Protocoles de coopération entre professionnels de santé pour diminuer les recours aux services d’urgence

Plusieurs protocoles de coopération, PC, de prises en charge ont été publiés au Journal Officiel : prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville par un kinésithérapeute, prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à 4 semaines par un kinésithérapeute, prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle chez la femme de 16 à 65 ans par l’infirmier, etc. Ces coopérations ont pour but de diminuer le recours aux services d’urgence. Elles ne peuvent intervenir que dans des maisons de santé ou centre de santé labellisé par l’ARS. qui ont déclaré auprès de l’agence régionale de santé territorialement compétente chaque membre de l’équipe volontaire pour mettre en œuvre le protocole.  Le délégant est le médecin traitant du patient, le délégué est un kinésithérapeute, un infirmier, etc qui travaillent au sein de la maison de santé. Le patient doit avoir accepté le partage du dossier médical partagé avec le délégué ( infirmier ou kinésithérapeute).

Prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville 
Prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à 4 semaines 
Prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle 
Renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière 
Prise en charge de l’odynophagie, douleur à la déglutition

Le protocole de coopération permet un accès direct au kinésithérapeute ou à l’infirmier ( suivant les pathologies), il évite ainsi le recours aux services d’urgence.

De tels protocoles ont été rendus possible par l’article 66 de la loi no 2019-774 du 24 juillet 2019

« Section 3
« Protocoles expérimentaux locaux

« Art. L. 4011-4.-Des professionnels de santé travaillant en équipe peuvent, à leur initiative, élaborer un protocole autre qu’un protocole national et qui propose une organisation innovante. Ce protocole est instruit, autorisé, suivi et évalué dans le cadre de la procédure des expérimentations à dimension régionale mentionnées au III de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale. Le protocole n’est valable que pour l’équipe promotrice, dont les professionnels de santé sont tenus de se faire enregistrer sans frais auprès de l’agence régionale de santé. »

Prise en charge du traumatisme en torsion de la cheville

par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre d’une structure pluri-professionnelle 

Arrêté du 6 mars 2020

Ce protocole permet un accès direct au kinésithérapeute de la structure médicale, il a pour but d’améliorer la prise en charge de la douleur de la cheville suite à un traumatisme en torsion.

Il doit permettre de réduire les délais de consultation ( pas de nécessité de consulter le médecin généraliste au préalable)  et donc de diminuer le recours aux urgences.

Conditions pour appliquer ce protocole :

  • Patient entre 18 et 55 ans

et absence de facteurs d’exclusions 

  • antécédent de maladie trombo-embolique
  • chute consécutive à un malaise
  • polytraumatisme
  • plaie
  • douleur au genou
  • appui unipodal impossible, persistant après 24h après le traumatisme, témoin d’une entorse de grade 3
  • accident du travail

et critères d’exclusion à la lecture du dossier et lors de l’examen clinique :

  • appui unipodal impossible persistant à distance du traumatisme
  • traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire
  • 2 diagnostics d’entorse par le passé pour la même cheville
  • signe d’atteinte ou de rupture du tendon d’Achille ( augmentation de la flexion dorsale de la cheville traumatisée par rapport à la cheville saine)
  • douleur à la palpation de la fibula

Critères d’exclusion tout au long de la prise en charge :

  • guts feeling du délégué ( intuition du délégué)
  • refus du patient.

Déroulé du protocole

  • Diagnostic positif de l’entorse, exclusion des diagnostics différentiels
  • Prescription via une ordonnance :
    • type de Paracetamol
    • chevillière stabilisatrice , type Aircast
    • procédure RICE :
      • Rest : Repos relatif, appui autorisé en fonction de la douleur, cannes anglaises lors des déplacements.
      • Ice : glaçage précoce , 4 fois par jour.
      • Compression : bandages élastiques ou attelle avec compartiments gonflables.
      • Elévation » garder membre lésé surélevé lors de position assise ou couchée.
    • Prescription d’une aide à la marche si besoin ( cannes anglaises)
  • Prescription de 6 à 10 séances de kinésithérapies dès amélioration de la douleur
  • Vérification de l’indication d’une radiographie selon les critères d’Ottawa et prescription de celle-ci
    Rappel des règles d’Ottawa
    La radiographie est justifiée pour tout patient présentant une douleur de la région malléolaire
    et/ou du tarse si il présente l’un des critères suivants :

    • Pour la cheville : existence d’une douleur de la région malléolaire associée à :
      • une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU, Service d’Accueil des Urgences (impossibilité de faire 4 pas)
      • ou une sensibilité à la palpation osseuse du bord postérieur ou de la pointe de l’une des
        deux malléoles
    • Pour le tarse : existence d’une douleur de la région du tarse associée à :
      • une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU (impossibilité de faire
        4 pas)
      • ou une sensibilité à la palpation osseuse du scaphoïde (os claviculaire) ou de la base du 5ème
        métatarsien
  • Signature d’un arrêt de travail initial si nécessaire ( en fonction des recommandations Ameli : gradation de l’entorse) et des conditions de vie et de travail du patient
  • recherche des facteurs de risque thrombo-embolique et alerte du médecin traitant qui décide de la marche à suivre en cas de présence de facteur de risque ou de doute
  • Une consultation de suivi

Consulter l’arrêté pour les conditions de formation exigées.

Documents de référence listés par l’arrêté du 6 mars 2020

Prise en charge de la douleur lombaire aiguë inférieure à 4 semaines

Cette prise en charge peut être effectuée par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre d’une structure pluri-professionnelle, sous réserve que le patient ait entre 20 et 55 ans et qu’il présente une douleur  lombaire définie par une douleur située entre la charnière  thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur évoluant depuis moins de 4 semaines dont le médecin traitant se trouve dans une maison de santé, un centre de santé ou une équipe de soins primaires ave système d’information partagé. 

Arrêté du 6 mars 2020

Conditions pour appliquer ce protocole : absences de critères d’exclusion

Un formulaire doit être intégré au système d’information partagé par le kinésithérapeute et le médecin afin de lister l’ensemble de ces facteurs d’exclusion.

La présence des éléments suivants exclut la mise en oeuvre de prise en charge de la douleur lombaire par le kinésithérapeute : en présence d’un critère d’exclusion la prise en charge de la personne lombalgique relève du médecin.

A la lecture du dossier médical :

  • antécédent de cancer, de chirurgie du rachis
  • rhumatisme inflammatoire connu
  • fragilité osseuse ( ostéoporose, corticothérapie au long cours)
  • risque infectieux ( immuno-déficience, usage de drogues
  • grossesse

A l’interrogatoire :

  • altération de l’état général, perte de poids inexpliquée
  • fièvre ou signe d’infection : drapeau rouge
  • ponction lombaire dans les 14 jours précédents
  • douleur de type inflammatoire non mécanique d’aggravation progressive ( présente au repos, en particulier pendant la nuit, qui diminue voire disparaît pendant lors des mouvements et activités avec dérouillage matinal). Drapeau rouge
  • douleur thoracique ( rachialgie dorsale)
  • traumatisme  à forte cinétique récent : drapeau rouge
  • irradiation dans un membre inférieur
  • dysfonction urinaire
  • déficit neurologique objectif
  • accident de travail : drapeau rouge
  • 3ème épisode dans les 12 derniers mois

A l’examen clinique :

  • douleur irradiant dans les membres inférieurs
  • troubles vasculaires aux membres inférieurs, pied blanc, froid, abolition des pouls périphériques
  • symptômes neurologiques étendus ( déficit dans le contrôle des sphincters vésicaux ou anaux, atteinte motrice au niveau des jambes, syndrome de la queue de cheval)
  • paresthésies au niveau du pubis ou du périné, anesthésie en selle
  • plaie à proximité du rachis
  • douleur à la pression d’une épineuse : drapeau rouge
  • déformation structurale importante du rachis

Lors de la prise en charge :

  • refus du patient
  • doute du délégué ( guts feeling)

Déroulé du protocole : démarche thérapeutique

Principe de la démarche thérapeutique  :

  • réassurance, lutte contre les peurs et les croyances,
    sensibilisation aux bienfaits de l’activité physique, prévention de la récidive et remise d’une fiche conseil.
  • prescription d’antalgiques et anti-inflammatoires non stéroidiens en première intention pendant 5 jours,
    en l’absence de contre-indications ( en consultant le dossier médical),
  • conseil de consulter un médecin à 5 jours en cas de persistance des douleurs, dans les 24 heures en cas d’aggravation des douleurs, d’apparition de signes neurologiques déficitaires ou de nouveaux symptôme,
  • évaluation du risque de chronicisation : recherche de drapeaux jaunes
  • prescrire un bilan kiné et 3 séances de rééducation si risque de chronicisation ( drapeaux jaunes ou récidive de la lombalgie dans les 12 mois), éducation thérapeutique avec participation active du patient, apprentissage de l’auto-rééducation, éventuellement programmes d’exercices supervisés. Les thérapies passives ne doivent pas être utilisées isolément.
  • Arrêt maladie si besoin

Drapeaux jaunes : indicateurs d’un risque accru de passage à la chronicité et/ou incapacité prolongée :

  • problèmes émotionnels
    dépression, anxiété, stress, tendance à une humeur dépressive, retrait des activités sociales
  • attitudes et représentation inappropriée par rapport au mal de dos,
    idée que la douleur représenterait un danger ou qu’elle pourrait entraîner un handicap grave,
    comportement passif avec attentes de solutions placées dans des traitements plutôt que dans une implication personnelle active
  • comportements douloureux inappropriés,
    évitement ou réduction de l’activité liée à la peur,
  • problèmes liés au travail, insatisfaction professionnelle
    ou environnement de travail jugé hostile ou problèmes liés à l’indemnisation ( rente, pension d’invalidité)

Arrêt de travail : lombalgie commune ( selon avis de la HAS)
arrêt de travail de 5 jours, seulement si l’intensité de la douleur le justifie ( sinon pas d’arrêt de travail) , puis réévaluation au bout de 5 jours pour éviter le passage à la chronicité.
La durée de l’arrêt est à adapter selon l’âge et la condition physique du patient, le temps et le mode de transport, le poste de travail.

Objectifs de la prise en charge de la douleur lombaire aigue par le kinésithérapeute dans le cadre d’une structure pluri-professionnelle

Le principal objectif de cette prise en charge est de diminuer la récidive et la chronicisation de la lombalgie en améliorant à la fois la qualité de la prise en charge et son délai et de diminuer le recours aux services d’urgence.

Documents de référence pour la prise en charge de la douleur lombaire aigue

Prise en charge de la pollakiurie et de la brûlure mictionnelle

Il s’agit d’un protocole de coopération entre médecin généraliste, infirmier et pharmacien qui concerne la femme de 16 à 65 ans.

Ce protocole a pour but de réduire le délai de prise en charge de cette pathologie courante dans un contexte de manque de disponibilité des médecins généralistes.

Arrêté du 6 mars 2020

Bénéficiaires de ce protocole

Femmes entre 16 et 65 ans présentant des signes fonctionnels urinaires d’apparition récente  :

  • pollakiurie et/ou une brûlure mictionnelle,
  • et/ou une dysurie,
  • et/ou une impériosité mictionnelle.

Critères d’exclusion de ce protocole

Critères retrouvés lors de l’interrogatoire et de l’examen du dossier médical :

  • les hommes sont exclus ( sévérité potentielle des infections urinaires masculines),
  • grossesse avérée ou non exclue,
  • signes digestifs : nausées, vomissements, diarrhée, douleur abdominale diffuse,
  • signes gynécologiques : leucorrhée, prurit vulvaire ou vaginal,
  • antécédents de 3 cystites sur les 12 derniers mois,
  • antécédent de  cystite non complètement résolue dans les 15 derniers jours,
  • antibiothérapie en cours pour une autre pathologie,
  • toute anomalie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire, quelle qu’elle soit ( résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, acte urologique récent),
  • inmmunodépression grave : due à une pathologie ( VIH) ou un traitement médicamenteux ( corticothérapie au long cours, immunosuppresseurs, chimiothérapie…),
  • insuffisance rénale chronique sévère ( clairance <30 ml/min ou grade 4 et 5.

Lors de l’examen clinique, exclusion du protocole si :

  • fièvre supérieure à 38 ou hypothermie ( inférieure à 36)
  • douleur à la percussion d’une fosse lombaire

Critères d’exclusion durant la prise en charge :

  • patiente ou représentant légal refusant le protocole,
  • doute du médecin délégué.

Consultation

La consultation a lieu à la pharmacie ou au cabinet infirmier ( accès à des toilettes obligatoire).
Infirmier et pharmacien doivent avoir accès au dossier médical partagé.

  • Examen clinique comportant percussion des fosses lombaires.
  • Réalisation et interprétation d’une bandelette urinaire.
  • Choix de l’antibiotique par l’infirmier ou le pharmacien.
  • Prescription de l’antibiotique par l’infirmier ou le pharmacien via une ordonnance type.
  • Prescription d’un ECBU en cas d’allergie à la Fosfomycine et au pivmecillinam.

Documents de référence

Renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière

pour les patients de 15 à 50 ans par l’infirmier  et le pharmacien dans le cadre d’une structure pluri-professionnelle

Arrêté du 6 mars 2020

Prise en charge de l’odynophagie, douleur à la déglutition

Par l’infirmier diplômé d’Etat ou le pharmacien d’officine dans le cadre d’une structure pluri-professionnelle.

Arrêté du 6 mars 2020

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