Un antécédent de maladie de Hodgkin est-il une contre-indication pour travailler dans un pressing ?

J’ai vu en visite médicale d’embauche une jeune femme de 23 ans, en cours de CAP de pressing. Elle me signale dans ses antécédents une maladie de Hodgkin, traitée en 2002 et 2003 par radiochimiothérapie ; elle est actuellement en rémission complète. Elle passe la majeure partie de son temps de travail au poste de repassage mais sera sûrement amenée à s’occuper de la maintenance des machines. Que penser de l’exposition au perchloréthylène sur ce terrain ?

Le perchloréthylène ou tétrachloréthylène est le solvant utilisé dans les machines de dégraissage à sec des textiles. Dans les conditions normales de fonctionnement d’un pressing, l’exposition des employés est faible (machines en circuit fermé), à l’exception des opérations de vidange/remplissage des machines et de nettoyage des filtres, générant des pics.

Le perchloréthylène

Le perchloréthylène est un hydrocarbure chloré volatil, modérément irritant pour la peau et les muqueuses, dont la toxicité est essentiellement neurologique : l’inhalation de concentrations excessives au poste de travail provoque des signes ébrionarcotiques (sensations d’ivresse et d’euphorie, céphalées, nausées, vertiges, voire tendance à la somnolence…), rapidement réversibles avec l’éviction. Leur présence chez une employée de pressing témoigne de défaillances majeures dans le système de ventilation de l’établissement. A long terme, des troubles cognitifs et des perturbations de l’humeur sont possibles.

Le perchloréthylène n’est pas génotoxique in vitro. Les études de cancérogenèse animale par inhalation montrent un excès de cancers du foie (par prolifération des peroxysomes) chez la souris, de leucémies et de tumeurs rénales chez le rat mâle.

Sur la base de ces données, le solvant a été classé en 1995 par le CIRC dans le groupe 2A des agents probablement cancérogènes pour l’homme, le nettoyage à sec en pressing dans le groupe 2B des procédés possiblement cancérogènes pour l’homme.

Etudes épidémiologiques

De nombreuses études épidémiologiques ont été conduites en milieu professionnel pour évaluer le pouvoir cancérogène du perchloréthylène.

  • Une revue publiée en 2003 de 12 études de cohortes et 32 études cas-témoins considère que les données épidémiologiques accumulées depuis vingt ans ne mettent pas en évidence d’excès de risque de cancer.
  • Une étude publiée en 2002 portant sur 5369 travailleurs en blanchisserie/pressing retrouve une association significative entre exposition au perchloréthylène et cancer de l’œsophage (SMR = 2,2), du larynx (1,7), du poumon (1,4), du col utérin (1,6) et de la vessie. Néanmoins, la relation causale est peu probable dans la mesure où la plupart de ces cancers sont corrélés à l’alcoolotabagisme et à un bas niveau socioéconomique, non pris en compte dans l’étude.
  • Enfin, une cohorte scandinave (Danemark, Norvège, Suède et Finlande) d’employé(e)s du secteur du nettoyage à sec n’objective pas de surrisque de cancer. La vessie est la seule localisation pour laquelle il existe un excès significatif (RR = 1,44) mais il n’y a pas de relation dose / effet, ce qui n’est pas en faveur du caractère causal de l’association.

En pratique

Il n’existe à ce jour aucune preuve d’un excès de risque de maladie hématopoïétique lors de l’exposition professionnelle au perchloréthylène. Il n’y a donc pas lieu de contre-indiquer l’entrée dans le métier à une jeune femme porteuse d’une maladie de Hodgkin, guérie ou en rémission.

Si une rechute devait survenir, ce n’est pas le perchloréthylène qui pourrait – en l’état des connaissances – en être tenu pour responsable. En revanche, le cancer est une complication tardive avérée des radiochimiothérapies à hautes doses, souvent nécessaires au traitement de cette maladie.

Le perchloréthylène chez la femme enceinte

Les questions de cette rubrique « toxicologie médicale » émanent pour la plupart de médecins du travail, les réponses sont apportées par le Docteur François Testud, médecin toxicologue hospitalier et médecin du travail, Centre de Toxicovigilance-Centre antipoison, Hospices Civils de Lyon.