Quelle doit-être la surveillance médicale pour des salariés exceptionnellement exposés au mercure ?

Des techniciens d’une société spécialisée en climatisation/chauffage dont j’assure la surveillance médicale seraient occasionnellement exposés au mercure, lors du nettoyage de tubes ayant contenu ou contenant peut-être encore des résidus de ce métal. Faut-il les placer en surveillance médicale renforcée (SMR) et comment les surveiller ?

Je n’ai pas connaissance d’une exposition significative au mercure métallique dans les métiers de la climatisation et du chauffage. Pour ces salariés, il s’agit vraisemblablement d’expositions très ponctuelles lors du bris ou du démontage d’instruments de mesure à mercure, par exemple des manomètres de chaudières.

Le mercure est un toxique cumulatif dont l’organe cible principal est le système nerveux central : il induit une encéphalopathie a minima marquée par des troubles cognitifs. L’atteinte cérébelleuse avec tremblement intentionnel n’est plus observée en France : elle était la conséquence d’imprégnations mercurielles très importantes et prolongées, en relation avec des utilisations abandonnées ou en cours d’abandon (production du chlore par électrolyse avec cathode au mercure, fabrication de thermomètres médicaux, de lampes fluorescentes, taxidermie, orpaillage, chapellerie…) et/ou avec des conditions d’hygiène industrielle (dans les usines de fabrication d’instruments de mesures, d’enseignes lumineuses, en dentisterie…) n’ayant plus cours aujourd’hui. Quant à la néphropathie due au mercure, elle est historique pour les mêmes raisons.

Compte tenu du caractère tout à fait occasionnel des manipulations, le risque mercuriel pour ces techniciens est probablement virtuel. Il convient cependant de le vérifier par une biométrologie : dosage urinaire du mercure par spectrométrie d’absorption atomique en fin de journée fin de semaine de travail. La concentration mesurée reflète l’exposition des 2 à 3 mois précédents, du moins quand celle-ci est stable :

– le taux urinaire dans la population générale, variable selon le port éventuel d’amalgames dentaires (et plus accessoirement la consommation de poissons) est de 1 à quelques µg/l ;

– l’indice biologique d’exposition (IBE), valeur considérée comme acceptable chez les travailleurs exposés 8 heures/jour vie professionnelle entière, est à ce jour en France de 35 µg/g de créatinine.

On peut aussi proposer des dosages sanguins, plus fiables en cas d’exposition fluctuante, comme ici, mais plus sensibles aux apports alimentaires (poissons) et souvent mal acceptés par les travailleurs.

Les résultats biométrologiques permettent de valider l’opportunité d’une mise en SMR :
– si, comme on peut s’y attendre, les concentrations mesurées ne sont pas différentes des taux retrouvés en population générale, aucune surveillance particulière n’est indiquée et ces techniciens ne relèvent pas d’une SMR ;
– si au contraire il existe une imprégnation mercurielle significative, il faut les considérer comme relevant d’une SMR, cela même si l’IBE n’est pas dépassé.

Surveillance médicale renforcée

La surveillance médicale des travailleurs exposés au mercure peut comprendre une évaluation neurocomportementale (questionnaires standardisés, tests psychométriques), bien difficile à mettre en œuvre en pratique. Les examens biologiques visant à détecter un impact précoce du métal sur la fonction rénale (dosages urinaires de la microalbumine, de alpha1-microglobuline, du retinol binding protein…) n’ont de sens qu’en cas d’exposition prolongée à niveau élevé.

Les questions de cette rubrique « toxicologie médicale » émanent pour la plupart de médecins du travail, les réponses sont apportées par le Docteur François Testud, médecin toxicologue hospitalier et médecin du travail, Centre de Toxicovigilance-Centre antipoison, Hospices Civils de Lyon.