Travaux routiers, exposition au goudron, au bitume : les risques pour la santé ont-ils changé ?

Les travaux routiers mettent actuellement en oeuvre des bitumes, des additifs, à l’aide de divers procédés d’épandage. Par le passé le goudron et d’autres dérivés de la houille étaient utilisés. Les produits utilisés ont beaucoup évolué, de même que les procédés de travail. Actuellement 4200 personnes sont encore directement exposées aux fumées de bitume qui se dégagent lorsqu’ils sont mis en oeuvre.

Historique des travaux routiers et risques pour la santé
Cancérogénicité des fumées de bitume
Etudes réalisées
Surveillance de l’exposition des salariés exposés aux fumées de bitume
Travaux routiers et faute inexcusable de l’employeur
Priorité à la prévention

Historique des travaux routiers et risques pour la santé

A l’heure actuelle, le goudron de houille n’est plus fabriqué ni utilisé, il est très différent du bitume.

Par le passé
Il y a eu une première période pendant laquelle ont été mis en oeuvre des goudrons, des dérivés de la houille, du brai, des huiles de fluxage, des produits riches en HPA, hydrocarbures aromatique polycycliques. Le benzo(a)pyrène est le traceur de risque des HPA.

Des cas de cancers par voie respiratoire et cutanée ont été rapportés et reconnus en maladie professionnelle. Le tableau 16 bis des maladies professionnelles indemnisent les affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille, les brais de houille et les suies de combustion du charbon.
Face à un cancer de la peau, doivent être recherchées certaines expositions professionnelles : l’exposition au goudron doit être recherchée.
Actuellement

Désormais ne sont utilisés que des produits dérivés du pétrole, principalement le bitume.
Le bitume est obtenu par distillation du pétrole, il classé dans le groupe 3 par le CIRC, donc inclassable, il n’est pas classé par l’Union européenne.

On distingue le bitume et le bitume fluxé ou fluxant, c’est un bitume amoli grâce à l’ajout d’huiles de fluxage. Par le passé ces huiles étaient riches en HAP, hydrocarbures aromatiques polycycliques, elles sont désormais d’origine pétrolière ou carbochimique.

Il existe un risque respiratoire pour le bitume : la fumée de bitume est à l’origine d’irritation, elle pénètre dans l’organisme à la fois par voie cutanée et respiratoire. Les produits noirs sont responsables d’un excès de bronchites et d’asthme.

Les fumées se dégagent lorsque le bitume est chauffé. Ces fumées sont difficiles à analyser.

Les produits noirs sont également à l’origine de brûlures graves.

Le simple fait de travailler en plein air est également un facteur de risque de cancer de la peau en raison de l’exposition au rayonnement UV.

Il s’avère que la protection de ces travailleurs routiers vis à vis du rayonnement solaire a longtemps été négligée et aujourd’hui cette population est peu sensible au dépistage organisé par les dermatologues

Evolution du risque
Le risque a donc évolué au fil des années puisque l’on a quasiment totalement abandonné les produits houillers classés R45 pour la phrase de risque

Certains postes de travail qui exposaient beaucoup les ouvriers ont été abandonnés : le poste de bannier par exemple qui se trouvait à l’arrière pour régler la rampe, à une époque où le bitume était plus nocif qu’aujourd’hui.
Les procédés de mis en oeuvre ont été modifiés diminuant ainsi l’exposition des ouvriers aux fumées de bitume.

Le CIRC a mis en évidence une diminution de l’exposition du personnel de 6% par an.

Par exemple, la température de mise en oeuvre a diminué d’environ 10 ° ce qui diminue par deux l’émission de fumées.

Cancérogénicité des fumées de bitume

Les fumées de bitume sont cancérogènes

En 1985, les fumées de bitume ont été classées 2B par le CIRC, Centre international de recherche contre le cancer. La seule classification réglementaire en France est celle de l’Union européenne.
En effet, il existe 2 classifications pour les produits cancérogènes

Les facteurs de risque de cancer lors de la mise en oeuvre de bitume
Ce sont :

  • la présence d’HAP dosable,
  • des extraits de bitume de distillation directe classée 2B,
  • le naphtalène ( HAP) classé C3,
  • le gazole classé C3.

Le groupe 3 dans le liste du CIRC correspond aux produits qui ne peuvent être classés du point de vue de leur pouvoir cancérogène chez l’homme.

Etudes réalisées

Les fumées de bitume sont classées cancérogènes mais les études réalisées jusqu’à présent n’ont pas retrouvé d’association entre les fumées de bitume et le cancers cutanés et du poumon. Par contre il y a bien une augmentation du cancer du poumon lors d’une exposition au goudron.

Etude présentée au congrès de santé au travail dans le bâtiment à Blois, en 2009
Une évaluation de l’exposition aux fumées de bitume lors de travaux routiers a été présentée par Jean-François Certin.
L’auteur conclut que le risque cancérogène dû aux HAP n’apparaît pas nettement mais les connaissances sur les dangers des fumées de bitume sont encore incomplètes.
Evaluation de l’exposition aux fumées de bitume

Etudes rapportées par l’INRS
L’INRS fait le point sur diverses études
Ces études n’ont pas permis de mettre en évidence de relation entre l’exposition aux fumées de bitume et le cancers du poumon. Le principal problème réside dans le fait que les ouvriers ont parfois été également exposés à des dérivés de la houille. Les expositions sont difficiles à établir.

Monographie du CIRC
Une monographie du Circ sur les hydrocarbures aromatiques met bien en évidence dans une étude chez des asphalteurs un excès de cancer cutané ( page 144) : risque relatif de 4,24 mais cette étude date de 1976, à cette époque les ouvriers étaient exposés à des goudrons : monographie du CIRC.

Surveillance de l’exposition des salariés exposés aux fumées de bitume

L’exposition est à la fois respiratoire, et cutanée

Dans l’atmosphère on peut mesurer le pyrène ou le benzo[a]pyrène

  • le pyrène est non cancérogène,
    • son métabolite qui peut être dosé dans les urines est le 1-hydroxypyrène.
    • C’est ce paramètre qui est suivi dans la plupart des études récentes
  • le benzo[a]pyrène, BaP est cancérogène,
    • son métabolite qui peut être dosé dans les urines est le 3-hydroxybenzo[a]pyrène.

Récemment des campagnes de prélèvement qui ne retenaient que le BaP ont conclu de façon erronée que le risque de cancer était absent. Le BaP, benzo[a]pyrène n’est donc plus opportun pour apprécier le risque de cancer liée à l’exposition aux fumées de bitume.

Certains proposent de rechercher le naphtalène, classé cancérogène de catégorie 3 par l’Union européenne qui peut être facilement mesurer dans l’atmosphère.

Le suivi biologique présente l’avantage d’intégrer l’ensemble des voies de pénétration : marqueurs biologiques pour l’exposition respiratoire aux HAP

Dans la plupart des études récentes à propos de l’exposition aux bitumes, c’est le 1-hydroxypyrène, métabolite du pyrène, non cancérogène qui a été pris en compte. Il serait opportun de doser le le 3-hydroxybenzo[a]pyrène, métabolite du BaP qui est cancérogène.

Travaux routiers et faute inexcusable de l’employeur

La société Eurovia a été reconnue coupable récemment, par le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Bourg-en-Bresse de faute inexcusable pour la mort d’un de ses ouvriers, spécialisé dans l’épandage du bitume, décédé en 2008 d’un cancer de la peau. Les mesures de protection mises en place par l’employeur vis à vis du risque lié à l’exposition au rayonnement solaire, à l’exposition aux fumées de bitume étaient faibles et constituaient donc une faute inexcusable.
Faute inexcusable de l’employeur
Cette décision ne fait pas jurisprudence car ce tribunal est une juridiction de premier degré, mais la Société fait appel de cette décision, aucune étude scientifique n’étant parvenue à ce jour à faire le lien entre bitume et cancer.

Priorité à la prévention

Bien que les études ne parviennent pas à mettre en évidence de risque de cancer avec les fumées de bitume, la vigilance est de mise, tout doit être mise en oeuvre pour diminuer l’exposition des ouvriers routiers.
Compte tenu de l’exposition à la chaleur, de la réalisation d’efforts de manutention, lors des travaux routiers, le risque ne peut pas être maîtrisé uniquement grâce aux protections individuelles. La protection vis à vis du rayonnement solaire ne doit pas être oubliée ( crème solaire, port de vêtement, etc)

Il faut préférer les procédés qui dégagent le moins de fumées ( bitume tiède), les fluxants les moins dangereux les engins munis de capteurs de fumées, etc

La protection collective consiste en dispositif d‘aspiration sur les finisseurs.

L’exposition aux fumées a diminué au fil des années.

En effet, les émission de fumées sont divisées par 2 quand la température diminue de quelques degrés. L’utilisation d’enrobé tiède va permettre de faire encore diminuer l’exposition.

En technique routière ce sont des températures de 110 à 170 ° qui sont utilisés.
Les températures supérieures à 200° seront abandonnées avec Reach
Lorsque l’épandage est réalisé à la main, les ouvriers demandent toujours un enrobé très chaud pour rendre la tâche moins difficile…

Les ouvriers travaillent désormais moins souvent torse nu, ce qui contribue à faire diminuer l’exposition au bitume mais également au rayonnement solaire.

Le fuel ne doit plus être utilisé comme débitumant, pour nettoyer le matériel, les mains, etc

Quelques essais d’enrobé verts sont réalisés…

Les conditions de travail et d’exposition des personnes qui sont affectées aux travaux routiers se sont objectivement améliorées au fil des années, les études réalisées à ce jour ne parviennent pas à mettre en évidence de relation entre cancer et exposition aux fumées de bitume, mais d’autres études sont nécessaires qui prennent notamment en compte des paramètres plus pertinents pour objectiver les expositions.

Tableaux de maladie professionnelle associés :

  Tableau n°16 Bis RG : Affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille, les brais de houille et les suies de combustion du charbon (58,0 KiB, 7 377 hits)

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