Il est urgent d’établir des registres d’exposition pour les travailleurs exposés aux nanomatériaux
De plus en plus de travailleurs sont exposés aux nanomatériaux sur leur lieu de travail, mais les circonstances pratiques de l’exposition, la dose, le nombre de travailleurs et d’activités et les dangers de l’exposition des travailleurs à ces nouveaux matériaux sont peu connus. Tous les nanomatériaux ne sont sans doute pas dangereux mais des preuves scientifiques existent et prouvent que certains présentent des risques pour la santé. Les experts prédisent une forte croissance de l’emploi en lien avec la nanotechnologie tandis que la plupart des industrie en prétextant la protection du secret industriel donnent peu d’information à propos du type et de la quantité de nanomatériau qu’elles utilisent. Des registres d’exposition qui indiquent qui travaille, avec quel nanomatériau quand et dans quelle entreprise permettraient de surveiller l’émergence de risques nouveaux ou nouvellement détectés. De nombreux éléments dans la littérature scientifique plaident pour la création d’un registre des travailleurs pour les nanotechnologies
Principaux types de nanomatériaux
Dispositif national de déclaration des nanomatériaux
Les registres d’exposition existent déjà pour les cancérogènes
Difficultés pour mettre en place un registre d’exposition
Qui devrait être enregistré dans le registre d’exposition ?
Objectifs et fonctions des registres d’exposition
Quelles informations le registre devrait-il contenir ?
Qui devrait conserver le registre d’exposition?
La caractéristique essentielle d’un nanomatériau réside dans le fait qu’il présente des propriétés différentes de celles que l’on pourrait trouver dans le même matériau à son échelle normale.
Le terme » nanotechnologies » couvre l’ensemble des études, techniques et procédés qui agissent dans l’infiniment petit, puisque l’échelle nanométrique couvre les dimensions 10 000 fois inférieures à celles du diamètre d’un cheveu.
Un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre : la plupart des nanomatériaux présentent au moins une dimension comprise entre 1 et 100 nm
Par exemple un grain de sable de 1 mm correspond à 1 000 000 nm,
une bactérie équivaut à 1 000 nm,
un nanotube de carbone 10 nm,
1 molécule d’ADN correspond à 1 nm
Principaux types de nanomatériaux
- Silice amorphe
- Alumine
- terres rares
- Carbone noir
- Dixoyde de titane
- Nanoargile
- Nanotubes de carbone
Nanomatériaux qui posent des risques pour les travailleurs au stade de la fabrication et de la production : nanotubes de carbone, dioxyde de silicone, dioxyde de titane et noir de carbone.
Dispositif national de déclaration des nanomatériaux
Pour mieux connaître les nanomatériaux, un premier recensement en 2013 a chiffré à 282 000 tonnes le volume de nanoparticules produites en France et à 222 000 tonnes le volume importé. Il a permis de repérer un nombre total de catégories de substances à l’état nanoparticulaire compris entre 243 et 422 .
Au 30 juin 2013, plus de 930 déclarants (des fabricants, des distributeurs, ou importateurs) avaient effectué sur le site nano.fr 3 409 déclarations, qui représentent 500 000 tonnes de substances mises sur le marché français en 2012.
Un second rapport devrait être publié en 2014, ce premier a rencontré des difficultés pour l’exploitation des données, liées surtout à l’identification de la substance. Plus de 40 % des 2 776 déclarations ne comportaient pas d’identifiant permettant une identification de la nature chimique de la substance (tel le numéro CAS).
Les registres d’exposition existent déjà pour les cancérogènes
Des registres fonctionnent bien pour les cancérogènes : la base de données CAREX contient des informations à propos du nombre de travailleurs professionnellement exposés à des cancérogènes ( par agent, par secteur, dans certains pays européens). Janvier 2023 : nous ne trouvons rien pour la France..
Site canadien
CAREX : CARcinogen EXposure, Système international d’information sur l’exposition professionnelle aux agents cancérogènes
Difficultés pour mettre en place un registre d’exposition
À l’heure actuelle, les nanomatériaux et les nanoproduits ne peuvent pas être facilement identifiés, parce qu’il n’y a pas d’obligation de les étiqueter, malgré le principe no data, no market qui sous-tend le règlement REACH c’est à dire que toute substance chimique non enregistrée et dont l’autorisation n’a pas été accordée par l’ECHA est interdite d’utilisation…
Le plus souvent, les risques posés par les nanomatériaux ne sont pas bien définis et il est actuellement difficile de mesurer l’exposition aux nanomatériaux :
Pourtant, évaluer précisément l’exposition est un point clé pour établir une association avec les effets sur la santé.
Il s’avère également est difficile de distinguer les travailleurs exposés et ceux qui ne le sont pas.
Il est indispensable d’obtenir la collaboration des travailleurs pour collecter les informations au travers d’enquête sur l’exposition.
Qui devrait être enregistré dans le registre d’exposition aux nanomatériaux ?
Tous les travailleurs qui manipulent effectivement la plupart des nanomatériaux à tous les stades de leur cycle de vie devraient être enregistrés dans le registre d’exposition.
Paul Schulte du NIOSH souligne qu’il faudrait préciser ce que l’on entend par « »Travailleur des nanotechnologies « .
Objectifs et fonctions des registres d’exposition
Le NIOSH liste les objectifs et les fonctions des registres d’exposition pour les travailleurs exposés aux nanomatériaux
- 1-Définir une population à risque
- 2-Suivre une cohorte pour vérifier les associations exposition-maladie
- 3-Suivre une cohorte pour assurer la mise en place d’une prévention primaire et secondaire appropriée et d’une surveillance médicale
- 4-Suivre une cohorte pour permettre un soutien social, juridique et économique appropriée ;
- 5-Démontrer une préoccupation sociétale pour l’accord et fournir une base pour une action pertinente par rapport à l’exposition
- 6-Notifier à une cohorte une exposition, des mesures préventives ou des progrès thérapeutiques qui n’étaient pas connus au moment où le registre a été établi.
Quelles informations le registre devrait-il contenir ?
Un registre des expositions collecte l’information sur les expositions particulières en suivant l’historique des personnes depuis le début de la période d’exposition pour déterminer si ces personnes connaissent ensuite des problèmes de santé.
Les registres d’exposition sont utiles pour la collecte, le stockage, la récupération, l’analyse et la diffusion d’informations sur les personnes qui présentent une maladie, un état de santé ou un facteur de risque particulier qui les prédispose à un problème de santé ou sur une exposition antérieure à des substances ou ou sur des circonstances dont on soupçonne qu’elles ont des effets négatifs sur la santé.
Repérer la nano-exposition sur le lieu de travail
- Date
- Lieu de travail
Type d’activité/processus
- Description,
- durée,
- intensité de l’exposition
Identification des nanomatériaux ou nanoproduits
- Nom
- Composition des particules
- Distribution par taille des particules dans la gamme de taille inhalable
Identification du travailleur
- Nom
- Age
- Equipement de protection individuelle utilisé
- Autres facteurs de risques
- Durée
Il est important d’enregistrer le niveau de l’exposition par emploi et par processus afin de pouvoir mener d’autre études épidémiologiques.
Le Danemark et l’Allemagne sont en cours de création de registres d’exposition pour les nanomatériaux.
Qui devrait conserver le registre d’exposition aux nanomatériaux ?
Le registre d’exposition devrait être conservé par l’entreprise qui fournirait les données aux pouvoirs publics.
Actuellement les nanomatériaux ne sont pas réglementés, alors que certains d’entre eux semblent présenter des risques pour la santé et que le nombre de travailleurs exposés aux nanomatériaux ne cessent d’augmenter.
Il est urgent de tracer les expositions et d’instaurer des mesures de prévention. Il faut rapidement établir des registres d’exposition pour les nanomatériaux, qui listent le nom du nanomatériau, le type d’activité, la durée de l’exposition, l’intensité de l’exposition, la fréquence de l’exposition. L’exposition des travailleurs doit pouvoir faire l’objet d’un suivi si l’on réalise au bout de quelques années que tel ou tel nanomatériau est à l’origine de tel ou tel problème de santé. Une surveillance médicale des travailleurs exposés est essentielle, elle doit conduire à des actions de prévention. La trace des expositions doit être conservée dans les dossiers médicaux mais également par les travailleurs exposés : une fiche de prévention des expositions doit être réalisée pour garder une trace des expositions aux nanomatériaux.
Sans action de prévention les nanomatériaux pourraient devenir l’amiante de demain…
L’essentiel des informations présentes dans cet article sont extraites du document » Les nanomatériaux sur le lieu de travail : quels enjeux pour la santé des travailleurs » ETUI, European Trade Union Institute
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