Quels sont les risques pour une femme enceinte exposée aux gaz d’échappement de véhicules ?

Médecin du travail, je surveille le personnel de garages de réparation automobile. Une assistante administrative dans une concession m’interroge sur les risques des gaz d’échappement des véhicules pour le fœtus en cas de grossesse? L’atelier est mitoyen de son bureau, séparé par une porte; elle se plaint d’émanations permanentes en provenance de l’atelier mais ne fait état d’aucun trouble particulier.

Les gaz d’échappement des véhicules automobiles sont constitués -comme toutes les fumées de combustion- de monoxyde et dioxyde de carbone, de gaz irritants (oxydes d’azote, aldéhydes divers, hydrocarbures insaturés imbrûlés), d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sous forme de particules fines ou ultrafines émises par les moteurs diesel…

Au sein de ce mélange, le monoxyde de carbone (CO) représente le principal composé toxique pour le fœtus.

Les risques du CO sont en fait ceux de l’anoxie :
Le gaz traverse le placenta mais n’a pas d’embryotoxicité propre.

Chez la femme enceinte, l’intoxication oxycarbonée se complique d’une intoxication fœtale retardée mais prolongée, dont les conséquences dépendent de l’intensité de l’exposition et de l’âge de la grossesse :

  • avortement précoce ou tardif,
  • mort in utero,
  • accouchement prématuré,
  • atteinte neurologique: encéphalopathie anoxique néonatale avec hypotonie ou hypertonie, convulsions, retard psychomoteur…

Ces pathologies sont l’apanage de l’intoxication aiguë maternelle avérée avec coma -ou au moins perte de connaissance- et taux initial de carboxyhémoglobine (HbCO) supérieur à 30 %.

Actuellement en France, ces intoxications sont en majorité des accidents domestiques liés à des chauffe-eau à gaz et appareils de chauffage défectueux.

On ne dispose pas d’étude épidémiologique ayant examiné l’issue de la grossesse chez la femme enceinte professionnellement exposée aux gaz d’échappement automobiles.
Globalement néanmoins, la composition de ces gaz et donc leur nocivité sont voisines de celles de la fumée de cigarette, pour laquelle de très nombreuses études ont été conduites.

Chez les fumeuses régulières de plus de vingt cigarettes par jour, l’HbCO peut atteindre 10 % :

  • Les seuls effets formellement mis en évidence sont :
    une diminution du poids de naissance, de l’ordre de 200-250 g en moyenne,
    et une augmentation de la fréquence de la prématurité
    (10 % des accouchements avant 32 semaines d’aménorrhée sont attribuables au tabagisme maternel).
  • Il existerait également une augmentation des fentes labiales chez les nouveau-nés de mères fumeuses, mais le risque relatif est très faible (RR = 1,3) et le risque à l’échelon individuel insignifiant compte tenu de la rareté de cette malformation.
  • Quelques études ont montré des troubles comportementaux (caractère opposant, hyperactivité) ou de mauvais résultats scolaires chez les enfants de mères ayant fumé pendant leur grossesse, mais la relation causale avec le tabagisme n’est pas prouvée, en raison de l’existence de nombreux facteurs confondants.

En ce qui concerne cette salariée, la concentration des gaz d’échappement et notamment du monoxyde de carbone est vraisemblablement infime dans son bureau, ce qui peut très facilement être vérifié par des mesures d’ambiance avec un CO-testeur ou par un dosage du CO dans l’air expiré en fin de poste de travail.
Son exposition professionnelle n’est pas de nature à modifier le pronostic spontané d’une éventuelle future grossesse: il convient donc de la rassurer.

Les questions de cette rubrique «toxicologie médicale» émanent pour la plupart de médecins du travail, les réponses sont apportées par le Docteur François Testud, médecin toxicologue hospitalier et médecin du travail, Centre de Toxicovigilance-Centre antipoison, Hospices Civils de Lyon.