MMPP, Médicaments à manipuler avec des précautions particulières ( dont cytotoxiques et cytostatiques)
Jusqu’à récemment nous parlions de cytotoxiques, cytostatiques. Nous devons désormais parler de MMPP, médicaments à manipuler avec des précautions particulières. Ils ne sont pas prescrits seulement pour le traitement des cancers mais également pour traiter des maladies chroniques. Par exemple le Méthotrexate, utilisés pour traiter différents cancers est également utilisé en rhumatologie pour traiter des affections non cancéreuses. Compte tenu de leur toxicité des mesures de précaution sont indispensables pour protéger les soignants qui les manipulent. Ce ne sont donc pas seulement les soignants qui prennent en charge des patients atteints de cancers qui doivent prendre des précautions lors de leur administration puisque certains de ces traitements sont administrés à des patients qui ne sont pas atteints par un cancer mais par une autre maladie.
Définition des MMPP, médicaments à manipuler avec des précautions particulières ou hazardous drugs
Liste des médicaments à manipuler avec des précautions particulières, MMPP
Médicaments utilisés en chimiothérapie
Nous parlions jusqu’à présent de cytotoxiques ou cytostatiques, nous devons désormais parler de MMPP, médicaments à manipuler avec des précautions particulières.
Initialement, les substances dites « cytotoxiques » étaient le plus souvent des médicaments injectables utilisés dans le traitement du cancer. Actuellement de nombreux traitements contre le cancer sont administrés au domicile, de plus en plus par voie orale. L’évolution des produits et des connaissances sur la toxicité rend cette dénomination obsolète : en effet des produits ont montré une toxicité lors d’une exposition chronique bien qu’ils ne soient pas des anticancéreux ; D’autre part des produits utilisés dans le traitement du cancer comme les anticorps monoclonaux par exemple ne sont pas toxiques lors de leur manipulation dans un contexte professionnel.
Nous devons désormais utiliser le terme de MMPP, médicaments à manipuler avec des précautions particulières.
Définition des MMPP » médicaments à manipuler avec des précautions particulières » ou hazardous drugs
Le nom du principe actif d’un médicament ou DCI, Dénomination Commune Internationale, est donné par l’OMS, ce nom est ensuite inscrit dans un répertoire que l’on nomme ATC, Anatomical Therapeutic Chemical.
Les molécules sont classées dans différents groupes qui décrivent : le système physiologique touché, la pharmacologie et les propriétés chimiques. Le tout comprend 5 niveaux.
Les » hazardous drugs » ou « médicaments à manipuler avec précautions particulières » (MMPP) sont définis par le NIOSH, la dernière mise à jour de la liste date de 2018.
Ce sont des médicaments qui présentent un danger potentiel pour la santé de l’être humain ou l’animal de par leur toxicité. Lors de leur manipulation , préparation et administration aux patients, des mesures de prévention sont nécessaires pour protéger le personnel soignant de ces expositions, que le personnel soignant intervienne en cadre hospitalier ou en soins à domicile.
Ces médicaments à potentiel toxique sont définies comme tels s’ils présentent une ou plus de ces caractéristiques :
- carcinogénicité
- tératogénicité
- génotoxicité
- toxicité pour la reproduction
- atteintes viscérales à faible dose
On distingue les molécules NIOSH I, NIOSH II et NIOSH III : ( classées en fonction des phrases R et S, et des données de la littérature à propos des caractéristiques ci-dessus).
- NIOSH I :
molécules antinéoplasiques toxiques, également pour la reproduction - NIOSH II :
ce ne sont pas des antinéoplasiques mais ils présentent au moins un critère de génotoxicité ( anti-hormonaux, anticorps monoclonaux) - NIOSH III :
molécule non toxique, mais dangereuse en période de conception/grossesse/allaitement. Ils ne doivent pas être administrés par une femme enceinte.
La liste des MMPP est reprise par la société américaine des pharmaciens hospitaliers, ASHP, American Society of Health-System Pharmacists members, et par différents référentiels internationaux.
De nombreux pays ont décliné leur propre liste de MMPP en partant de ce principe général de classification MMPP : dans le cadre du principe de minimisation des risques, une substance qui est classée à plusieurs reprises dans des référentiels suisses ou internationaux ainsi qu’un mécanisme d’action cohérent avec la toxicité rapportée font apparaître la molécule sous l’appellation MMPP,
Liste des MMPP, médicaments à manipuler avec des précautions particulières
Liste du NIOSH de 2018
Liste du NIOSH, mise à jour en 2018, tableau 4 ( dénomination en anglais), avec la voie d’administration et la principale indication :
- Bevacizumab ( IV) : antinéoplasique
- Blinatumomab ( IV) : antinéoplasique
- Botulinum toxins ( IM) : neurotoxine
- Ceritinib ( orale) : antinéoplasique
- Clobazam ( forme orale) : antiépileptique
- Cobimetinib ( comprimé) : antinéoplasique
- Darbepoetin alfa ( IV, sous-cutané) : stimulant de l’érythropoièse
- Dihydroergotamine ( IV, IM, Sous-cutanée, spray nasal) : dérivé de l’ergot de seigle, antimigraineux
- Exenatide ( sous-cutanée) : anti-diabétique
- lnotuzumab ozogamicin ( IV) : antinéoplasique
- Interferon beta-1 b ( sous-cutanée) : immuno-modulateur
- lsotretinoin ( per os) : isotrétinoïne, traitement de l’acné
- Ivabradine ( comprimé) : bâta-bloquant
- Lenvatinib ( comprimé) : antinéoplasique
- Miltefosine ( comprimé) : antibiotique
- Olaparib (per os) : antinéoplasique
- Osimertinib ( per os) :antinéoplasique
- Sonidegib ( per os) : antinéoplasique
- Trabectedin (IV) : antinéoplasique
- Trastuzumab ( IV) : antinéoplasique
- Triazolam ( per os) : hypnotique
- Urofollitropin ( IM, sous-cutanée ) : stimulateur ovarien
Liste des pharmaciens des hôpitaux de l’est lémanique
Liste 2016 des pharmaciens des hôpitaux de l’Est lémanique
Médicaments utilisés en chimiothérapie
Plusieurs traitement médicaux sont disponibles pour traiter les cancers, ce sont des antinéoplasiques
- Chimiothérapie
- Hormonothérapie
- Thérapie moléculaire ciblée
- Immunothérapie
Un traitement de chimiothérapie :
- assure une destruction non sélective des cellules tumorales,
- inhibe la croissance tumorale,
- agit à différents niveaux du cycle cellulaire
Mécanismes d’action des médicaments cytostatiques
Les médicaments cytostatiques ont dans leur propriété de bloquer la synthèse, le fonctionnement ou la multiplication cellulaire.
La majorité ne sont pas à effet spécifique sur les cellules néoplasiques, ils touchent donc également les
cellules saines. En effet, ils ont une action sur d’autres cellules à division rapide, telles les cellules responsables
de la pousse des cheveux ou de la régénération de l’épithélium intestinal, ou les cellules sanguines. Ceci
explique les effets secondaires couramment rencontrés dans les traitements, comme la perte de cheveux, les
infections (destruction des globules blancs), les anémies (destruction des globules rouges) et les hémorragies
(destruction des plaquettes).
Les grandes familles de traitements cytostatiques utilisés en chimiothérapie :
- les alkylants
- les inhibiteurs des topo-isomérases
- les poisons du fuseau ou anti-tubulines
- les anti-métabolites
- Immunothérapie
Dérivés alkylants
Les dérivés alkylants agissent directement sur l’ADN
Ils ajoutent un groupement alkyle (= adduit) sur les bases puriques et pyrimidiques de l’ADN ce qui induit la mort cellulaire
- Moutardes à l’azote :
- Ifosfamide (Holoxan),
- Cyclophosphamide (Endoxan)
- Nitroso-urées :
- Lomustine (Bélustine),
- Fotemustine (Muphoran),
- Streptozocine (Zanozar)
- Dérivés du platine :
- Cisplatine (Cisplatyl),
- Carboplatine,
- Oxaliplatine (Eloxatine)
- Aziridines :
- Mitomycine C (Amétycine),
- Thiotépa
- Témozolomide (Témodal®)
Inhibiteurs des topo-isomérases
Les topo-isomérases sont les enzymes indispensables pour ‘dénouer’ l’enroulement très important de l’ADN avant la transcription de l’ADN ou sa réplication.
On distingue deux types de topo-isomérases :
- celles qui ne s’intéressent qu’à un seul brin d’ADN et permet le passage d’un brin à l’intérieur d’un ‘trou’ constitué et protégé par la topo-isomérases I
- Celles qui intéressent les deux brins de l’ADN et permettent le passage de deux brins de l’ADN torsadés à travers un ‘trou’ protégé.
Inhibiteurs de l’ADN topo-isomérase 1
L’action des anti-topoisomérases de type I est d’empêcher la reconstitution du brin de l’ADN après le clivage, inhibant la synthèse correcte de l’ADN : Ils induisent une coupure transitoire d’un brin de l’ADN pour permettre cette détorsion. La stabilisation de la coupure entraîne la mort cellulaire.
- Irinotécan (Campto),
- Topotecan (Hycamtin)
Inhibiteurs de la topo-isomérase 2 (Intercalants)
La topo-isomérase de type II se lie aux deux brins de l’ADN et permet le passage d’un double brin à travers cet orifice, et à l’ADN de se désenrouler. Les inhibiteurs de la topo-isomérase de type 2 inhibent donc l’entrée en mitose des cellules tumorales, par action sur la topo-isomérase II, qui permet la « détorsade » des deux brins d’ADN. Elles empêchent donc la religation de la molécule d’ADN, c’est à dire la ressoudure de l’ADN et il en résulte une cassure des deux brins entre la double hélice de l’ADN (qui permet normalement le passage d’un brin d’ADN à travers l’autre, nécessaire pendant la mitose)
- Doxorubicine (Adriblastine),
- Epirubicine (Farmorubicine),
- Mitoxantrone (Novantrone),
- Etoposide (Vepeside)
Poisons du fuseau ou anti-tubulines
Dérivés de la pervenche : vinca-alcaloïdes
Ce sont des inhibiteurs de la polymérisation de la tubuline, ils entraînent un arrêt de la division cellulaire en métaphase.
- Vinblastine (Velbé),
- Vincristine (Oncovin),
- Vinorelbine (Navelbine)
Taxanes
Ce sont des inhibiteurs de la dépolymérisation de la tubuline, qui sont extraits de l’if.
- Docétaxel (Taxotere),
- Paclitaxel (Taxol),
- Eribuline( Halaven)
Antimétabolites
Les antimétabolites agissent par inhibition de la synthèse de l’ADN.
Ce sont des analogues structuraux de composés indispensables à la synthèse des acides nucléiques. Ils Se substituent à eux ou inhibent des enzymes indispensables à cette synthèse
- Antagonistes foliques
- inhibition dihydrofolate réductase : Méthotrexate
- Inhibition thymidylate synthétase : Raltitrexed (Tomudex)
- Antagonistes puriques
- Fludarabine
- Antagonistes pyrimidiques :
- 5-Fluoro-uracile,
- Gemcitabine (Gemzar)
Immunothérapie : anticorps monoclonaux
Les anticorps monoclonaux sont des molécules naturellement produites par le système immunitaire en vue de déclencher une attaque ciblée sur un danger déjà rencontré. Ces têtes chercheuses peuvent non seulement repérer les cellules tumorales, mais aussi bloquer leur croissance.
C’est le cas du trastuzumab (Herceptin®), un anticorps qui se fixe sur la protéine HER-2 présente à la surface des cellules tumorales chez environ 15 % des femmes atteintes d’un cancer du sein. Agissant comme un interrupteur, trastuzumab bloque l’action de son récepteur membranaire, ce qui inhibe la croissance tumorale.
Un traitement de chimiothérapie est administré selon diverses voies :
- voie intraveineuse,
- voie orale,
- voie intrapéritonéale,
- voie intra-pleurale,
- voie intrarachidienne,
- voie intravésicale,
- chimioembolisation,
- injection intra-artérielle hépatique.
Vous pouvez lire également les articles suivants :
- Exposition des soignants aux cytostatiques
- Risques des cytostatiques pour la santé des soignants
- Cytostatiques : mesures de prévention
- Exposition des soignants aux gaz et vapeurs anesthésiques
- Risques chimiques en anatomie et cytologie pathologiques
Sites Internet conseillés :
- Unisante : atelier sur les MMPP
- Swiss medic : information pour les différents médicaments
- NIOSH : hazardous drug exposures in healthcare
- Hôpitaux universitaires de Genève : évaluation des risques liés à la manipulation de produits potentiellement toxiques à l’hôpital et recommandations de protection
- Manipulation des cytostatiques oraux : recommandations
- Traitement médical des cancers
- Exposition du personnel des établissements de soin aux anticancéreux, master 2015
Commentaires