Psychotraumatisme : le reconnaître, le prendre en charge

Le trouble de stress postraumatique, TSPT, est souvent invisible, c’est un handicap caché mais c’est un véritable phénomène de santé publique. En effet, 70% de la population mondiale vit à un moment ou un autre un événement psychotraumatique et environ 5 à 10% présentent dans le décours un trouble de stress post-traumatique,TSPT. Il peut survenir dans les suites d’un accident de la route, d’un accident de travail, d’une agression sexuelle, de faits de guerre, d’attentats, etc Les symptômes peuvent parfois durer plus de 10 ans et les spécialistes reconnaissent que 8% n’entreront jamais en rémission…Ce pyschotraumatisme peut se traduire entre autre par une atteinte de l’attention, de la mémoire qui vont gêner des actes de la vie courante, l’activité professionnelle, la conduite de véhicules, etc Il est donc essentiel de savoir le reconnaître afin de le prendre en charge. 

Un psychotraumatisme fait référence à une émotion essentielle :la peur
Terminologie : peur, stress, traumatisme
Facteurs de risque du passage d’un événement traumatique à un syndrome post traumatique 
Réactions de la victime au moment de l’évènement traumatique
Prises en charge du psychotraumatisme 

Un psychotraumatisme fait référence à une émotion essentielle : la peur

La peur est l’émotion la plus archaïque et la plus contagieuse : elle joue un rôle essentiel dans la psychopathologie du psychotramatisme.
Lors d’un psychotraumatisme cette peur est réactionnelle à un événement, elle est donc brutale, elle surprend l’individu, ses défenses sont donc effractées…Cette impréparation , cette surprise conduit à quelque chose de différent pour l’individu…
Dans ces situations, les victimes présentent une modification de la temporalité : en effet c’est cette peur qui va faire rupture avec la notion d’avant et d’après le traumatisme. Ce traumatisme fait que l’individu perd la continuité dans sa ligne de vie : avant je faisais cela…maintenant je fais ceci.

Terminologie, classification : peur, stress, traumatisme

Peur

La Peur est une émotion primaire, très archaïque, essentielle et nécessaire à la survie de l’espèce. En effet elle donne l’alerte, est contagieuse, avertit qu’ un danger est présent.

Stress

Le stress est une réaction physiologique, biologique, psychologique réactionnelle à la peur.  La peur diffère de l’anxiété ou l’angoisse.

Concept de traumatisation

Il faut faire la différence entre les situations ressenties comme stressantes et celles qui sont traumatiques.

Diverses caractéristiques pour ce concept de traumatisation :

  • soudaineté,
  • vécu de proximité avec sa propre finitude, la mort, la perte,
  • sentiment d’effroi, d’mpuissance, d’absence de contrôle.

Le traumatisme est une effraction, c’est un phénomène exclusivement humain.

On distingue plusieurs voies de traumatisation :

  • traumatisme ponctuel
    tel accident de la circulation : mécanisme d’effraction
  • traumatismes répétitifs
    tel guerre, abus sexuels répétés, mécanisme de sommation et effraction, risque de numbing et dissociation
  • traumatisation directe
    la victime dite primaire
  • traumatisation indirecte
    toutes les personnes en contact prolongé avec la victime primaire

Etat de stress post-traumatique : classification CIM 10

CIM 10
Critères diagnostiques :
reviviscence répétée de l’évènement traumatique, émoussement émotionnel, peur et évitement des stimuli associés au traumatisme, période de survenue : rare après 6 mois.

Traumatisme complexe

Le traumatisme complexe a disparu du DSM5 mais est de nouveau présent dans la CIM 11.
Il se traduit par des remaniements de la personnalité, il suppose une exposition répétée et/ ou prolongée à des violences interpersonnelles (maltraitance physique et sexuelle dans l’enfance, violence faite aux femmes, mutilations génitqles, mariages forcées, violence conjugales, viol, etc)

Le syndrome de stress post traumatisme complexe peut se développer à la suite de l’exposition ou série d’évènements extrêmement menacants, horribles. Le plus souvent ce sont des évènements prolongés, répétitifs auxquels il est impossible d’échapper( torture, esclavage, violence familiale prolongée, etc.

Ce SSPT complexe s’accompagne de problèmes graves et persistants de régulation des affects, croyance en soi diminuée, sentiment de honte, culpabilité, liés à l’évènement traumatique, difficultés à maintenir une relation et à se sentir proche des autres.
Ces symptômes entraînent des déficiences importantes sur le plan personnel, familial, social, éducatif, etc

Facteurs de risque du passage d’un événement traumatique à un syndrome post traumatique 

Dans l’environnement de la victime on identifie des facteurs de vulnérabilité : l’existence préalable de troubles anxieux, de troubles de la personnalité, le fait d’être une femme, d’être jeune, d’avoir un bas niveau socio-économique, d’être peu soutenue dans son environnement personnel, familial ou professionnel, etc

Réactions de la victime au moment de l’évènement traumatique  

Au plan clinique on observe diverses réactions dans le psychotraumatisme.

Perte de conscience et dissociation

  • La perte de conscience protège au moins en partie car elle perturbe l’enregistrement du vécu du traumatisme
  • La dissociation par contre est un facteur de gravité, un indicateur de sévérité du traumatisme,  car elle témoigne d’une réponse émotionnelle très intense et de la mise en place de mécanismes dissociatifs de protection.

Les ruminations autour de l’évènement constituent un facteur péjoratif.

Réactions dans les 24 – 48H qui suivent le traumatisme, c’est l’urgence psychotraumatique.

On distingue 3 modalités de réaction dans ce délai de 24 à 48h qui suivent le traumatisme.

Stress adapté :
Lorsque le stress est adapté, la victime reste bien relationnelle, elle  mobilise ses ressources au plan psychologique, physiologique et biologique face au danger. Elle réagit donc vite et bien pour éviter l’événement dramatique car elle s’est mise en alerte.
Dans les suites on peut observer un post stress immédiat ou une queue de stress car le stress coûte cher en énergie. Or le capital stress est épuisable.

Stress dépassé :
Le stress peut être  inadapté car la victime ne peut pas s’adapter. C’est un stress idéatif, on observe un vide de la pensée et au niveau relationnel il y a une perte de contact avec les autres. Le contact avec la victime peut être ressenti comme étrange.
Cette phase de stress dépassé correspond à une sidération, c’est à dire que la victime est figée physiquement et psychiquement, elle ne dit rien, ne pense rien, donc elle ne peut pas réagir…

Dans cette phase de stress dépassé on peut observer diverses réactions :

  • Agitation :
    c’est un va et vient dans tous les sens, par exemple un des passagers d’un véhicule lors d’un accident de la route, va d’une voiture à l’autre, cela n’a pas de sens, il brasse de l’air, ce n’est pas construit…
  • Fuite panique :
    la victime peut se mettre au milieu de autoroute pour arrêter les voitures, elle est en stress dépassé, elle ne peut pas se protéger et se met en danger.
  • Conduite suicidaire :
    on peut même observer une conduite suicidaire, un raptus. Une victime peut se jeter par la fenêtre d’un étage très élevé alors qu’il y a le feu dans immeuble, elle n’est plus en capacité de penser…
  • Actes automatiques :
    là encore la victime sujet n’est plus en capacité de penser : par exemple une femme en passager dans une voiture se remaquille alors que le conducteur du véhicule vient de mourir…Elle se maquillait sans doute avant l’accident et aussitôt après l’accidentelle  a repris le même comportement.

Un stress dépassé est souvent associé à un débordement des défenses psychiques du sujet.

Par exemple sur cette vidéo des inondations catastrophiques à Vaison La Romaine en 1992, dans les dernières secondes de la vidéo on peut voir une femme qui balaye tranquillement son balcon alors que le chaos est total autour d’elle. Il s’agit d’actes automatiques, cette femme n’est plus en capacité de penser.

Réactions particulières
Ces réactions particulières sont des réactions qui sont colorées par des troubles antérieurs : une personne claustrophobe pourra faire une attaque de panique massive par exemple.
Chacun réagit en fonction de ses antécédents, de ses troubles de personnalité, etc

 Réactions post immédiates, dans les 48H à 1 mois qui suivent le traumatisme.

Les réactions post-traumatiques font la signature de ce trouble mental.

Syndrome de répétition:
c’est la revisviscence, ce sont des flash-back qui envahissent la personne.
La victime revit jour après jour événement, est envahie par des flash-back : cauchemars ciblés la nuit, réveils en sursaut, etc

Hyperactivité neurovégétative :
sursauts difficultés d’endormissements, état d’alerte : la victime est en état d’hypervigilance, ne peut pas avoir le contrôle…

Evitement :
la personne ne peut par exemple plus conduire après un accident de la route ou bien  reprend le volant mais ne peut pas passer dans la rue où elle a eu cet accident, etc

Détachement :
indifférence, engourdissement

Autres troubles possibles mais non spécifiques :
somatisation, troubles dépressifs, anxieux, conduites addictives ( anxiolytiques, hypnotiques, alcool), modifications de la personnalité:

On observe beaucoup de comorbidités associées au psychotraumatisme :

  • Somatisation
  • Troubles dépressifs, anxieux
  • Risque suicidaire : indépendant de la dépression,
  • Addictions : anxiolytiques, hypnotiques, alcool
  • Risque de chronicité

Réactions différées, chroniques

Au delà d’un mois on peut observer des réactions différées.

Prises en charge du psychotraumatisme

Prise en charge Immédiate d’un psychotraumatisme

On dispose au niveau national d’un réseau de CuMP, cellules d’urgence médico-psychologique.
Ce sont des unités mobiles qui se déplacent sur le lieu de l’évènement dans les 24H.
Lorsque survient un événement psycho-traumatisant, l’intervention rapide de médecins psychiatres, de psychologues et d’infirmiers préalablement formés et intégrés aux unités d’aide médicale urgente doit garantir une prise en charge immédiate et post-immédiate satisfaisante des victimes et permettre d’éviter l’installation des troubles de stress post-traumatique.

Cette intervention immédiate a pour mission de réduire la charge émotionnelle, la charge anxieuse car c’est elle qui va constituer la charge traumatique. La gestion de crise correspond à une guidance psychologique et mise en place d’un espace de pensée car le chaos cristallise la pensée.

Puis les interventions cliniques seront fonction de l’état des personnes, si elles sont en état de stress adapté ou de stress dépassé, les interventions ne seront pas les mêmes.

Le diffusing correspond à un déchoquage émotionnel, possible uniquement si la personne est en stress adapté.
Si les personnes sont en stress dépassé, on procèdera à un nursing émotionnel, qui a pour objectif de rassurer, afin de faire diminuer la charge anxieuse.
Les traitements médicamenteux en immédiat ne sont pas systématiques : la contenance psychologique permet le plus souvent de faire baisser cette anxiété.  L’anxiolyse est possible à dose filée, mais il n’y a pas de consensus sur ce point, c’est même controversé.
En cas de décompensation psychotique, il faut administrer des anti psychotique
Dans les autres formes de stress dépassé  il faut faire de la réassurance, avec pour seul objectif de faire baisser la charge anxieuse.

En pratique courante : quelle est la bonne attitude du médecin face au psychotraumatisme ?

Le médecin doit reconnaître la souffrance, il doit donc écouter, poser des questions centrées sur l’évènement ( seulement si la victime est en stress adapté et non en stress dépassé) ; comprendre ce qui s’est passé dans la victime…
Le médecin ne doit pas chercher à décupalbiliser la victime ou chercher à dédramatiser..En effet, si la victime du traumatisme se sent coupable, si le médecin cherche à la décupalbiliser  le médecin perd le lien avec elle. Le médecin ne doit pas banaliser, ne pas parler d’autre chose…Il faut situer la victime dans ici et maintenant. Ne pas promettre des choses telles que « ca ira mieux », etc sinon le médecin casse l’alliance thérapeutique avec la victime. Le médecin doit s’engager à avancer avec la victime mais sans faire de promesses…
Le médecin doit toujours proposer modestement son aide et rester dans son rôle. Il ne faut pas psychiatriser à outrance…

Soins post-immédiats pour un psychotraumatisme, c’est à dire dans les  48 heures à 1 mois

Ces soins post-immédiats peuvent être individuel ou en groupe. Il faut le plus souvent instaurer des consultations spécialisées mais également insister sur l’hygiène de vie : baisser les stimulants tels que thé, café, augmenter l’activité physique, etc
Les psychothérapies ciblées telles que EMDR ( Eye Movement Desensitization and Reprocessing c’est-à-dire désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires),  TCC ( Thérapies Comportementales et Cognitives) donnent de bons résultats.
On préfère souvent les techniques de gestion du stress aux  traitements symptomatiques, médicamenteux ou non.

Ces informations ont été relevées lors du Congrès « Route et médecine » qui s’est tenu à Paris le 12 octobre. Intervention de médecins spécialistes qui participent au réseau national des CuMP, cellules d’urgence médico-psychologique.

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