Le dosage de carboxyhémogobine fait-il partie de la surveillance médicale des salariés exposés au dichlorométhane ?

Le tableau n°12 des maladies professionnelles a été révisé en juillet 2007 et indemnise désormais les manifestations d’intoxication oxycarbonée résultant du métabolisme du dichlorométhane. Le dosage sanguin de carboxyhémoglobine doit il faire partie de la surveillance médicale des salariés exposés au dichlorométhane ?

Il faut avoir en mémoire la toxicocinétique particulière du dichlorométhane (DCM) ou chlorure de méthylène: plus de la moitié de la dose absorbée est éliminée sous forme inchangée par voie respiratoire; le reste est biotransformé au niveau du foie selon deux voies distinctes.

Biotransformation du dichlorométhane au niveau du foie selon 2 voies distinctes

  • La première conduit à la formation de monoxyde de carbone (CO) par le biais du CYP 2E1;
    Dominante à faible dose, cette voie est saturée pour des expositions dépassant 500 ppm.
    L’augmentation de la carboxyhémoglobine (HbCO) est retardée de une à deux heures;
    elle se maintient plusieurs heures après la fin de l’exposition du fait d’un stockage partiel du solvant dans le tissu graisseux.
  • La seconde, mise en jeu à forte dose, aboutit à la production de formaldéhyde et d’acide formique par la glutathion transférase.

En pratique, deux cas de figure sont à considérer

Dans les intoxications aiguës

L’élévation de l’HbCO est en général modérée, de l’ordre de 10 à 20 %;
ainsi, une exposition d’une heure à 1000 ppm (soit dix fois la VLE) produit un taux de 10 %.
L’hypoxie relative qui en découle majore les signes ébrionarcotiques ou le coma induits par le DCM;
elle peut également entraîner des manifestations angineuses ou provoquer un infarctus du myocarde chez l’insuffisant coronarien.

Dans les formes suraiguës, comme celle observées chez les décapeurs, la mort peut survenir en l’absence d’élévation significative de l’HbCO, le solvant n’ayant pas eu le temps d’être métabolisé;
c’est la narcose seule qui est responsable du décès, induisant un arrêt respiratoire puis cardiaque.

Article consacré à l’intoxication professionnelle mortelle par le dichlorométhane d’un ouvrier décapeur.

Lors de l’exposition chronique

L’imprégnation oxycarbonée est faible également:
une exposition de huit heures à 50 (VME), 100 (VLE) et 250 ppm de DCM induit une HbCO de 1,5 à 2,5, 3 à 4, et 8 % respectivement.
Pour mémoire, l’HbCO peut atteindre 7,5 voire 10 % chez le fumeur de 20 à 40 cigarettes par jour.
Lorsqu’il y a des symptômes chez les salariés exposés au DCM, il s’agit de signes ébrionarcotiques (sensations d’ivresse et d’euphorie, céphalées, vertiges, nausées…) en relation avec l’effet narcotique du solvant et non avec l’imprégnation oxycarbonée.

Biométrologie chez les travailleurs exposés au DCM

Dosage sanguin du solvant en fin de poste
Chez les travailleurs exposés au DCM, la biométrologie repose sur le dosage sanguin du solvant en fin de poste par chromatographie gazeuse:
La concentration doit être inférieure à 1 mg/l, valeur de l’indice biologique d’exposition (IBE).

Dosage sanguin de l’HbCO
Le dosage sanguin de l’HbCO est une alternative, ou plutôt un pis-aller:
outre son caractère invasif et les contraintes analytiques (transport des prélèvements dans la glace, dosage rapide),
il se heurte à d’importantes difficultés d’interprétation chez les salariés fumeurs.

Si l’on choisit malgré tout d’utiliser le CO pour évaluer l’exposition au chlorure de méthylène,
le dosage du gaz dans l’air expiré en fin de poste de travail est à privilégier:
la concentration doit être inférieure à 20 ppm (IBE) chez l’individu non fumeur.

Les questions de cette rubrique «toxicologie médicale» émanent pour la plupart de médecins du travail, les réponses sont apportées par le Docteur François Testud, médecin toxicologue hospitalier et médecin du travail, Centre de Toxicovigilance-Centre antipoison, Hospices Civils de Lyon.