Prévenir la violence chez les soignants à l’hôpital

La violence est banalisée partout, l’hôpital n’est pas épargné par ce phénomène, dont tous les professionnels de santé peuvent en être victime. Mais la violence n’est pas une fatalité, la direction d’un établissement de soins doit s’impliquer totalement dans sa prévention.

Distinction des actes de violence
Observatoire national des violences en milieu hospitalier
Quelles peuvent être les causes des actes de violence envers les soignants ?
Devoirs de l’hôpital envers ses agents victimes de violence
Prévention des actes de violence chez les soignants à l’hôpital

 

Distinction des actes de violence

La violence se définit comme toute action ( geste, parole, écrit, comportement) contre une autre personne ou un autre groupe, qui entraîne des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques. On distingue les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes.

Atteintes aux biens

  • Niveau 1 : vols sans effraction, dégradations légères, dégradations de véhicules sur parking intérieur de l’établissement ( hors véhicules brulés), tags, graffitis.
  • Niveau 2 : vols avec effraction.
  • Niveau 3 : dégradations ou destruction de matériel de valeur ( médical, informatique, imagerie médicale, etc) dégradations par incendie volontaire ( locaux, véhicules sur parking intérieur de l’établissement), vols à main armée ou en réunion ( razzia dans le hall d’accueil, etc)

Atteintes aux personnes

  • Niveau 1 : injures, insultes et provocations sans menaces ( propos outrageants, à caractère discriminatoire ou sexuel), consommation ou trafic de substances illicites ( stupéfiants) ou prohibés en milieu hospitalier ( alcool), chahuts, occupations des locaux, nuisances, salissures.
  • Niveau 2 : menaces d‘atteinte à l’intégrité physique ou aux biens de la personnes, menaces de mort, port d’armes ( découverte d’armes lors d’un inventiare ou remise spontanée ou présence indésirable dans les locaux).
  • Niveau 3 : violences volontaires ( atteinte à l’intégrité physique, bousculades, crachats, coups), menaces avec arme par nature ou par destination ( arme à feu, arme blanche, scalpel, rasoir, tout autre objet dangereux), agression sexuelle.
  • Niveau 4 : violences avec arme par nature ou par destination ( armes blanches, armes à feu, sclapels, rasoirs, tout objet dangereux), viol et tout autre fait qualifié de crime ( meurtre, violences volontaires entraînant mutilation ou infirmité permanente, etc)

 

Observatoire national des violences en milieu hospitalier

L’Observatoire national des violences en milieu hospitalier, ONVH, a été créé en juillet 2005 par la circulaire du 11 juillet 2005, relative au recencement des actes de violence dans les hôpitaux publics.

Cet observatoire a pour mission de recenser les évènements remontés par les établissements de soins, afin d’établir des statistiques et d’apporter des solutions concrètes aux hôpitaux par la mise en place de plans d’action.

Bilan de l’observatoire pour l’année 2010

Chaque établissement de soins doit tenir un fichier des évènements indésirables.

Nombre de signalements : 4 742 en 2009, 5 090 en 2010, soit une hausse de 7% en un an.

Le nombre de signalements est donc en augmentation, ce qui ne signifie pas nécessairement que les phénomènes de violence augmentent mais les établissements de plus en plus et de mieux en mieux, et des établissements nouveaux déclarent également.

Les actes de violence physique, verbale, psychologique, directe ou indirecte, etc sont recensés.

L’observatoire distingue les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes, mais dans 80% des cas de signalements de violence, il s’agit d’atteinte aux personnes.

Dans 46% des faits de violence, ce sont des coups portés aux soignants

Evolution au cours des 5 dernières années

On constate une augmentation des injures et des insultes de 10 % en 5 ans, les patients sont de plus en plus agressifs verbalement.
Par contre les coups ont diminué de 4% dans le même temps, ce qui résulte peut-être de la mise en place de certaines mesures concrètes dans des établissements.

Tous les services de l’hôpital sont concernés par les actes de violence, mais ce sont surtout les servcie de psychiatrie, d’urgence et de médecine qui sont les plus touchés.

Intervention pour endiguer la violence: dans 50% des cas, le personnel gère seul les actes de violence, parfois il y a recours aux forces de l’Ordre, ou au service de sécurité interne de l’hôpital.

Quelle suite est donnée aux violences subies : dans 8 cas sur 10 aucune suite n’est donnée, il n’y a pas de dépôt de plainte. La procédure est jugée trop lourde, elle est parfois méconnue.

Quelles peuvent être les causes des actes de violence envers les soignants ?

L’hôpital est une institution qui engendre des formes de violences.Il est primordial d’essayer d’en déterminer les causes afin de les prévenir.

  • Les temps d’attente et les conditions d’accueil aux urgences, font l’objet de très nombreux reproches : des améliorations doivent être envisagées au niveau de l’organisation des services d’urgence.
  • Nous vivons désormais dans un contexte procédurier et le patient est désormais un usager.
    Il peut faire preuve de violence parce qu’il conteste la décision médicale, ou bien parce que le praticien refuse une prescription, un arrêt de travail, etc
  • Certaines pathologies présentées par le patient ( pathologies mentales, utilisation de drogues, alcool etc) peuvent rendre des personnes agressives.
  • Christophe Dejours dans son livre « conjurer la violence » a observé que les violences commises par les usagers du service public étaient plus importantes dans les zones où le chômage est plus élevé.
  • La réduction du temps de travail est également pointé du doigt puisqu’il a écrasé des temps de travail consacré à la gestion des civilités, l’incivilité a donc émergé…

Lorsque le service public ne laisse pas de place à l’usager dans la construction de prestation de services, la seule place qu’il peut prendre est celle de l’incivilité ou de la violence.

Devoirs de l’hôpital envers ses agents victimes de violence

Il est indispensable de ne pas hésiter à porter plainte en matière de violence, il ne faut pas faire preuve de fatalisme, le dépôt de plainte doit être favorisé.
Les soignants doivent être informés qu’ils peuvent déposer plainte. La plainte doit être nominative. La victime peut se domicilier à l’hôpital si elle ne souhaite pas faire apparaître son adresse personnelle à cette occasion.

Suites en cas de dépôt de plainte

Lorsque la victime porte plainte contre son auteur, les sanctions sont sévères.
Dans le Code pénal les peines sont maximum, s’agissant d’un soignant, c’est à dire un professionnel qui accomplit une mission de service public.Les juges veulent également faire des exemples de ces affaires, « on ne travaille pas à l’hôpital pour se faire agresser ! »

Néanmoins de nombreux soignants agressés ne portent pas plainte, car cette violence est ressentie comme une mise en échec : or ce n’est pas parce que le soignant se fait agressé qu’il est un mauvais soignant…

Tous les actes de violence doivent être signalés à l’Observatoire

L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 assure une protection fondamentale de la collectivité : l’hôpital public est donc tenu de protéger contre les agressions ses agents et doit réparer le préjudice subi. Ainsi le directeur de l’établissement doit, si un agent est victime de violence, poursuivre l’auteur sur la demande de la victime, salariée de l’hôpital, assurer la défense de la victime ( par exemple les honoraires de l’avocat). Si l’auteur de l’acte de violence n’est pas retrouvé ou s’il est insolvable, c’est l’hôpital qui devra indemniser le préjudice moral, matériel et corporel.

Il est essentiel de solliciter cette réparation. L’hôpital pourra ensuite se retourner contre les auteurs pour faire rembourser ses frais.

Autres devoirs de l’hôpital

L’hôpital doit assurer une prise en charge de la violence psychologique, mais également mettre en oeuvre des moyens de prévention concrets : par exemple réorganiser pour diminuer les temps d’attente aux urgences, former les agents à la gestion de la violence, etc

Prévention des actes de violence chez les soignants à l’hôpital

Etudier les actes de violence et définir des actions

  • A partir de cette étude des actes de violence, il faut identifier les moments les plus délicats à gérer au cours de la journée au sein de chaque service, à quels moments se produisent préférentiellement les actes de violence afin de mener une politique adéquate : l’organisation du service pourra être modifiée, les équipes de soignants pourront être renforcées par exemple, sur certaines périodes de la journée.
  • Il faut chercher à savoir qui sont les auteurs des actes de violence :
    ce sont surtout les patients, mais il y a une évolution croissante des actes de violence chez les accompagnants, les visiteurs : il faudra alors travailler sur les flux au sein de l’établissement, revoir les structures d’accueil, par exemple limiter l’accès des accompagnants en unités de soins, développer une réelle politique d’accueil et de prise en charge des accompagnants, etc
  • Le personnel soignant peut parfois également être auteur de violence : ces actes de maltraitance ne sont pas pris en compte par l’observatoire.
  • Des procédures d’accompagnement des victimes de violence doivent être mises en place.

Formation des agents de l’hôpital à la gestion de la violence des usagers

Des formations dispensées aux salariés des compagnies aériennes pour gérer les passagers violents, sont dispensées également aux soignants pour apprendre, entre autre, à identifier le conflit, détecter les patients qui pouraient être violents ( tout comme les navigants savent détecter les passagers qui pourraient être violents), repérer l’attitude désinvolte de certains patients, leur gestuel, leur langage, etc

Ces formations permettent d’apprendre également à désamorcer un conflit : après avoir évalué le potentiel de violence du patient ou de l’accompagnant, il faut faire aussitôt du désamorçage, afin que les soignants ne quittent jamais leur rôle de soignant, gardent le contrôle de la situation.

Etablir un protocole d’accord entre l’hôpital et les forces de police :

En août 2005, un protocole a été signé entre le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la santé, en juin 2010 un autre protocole a été signé

Ces protocoles, signés généralement à l’initiative des directeurs d’établissement, visent à définir les relations quotidiennes entre l’hôpital et les forces de l’ordre dans certaines situations, telles que la venue de détenus à l’hôpital. Prévoir de mettre à disposition des salles pour l’attente des détenus, afin que les patients et les détenus n’attendent pas dans la même pièce, pour éviter que l’agressivité se généralise.

Agencement des locaux

Dès leur conception, il faut songer à mettre en place tour ce qui peut limiter les actes de violences.

  • Un simple changement d’organisation des flux peut permettre une meilleure prévention de la violence au sein de l’établissement.
  • Eviter d’installer par exemple une salle où les soignants se détendent et se restaurent en plein coeur d’un service d’urgence.
  • Les soignants doivent avoir la possibilité de fuir dans une autre pièce en cas d’agression.
  • Eviter des angles vifs dans les salles d’attente des urgence, pour éviter toute blessure en cas de choc.
  • Les couleurs des locaux doivent être bien choisies, apaisantes, etc

Les patients ont des droits mais également des devoirs. Les actes de violence doivent être signalés, des suites judiciaires doivent être données et la prise en charge des victimes doit être assurée. Un plan de prévention et des formations adaptées doivent être instaurés. Les directions des établissements de santé doivent s’impliquer dans la prévention de cette violence.
A côté des actes de violence externe, on décrit également une violence interne aux établissements : une violence qui émane de l’institution elle même, les soignants subissant des pression de la part de la hiérarchie. C’est souvent un manque de formation en management qui est à l’origine de cette violence interne. A aucun moment de leur cursus, les médecins, par exemple, n’ont été formés au management…

 

Ces informations ont été recueillies lors d’une conférence débat organisée à Lyon : La violence dans les établissements de soins »

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