Risque suicidaire et activité professionnelle dans une population de salariés au travail

Avoir un travail est un facteur protecteur vis à vis du suicide parce que le travail est un puissant stabilisateur de la santé mentale. Mais parmi les personnes qui travaillent observe t-on davantage de suicides  au sein de certaines professions ? Une étude de la mortalité par suicide selon l’emploi, la catégorie socio-professionnelle  et le secteur d’activité a été conduite par l’INVS, qui a utilisé les données de l’étude Samotrace, à laquelle ont participé 80 médecins du travail de la région Rhône-Alpes. Le volet « épidémiologie en entreprise » du projet Samotrace a pour objectif de décrire la santé mentale en entreprise.

Recueil des données
Le risque suicidaire a été exploré par le questionnaire Mini
Résultat : différences de risque suicidaire observé chez des salariés au travail
Les résultats obtenus sont comparables  avec ceux d’autres études

Recueil des données

Les données ont été recueillies  auprès d’un échantillon de 4 128  salariés, ( âge moyen 41 ans) tirés au sort, qui passaient une visite médicale périodique de santé au travail à la fois par un autoquestionnaire rempli par le salarié en salle d’attente et un questionnaire administré par le médecin ( questionnaire Mini)
Le choix de salarié qui passaient des visites médicales périodiques  écarte les salariés en arrêt maladie, , notamment ceux qui souffrent de troubles dépressifs sévères et donc potentiellement à risque suicidaire.

Le risque suicidaire a été exploré par le questionnaire Mini

Ce questionnaire comporte 6 questions :

  •  5 questions portent sur le mois écoulé :
    • Q1 Avez-vous pensé qu’il vaudrait mieux que vous soyez mort, ou souhaité être mort
    • Q2 Avez-vous voulu vous faire du mal ?
    • Q3 Avez-vous pensé à vous suicider ?
    • Q4 Avez vous établi la façon dont vous pourriez vous suicider ?
    • Q5 Avez-vous fait une tentative de suicide ?
  •  une question, Q6, porte sur les antécédents de tentative de suicide sur la vie entière

Ce questionnaire Mini surestimerait légèrement les risques.

Résultat : différences de risque suicidaire observé chez des salariés au travail

 Différence de risque suicidaire entre les hommes et les femmes

Cette différence est significative puisqu’un risque suicidaire est décrit pour 7% des hommes et 10% des femmes

Différence de risque suicidaire entre les cadres, les employés, les ouvriers

C’est  chez les cadres que le risque suicidaire est le moins élevé.

Différence de risque suicidaire en fonction de la catégorie socioprofessionnelle

Prévalence du risque suicidaire chez les hommes :

  • 3,2 % pour les cadres d’entreprise
  • 4% pour les contremaîtres
  • 5,7 % pour les techniciens
  • 6,7 pour les professions intermédiaires de l’administration des entreprises
  • 7,3 % pour les employés de l’administration des entreprises
  • 7,5 pour les cadres de la fonction publique
  • 8,3 pour les ouvriers qualifiés
  • 9% pour les professions intermédiaires du public
  • 9,4 % pour les employés de commerce
  • 11,8 % pour les employés de la fonction publique
  • 12,7 % pour les ouvriers non qualifiés

Prévalence du risque suicidaire chez les femmes :

  • 6% pour les cadres d’entreprise
  • 8,4 % pour les professions intermédiaires du public
  • 8,9 pour les cadres de la fonction publique
  • 9,2  % pour les techniciennes
  • 9,4 % pour les employées de l’administration des entreprises
  • 9,6  % pour les ouvrières non qualifiées
  • 9,9 % pour les employées de commerce
  • 10,9 %  pour les professions intermédiaires de l’administration des entreprises
  • 11,4 % pour les ouvrières qualifiés
  • 11,4 % pour les employées de la fonction publique
  • 11,9 % pour les personnels des services particuliers

Différence de risque suicidaire suivant le secteur d’activité

Prévalence du risque suicidaire chez les hommes :

  • 3,5 dans la construction
  • 4,6 % pour les activités financières
  • 4,9 % dans l’industrie manufacturière
  • 6,5 % en immobilier
  • 7,2 % dans l’administration publique
  • 8 % en agriculture
  • 8,3 % dans le commerce
  • 8,7 % dans le transports et communication
  • 10,8 % en santé et action sociale

Prévalence du risque suicidaire chez les femmes :

  • 4,3 % pour les secteurs collectifs, sociaux et personnels.
  • 7,3 % dans le transports et communication
  • 8,3 % dans l’industrie manufacturière
  • 9,2 % dans l’administration publique
  • 9,8 % dans le commerce
  • 10,3  % en immobilier
  • 10,3 % en santé et action sociale
  • 11,2  % pour les activités financières

Cette étude décrit un risque suicidaire non négligeable en population de salariés au travail puisqu’il concerne 7% des hommes et 10% des femmes. Chez les hommes, le risque suit un gradient social, puisque les catégories sociales les plus favorisées sont les moins touchées, les secteurs de la santé et de l’action sociale, ainsi que celui des transports et communication sont particulièrement concernés. Les résultats sont moins concluants chez les femmes.

Intérêt de cette étude :
un outil diagnostic  standardisé a été utilisé par un tiers ( questionnaire Mini utilisé par le médecin), et non une liste de symptômes psychiques utilisés en auto-questionnaire comme c’est souvent le cas, destiné à proposer un diagnostic et non une symptomatologie.

Les résultats obtenus sont comparables  avec ceux d’autres études

Ces résultats sont comparables  :

  • aux données de mortalité par suicide issues du programme Cosmop de l’InVS  ( analyse sur 30 ans jusqu’au début des années 2 000 de la mortalité pa profession) : excès de mortalité par suicide des ouvriers et des employés par rapport aux cadres
  • aux résultats du baromètre santé 2005 sur les tentatives de suicide : suicides : mieux comprendre pour prévenir avec plus d’efficacité
  • aux analyses de mortalité par secteur d’activités de l’InVS qui décrivent également un net excès de risque dans le secteur de la santé et de l’action sociale, le secteur de l’administration publique venant juste après.

Avoir un travail est un facteur protecteur vis à vis du suicide, mais certaines situations de travail qui génèrent des contraintes psychosociales, du stress, pourraient jouer un rôle dans le déclenchement d’actes  suicidaires. Identifier des populations avec un risque suicidaire élevé devrait conduire à mettre en place une prévention spécifique en complément bien sûr de la prise en charge individuelle.

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