Chez un mécanicien, une maladie de Gilbert peut-elle être aggravée par le contact avec de l’huile de moteur, du carburant, ou du liquide de frein ?

Le contact avec de l’huile moteur, du liquide de frein, et très rarement du carburant, peut-il provoquer une aggravation chez un mécanicien automobile ayant la maladie de Gilbert ?

La «maladie» de Gilbert est une hyperbilirubinémie non conjuguée, modérée et chronique, s’observant en l’absence de toute hémolyse. Elle est en rapport avec un déficit congénital partiel en bilirubine glucuronosyl-transférase, enzyme hépatique assurant la conjugaison de la bilirubine, étape indispensable à son excrétion dans la bile.

Dans la maladie de Gilbert, qu’on appelle d’ailleurs plutôt syndrome de Gilbert en raison de sa totale bénignité, l’activité de l’enzyme est réduite des deux-tiers.

La prévalence de ce déficit, dont le mode de transmission n’est pas déterminé, est élevée, comprise entre 3 et 10 % dans la population générale: il est donc très fréquent d’en faire le diagnostic lors d’examens biologiques systématiques, tout particulièrement en médecine du travail.

Le syndrome de Gilbert ne se traduit que par un subictère, visible essentiellement au niveau des conjonctives. Fluctuant, il s’accentue à la suite d’un jeûne prolongé, d’une intervention chirurgicale, d’une infection, d’un exercice intense et -le plus souvent en pratique- d’une ingestion excessive de boissons alcoolisées; un épisode d’ictère franc peut alors être observé.

La bilirubine totale varie de 20 à 80 µmol/l, sous forme presque entièrement non conjuguée;
Le reste du bilan biologique hépatique, l’imagerie ainsi que la biopsie du foie (qui ne doit bien sûr pas être faite!) sont toujours normaux.
Il n’y a aucune complication à long terme.

Aucun traitement n’est nécessaire ni utile :
il est indispensable d’expliquer au «patient» qu’il n’est pas malade, mais simplement porteur d’un trait génétique sans aucune conséquence clinique.

L’activité de la bilirubine glucuronosyl-transférase est: induite par le phénobarbital, ce qui tend à diminuer les taux de bilirubine libre, et inhibée par le chloramphénicol, la novobiocine ou la vitamine K, ce qui les majore.

A ma connaissance, aucune interaction entre cette enzyme et une substance chimique de l’environnement domestique ou professionnel n’a été signalée.

L’exposition d’un mécanicien (carburants, gaz d’échappement des véhicules, huiles minérales et fluides lubrifiants synthétiques, dégrippants, liquides de freins et antigels…) n’est pas de nature à modifier l’évolution, constamment bénigne, d’un syndrome de Gilbert.

Les questions de cette rubrique «toxicologie médicale» émanent pour la plupart de médecins du travail, les réponses sont apportées par le Docteur François Testud, médecin toxicologue hospitalier et médecin du travail, Centre de Toxicovigilance-Centre antipoison, Hospices Civils de Lyon.