Pose de faux ongles, soin, décoration de l’ongle :risques pour la santé

Les personnes qui réalisent des soins, décoration des ongles et pose de faux ongles sont exposées à d’innombrables produits chimiques. L’Anses a identifié il y a quelques années 700 produits chimiques, présents dans les produits utilisés mais également dans les atmosphères des lieux de travail. 60 de ces 700 substances ont été jugées très préoccupantes car CMR, sensibilisant et/ou inscrite sur une liste de perturbateurs endocriniens potentiels. Des recommandations sont disponibles pour prévenir les atteintes à la santé dans le secteur de l’onglerie. En 2009, l’ANSM s’était déjà penchée sur  le risque, pour les consommateurs, lié à l’utilisation du toluène dans les produits cosmétiques, et plus particulièrement dans les vernis à ongles, sans cependant prendre en compte les risques éventuels pour la santé des professionnels.  Les mesures de protection pour la prévention du risque chimique sont peu mises en oeuvre : ventilation générale, ventilation localisée par  table aspirante, port de gants et de masques de protection contre les poussières, etc

Soin, décoration des ongles : produits chimiques utilisés, risques pour la santé 
Recommandations de l’Anses pour prévenir les risques pour la santé dans le domaine de l’onglerie
Pose de faux ongles : produits chimiques, risques pour la santé, prévention
Lampes chauffantes pour la pose de vernis semi-permanents : exposition aux UVA

Les professionnels, prothésistes ongulaires et esthéticiennes, qui travaillent en onglerie ou en institut de beauté sont amenées à réaliser divers soins de l’ongle, poser des vernis, classique ou semi-permanent, réaliser des soins de manucure et poser des prothèses ongulaires (faux ongles) par différentes techniques ( gel ou résine), faire du stylisme ongulaire, etc

Soin, décoration des ongles : produits chimiques utilisés, risques pour la santé

Substances chimiques identifiées lors de soins, décoration et pose de faux ongles

L’analyse récente de l’Anses  a permis d’identifier environ 700 substances présentes dans la composition des produits utilisés ou dans les atmosphères de travail.

60 de ces 700 substances ont été jugées très préoccupantes : CMR,  cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR), sensibilisant et/ou inscrite sur une liste de perturbateurs endocriniens potentiels.

Des composés organiques (semi) volatils (CO(s)V) ont également été mis en évidence dans les atmosphères de travail : certains sont des agents CMR et neurotoxiques.
Les concentrations en CO(s)V pris individuellement seraient faibles comparées à celles mesurées sur des sites industriels, mais les concentrations en COV totaux et en toluène sont fortes si on les compare à celles mesurées dans les logements et dans l’air extérieur.

Particules provenant d’opérations de ponçage de l’ongle et des faux ongles
La caractérisation fine de ces poussières, notamment chimique et granulométrique, est méconnue.

Risques pour la santé des employés des ongleries

Les pathologies les plus souvent diagnostiquées chez ces travailleurs, esthéticiennes ou prothésistes ongulaires sont :

  • affections cutanées, incluant principalement des dermatites allergiques de contact,
  • affections des voies respiratoires et ORL, incluant principalement des asthmes,
  • céphalées,
  • troubles musculo-squelettiques (troubles liés à des postures assises, mouvements répétitifs de la main, du poignet ou de l’avant-bras).

Dans plus de la moitié des cas, la pathologie diagnostiquée est imputée à l’exposition à la famille des méthacrylates ( pose de faux-ongles).

Recommandations de l’Anses pour prévenir les risques pour la santé dans le domaine de l’onglerie

Au vu des conclusions de son expertise, l’Anses recommande :

aux professionnels exerçant une activité de soin et de décoration de l’ongle,

  • renforcer la mise en œuvre de mesures de prévention du risque chimique pour réduire les expositions à des agents chimiques dangereux
    (recherche de produits de substitution, utilisation de tables aspirantes et port d’équipements de protection individuelle adaptés, etc)

Aux metteurs sur le marché de produits cosmétiques destinés aux activités de soin et de décoration de l’ongle,

  •  à court et moyen termes ,
    remplacer les produits afin de supprimer les expositions à la source de différents agents chimiques dangereux, en particulier les monomères (méth)acryliques polymérisables, le toluène, l’acétaldéhyde,… ;
  • en seconde intention,
    développer des produits/techniques avec lesquels le professionnel n’entrerait pas en contact ( » no-touch « ) dans les cas où la substitution de l’agent dangereux ne pourrait être possible techniquement ;

Aux pouvoirs publics, de s’assurer que l’évaluation des risques des professionnels soit :

  • réalisée par les metteurs sur le marché ;
  • systématiquement prise en compte dans le cadre des évaluations de la sécurité chimique des ingrédients cosmétiques réalisées par le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (Scientific Committee on Consumer Safety ou SCCS).

Rendre obligatoire une formation diplômante harmonisée pour toute personne amenée à exercer une activité de pose de prothèses ongulaires,

  • incluant un module sur la prévention des risques professionnels et les bonnes pratiques de travail.

Recherche 

  • améliorer les connaissances sur les effets et les expositions (particules inhalées lors des opérations de ponçage et de limage, et notamment sur la toxicité de ces particules lors de ces opérations sur des ongles artificiels à base de (méth)acrylates).

Etat de santé des personnes exposées

Il est indispensable d’améliorer les connaissances sur l’état de santé de cette population professionnelle et son évolution :

  • risque de sensibilisation,
  • dermatites allergiques de contact,
  • asthmes,
  • issues indésirables en matière de reproduction et de développement,
  • pathologies neurologiques,
  • pathologies auto-immunes,
  • cancers.

Pose de faux ongles : produits chimiques, risques pour la santé, prévention

Les faux ongles sont posés en institut de beauté ou onglerie par des prothésistes ongulaires. Ces professionnels sont exposées à  divers produits chimiques, notamment  certains méthacrylates, présents dans les produits utilisés pour confectionner les faux ongles en résine. Ces produits sont souvent utilisés sans précaution particulière alors qu’ils favorisent une sensibilisation respiratoire et cutanée.

Pose de faux ongles : produits chimiques utilisés

Il existe actuellement 2 techniques différentes pour confectionner des faux ongles en institut de beauté ou en onglerie.

Ongle en résine
L’ongle est limé, puis la prothésiste ongulaire façonne un faux ongle en résine directement sur l’ongle, grâce à une résine acrylique qui durcit à température ambiante.
Le polymère sous forme de poudre est solubilisé dans du liquide acrylique ( monomère) qui contient divers méthacrylates en proportions variables suivant les marques de produits   : méthacrylate de méthyle,MMAéthylméthacrylate EMA, etc
Lors de l’application de la résine, le professionnel est ainsi exposé à divers produits chimiques : méthacrylate de méthyle, MMA , l’éthylméthacrylate EMA, etc

Exposition au méthacrylate de méthyle et à l’éthylméthacrylate lors de la confection d’ongles artificiels.

Les méthacrylates sont à la base des résines acryliques, d’applications variées,  employés comme prothèses, adhésifs, ciments pour de nombreux procédés dentaires et orthopédiques, fabrication de lentilles de contact, confection des faux ongles en résine, etc

Ongle en gel
Une colle à base de cyanoacrylate d’éthyle est posée sur l’ongle,  puis une capsule de gel : l’ongle recouvert de gel est ensuite séché sous UV. La prothésiste applique parfois successivement plusieurs couches de gel.

Confection d’ongles en résine : risques pour la santé

Une exposition chronique à du méthacrylate de méthyle, MMA et de l’éthylméthacrylate, EMA , à un certain niveau de concentration, peut entraîner de sérieux problèmes de santé car les méthacrylates sont irritants pour la peau et les voies respiratoires. Les professionnels qui posent des faux ongles en résine sont exposées par contact cutanée et inhalation de vapeurs.
Des cas d’asthme et de dermatites sont souvent décrits chez les prothésistes ongulaires en  raison de l’exposition aux méthacrylates.

Fiche toxicologique du méthacrylate de méthyle.

Le groupe de travail Emergence du RNV3P, Réseau national de vigilance et de prévention  des pathologies professionnelles  a décrit et publié un cas de Pneumopathie d’hypersensibilité professionnelle, chez une prothésiste ongulaire qui effectuait la  pose de faux ongles dans un institut de beauté, probablement en relation avec une exposition à des concentrations élevées d’éthylméthacrylate .

La salariée a présenté des épisodes dyspnéiques et fébriles en relation avec le travail, notamment les jours où elle posait beaucoup de faux ongles en résine .
Au moment d’un épisode fébrile, le scanner a retrouvé une infiltration en verre dépoli, associée à une lymphocytose au lavage broncho-alvéolaire.
Les signes cliniques et radiologiques ont disparu après 10 jours de corticothérapie.
Les tests immunologiques ( recherche de précipitines contre les antigènes fongiques kératinophiles pouvant être présents sur les poussières d’ongles) étaient négatifs.

La suppression des produits contenant de l’EMA,  éthylméthacrylate, composé le plus volatil, présent à hauteur de 80 % dans le liquide de façonnage au profit de gels contenant des méthacrylates mais sans EMA a permis la disparition des symptômes.

Des cas de pneumopathies d’hypersensibilité professionnelle  ont déjà été décrites chez des assistantes dentaires exposées au méthacrylate de méthyle utilisé pour les résines dentaires.

Mesures de prévention à mettre en oeuvre pour la pose de faux ongles

Les acrylates ( esters de l’acide acrylique) et les méthacrylates ( esters de l’acide méthacrylique) sont très largement utilisés dans la pose de faux ongles; Ils possèdent un pouvoir de polymérisation quasi spontané. Les polymères sont réputés peu allergisants mais les monomères par contre sont de forts sensibilisants professionnels.
Les personnes qui posent des faux ongles sont malheureusement rarement informées des risques de sensibilisation respiratoire et cutané que présentent les produits chimiques utilisés. De nombreuses personnes travaillent seules, sans aucune protection, parce qu’elles n’ont pas conscience du risque pour leur santé.

Recommandations du NIOSH

Le NIOSH, National Institute for occupationnal safety and health,  recommande d’utiliser une table ventilée pour éviter au professionnel d’inhaler de l‘EMA, éthylméthacrylate , lors de  la pose de faux  ongles en résine : c’est le meilleur moyen de protection.
Il est également possible d’adapter une ventilation sur une table existante avec rejet de l’air à l’extérieur ( le document du NIOSH illustre en image ces préconisations). La vitesse du flux d’air doit être réglée afin d’être efficace pour l’opérateur tout en permettant de respecter le temps de séchage des ongles qui varie en fonction des techniques et produits utilisés : un flux d’air plus lent donne souvent de meilleurs résultats pour les ongles artificiels.

Si l’installation d’une ventilation avec rejet de l’air à l’extérieur n’est pas possible, il faudrait ou au moins utiliser des filtres à charbon actif : mais le NIOSH précise qu’il est difficile de savoir quand le charbon actif est saturé, donc cette alternative est peu satisfaisante.
Il est important de choisir un revêtement pour la table qui n’absorbe pas les solvants : une table en bois qui absorberait les solvants comme une éponge, va  relarguer les solvants peu à peu dans l’air.
Il faut utiliser des bouteilles de produits chimiques qui ont de petites ouvertures, afin de limiter l’évaporation des produits chimiques et pouvoir les refermer facilement  d’une simple pression. Il ne faut pas laisser les flacons ouverts lorsqu’ils ne sont pas utilisés.
Les professionnels des ongles artificiels doivent aussi changer leurs habitudes de travail afin de limiter l’exposition aux produits chimiques :

  • mettre dans un sac hermétique tout ce qui est imprégné de EMA  avant de les placer dans la poubelle,
  • vider les poubelles tous les jours,
  • porter des vêtements de travail avec des manches longues, des gants pour protéger la peau du contact avec les résines  et des lunettes de protection (lors du retrait des ongles artificiels, des petits fragments de résine peuvent être projetés dans l’oeil),
  • se laver les mains, les bras et le visage à l’eau et au savon plusieurs fois par jour pour retirer les poussières d’ongles potentiellement irritantes,
    ne pas manger et boire dans la pièce où des faux ongles sont posés, puisque de nombreux produits chimiques sont manipulés dans ces salons.

Le RSI, Régime social des indépendants a élaboré une plaquette de sensibilisation pour les professionnels qui posent des ongles artificiels ( cette plaquette n’est pas disponible en ligne).

Lampes chauffantes pour la pose de vernis semi-permanent :exposition des consommatrices aux UVA

L’académie nationale de médecine a publié courant 2023 un article à propos du risque des vernis semi-permanent :

En 10 ans, le secteur des soins des ongles a connu un essor très important. En 2010-2011, plus de 87 % des salons de manucure déclaraient utiliser une lampe à rayons ultraviolets (UV) (1). Le marché international est en forte croissance.

Le vernis semi-permanent a l’avantage sur les vernis classiques d’avoir une durée de pause entre 2 et 3 semaines. Son application nécessite cependant l’usage d’une lampe combinant UV (au moins 48 watts) et diode électroluminescente (LED) pour sécher et fixer chacune des quatre couches de vernis appliquées. Or, ces lampes émettent des rayons UV de type A (UVA), qui pénètrent profondément dans la peau et sont connus pour favoriser le vieillissement mais surtout le développement de cancers de la peau. Le CIRC classe les UVA comme cancérogène du groupe 1 (3).

Pour l’année 2022, une synthèse des effets secondaires induits par les vernis semi-permanents en recensait trois types, tous chez des femmes :

  • des réactions cutanées allergiques (66 cas, 70,5 %),
  • des atteintes mécaniques des ongles (23 cas, 26,1 %)
  • et 3 cas de cancers cutanés à type de carcinome épidermoïde induit
    Le rôle favorisant des lampes UV « à ongles » dans l’induction de ces cancers cutanés était évoqué dès 2009

Les rayons UVA sont connus pour endommager l’ADN des cellules de la peau en produisant des radicaux libres, qui induisent l’apparition de mutations à l’origine de cancers dans ces cellules. La particularité des UVA est d’induire toujours le même type de mutations. Leur identification dans les cellules des cancers de la peau permet de parler de « signature UVA » des cancers ainsi induits.

Dans le cadre de l’usage des vernis à ongle semi-permanents, le risque semble avant tout lié à 3 facteurs :

  • l’âge jeune de début d’utilisation (en moyenne 20 ans) ;
  • la fréquence rapprochée des expositions, (moyenne de 5 à 6 fois par an, voire plus avec le

    développement des lampes à domicile) ;

  • l’exposition durant plusieurs années.
    L’effet cumulatif des expositions aux UVA représente le risque majeur. Il peut être aggravé par le terrain (peau claire, immunodépression).

Dans ce contexte, l’Académie nationale de Médecine recommande :

appliquer une crème solaire avec une protection UVA indiquée, environ 20 minutes avant l’exposition des mains aux lampes UV/LED ;

– recenser le nombre d’appareils UV/LED vendus chaque année ( joindre obligatoirement à chaque lampe achetée un message écrit d’alerte et de recommandations) ;

– De développer des campagnes d’information pour le grand public et les professionnels concernés, soulignant le risque lié à une une application continue des vernis semi-permanents dans l’année, en particulier chez les personnes de phototype clair ;

– La réalisation d’études épidémiologiques permettant d’évaluer le risque de carcinome cutané induit par la répétition fréquente de ce type d’irradiations sur une longue durée.

Toutes les personnes qui posent des faux ongles doivent être informées des risques de sensibilisation respiratoire et cutanée liée aux produits utilisés. Il est recommandé de stopper la technique des ongles en résine et préférer la technique des ongles en gel, tout en respectant les mesure de prévention pour limiter au maximum l’exposition aux produits chimiques. Actuellement, ce sont surtout les ongles en gel UV qui ont la préférence des consommatrices, car les ongles en résine sont réputés altérer les ongles. Les méthacrylates qui sont présents dans les faux ongles en résine ne sont pas listés comme produit interdits ou soumis à limitation mais même  l’association des producteurs de méthacrylate déconseille l’usage de ses monomères réactifs directement sur la peau ou les ongles.
Au Canada, l’utilisation de Méthacrylate de méthyle est interdite dans les produits pour les ongles.

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