféron gamma est également élevé ( par contre si ce dernier est négatif, on ne traite pas).
Tuberculose en milieu professionnel
Rôle des services de santé au travail
Le code de la santé publique impose aux services de santé au travail de participer aux actions de santé publique spécifiquement en cas de risque de contagion : participation aux enquêtes autour d’un cas.
Collaboration du CLATet du médecin du travail
Le CLAT et le médecin du travail collaborent pour :
- évaluer le risque de transmission au sein de l’entreprise,
- informer l’employeur et le personnel dans le respect de la confidentialité,
- établir la liste des contacts , organiser le dépistage, récupérer les examens et faire la synthèse.
Spécificités de l’enquête et du dépistage en milieu de soins
Une tuberculose peut survenir chez un patient ou un membre du personnel.
L’infection tuberculeuse latente et la tuberculose maladie sont reconnues comme maladie professionnelle chez le personnel ( le tableau n° 40 des maladies professionnelles a été modifié, une infection tuberculeuse latente peut désormais être évaluée par l’évolution des tests IGRA ( tests de détection de l’interféron Gamma et/ou IDR)
L’origine nosocomiale de la tuberculose est probablement sous-estimée en raison du délai parfois très long entre l’infection et la maladie. L’établissement de santé a la responsabilité de prévenir et prendre en charges les infections nosocomiales.
Les contacts personnels- malades sont considérés à priori comme étroits. Mais ils sont cependant le plus souvent de courte durée dépassant rarement les 8h cumulées.
Certaines manœuvres médicales et para-médicales sont à risques : intubation, trachéotomie, endoscopie bronchique, kinésithérapie respiratoire, autopsie, etc
Lorsque le cas index est un employé,
la recherche de cas d’infections secondaires chez le personnel exposé est à la charge du service de santé au travail.
Mais l’entourage personnel du cas index est pris en charge par le CLAT.
L’enquête sur la cohorte des patients exposés est coordonnée par une cellule opérationnelle. ( équipe d’hygiène locale, services concernes, direction, CLAT, Cclin, etc)
Lorsque c’est un patient qui est atteint de tuberculose contagieuse
Pour le personnel exposé
L’enquête en milieu de soins ne sera réalisée que dans les cas où les précautions complémentaires « air » n’ont pas été instaurées d’emblée ou suspendues trop tôt.
L’investigation et le suivi du personnel exposé sont réalisées par le service de santé au travail ou par le Clat à la demande de ce service.
Les personnels qui ont réalisé chez le patient atteint des manœuvres médicakes à risque générant des aérosols sont systématiquement dépistées sans critère de durée d’exposition.
Lorsque le cas index a un examen direct positif le risque doit être évalué pour le personnel soignant dès 1 heure de contact cumulé ( le temps de contact soignant-patient n’atteint jamais 8 heures).
Les étapes de dépistage sont les mêmes que dans les autres cas : mais dans le cas où l’on dispose d’une radiographie de thorax récente et que la durée d’exposition a été inférieure à 3 mois une radio initiale n’est pas indispensable en l’absence de symptômes.
Point spécifique au milieu de soins : le résultat du test réalisé à l’embauche ou, lors d’une autre enquête pourra être utilisé comme référence. Sinon, une IDR ou un test IGRA de référence sera effectué lors de la première consultation uniquement si le premier contage date de moins de 3 semaines ( car il existe une forte prévalence de personnes infectées dans cette population).
Pour les patients
L’enquête sur la cohorte des patients exposés est prise en charge par l’équipe opérationenle d’hygiène locale en lien avec le Clat.
La vaccination par le BCG demeure obligatoire pour les soignants
L’obligation de vaccination par le BCG a été levée en 2007 pour la population générale, mais le BCG reste obligatoire pour les soignants.
Le Haut conseil de la santé publique avait proposé de supprimer l’obligation pour les soignants mais cette proposition n’a pas été validée. Cette levée de l’obligation du BCG chez les soignants n’est sans doute pas imminente car c’est un problème de responsabilité.
Il sera donc nécessaire de vacciner les étudiants qui arrivent en médecine, alors que normalement on ne vaccine pas par le BCG après l’âge de 15 ans…
L’obligation de vaccination par le BCG a été suspendue dans la population générale car cela simplifie l’interprétation de IDR : en effet, si l’IDR est positive en l’absence de vaccination par le BCG, on considère qu’il s’agit d’une tuberculose latente.
Les recommandations pratiques « Enquête autour d’un cas de tuberculose » élaborées en 2006 ont été actualisées en 2013. Les enquêtes autour d’un cas de tuberculose maladie représentent l’une des stratégies principales de lutte contre la tuberculose dans les pays riches à faibles incidences. Ces nouvelles recommandations réduisent le dépistage à 2 temps au lieu de 3 à l’occasion d’une enquête autour d’un cas de tuberculose. Ce document propose également en annexe plusieurs documents utiles aux médecins du travail en cas de survenue d’un cas de tuberculose dans l’entreprise : des exemples de courrier, notamment une note d’information de la médecine du travail aux salariés, mais également une lettre d’information du médecin du travail à un employeur, etc
Tableaux des maladies professionnelles associés :
Tableau n°40 RG : Maladies dues aux bacilles tuberculeux et à certaines mycobactéries atypiques (/CMycobacterium avium/intracellulare, /CMycobacterium kansasii, (49,8 KiB, 19 194 hits)
Vous pouvez lire également les articles suivants :
- Tests de détections de l’interféron versus IDR chez les personnels de soins
- Diagnostic d’une tuberculose infection latente : détection de la production d’interféron
- Réponse immunitaire au cours de la tuberculose
- L’intradermoréaction à la tuberculine ou test de Mantoux
- Tests de détection de l’interféron gamma : IFN
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