Quels tableaux de maladie professionnelle devraient être modifiés ou créés ?

Tableaux de maladie professionnelle : le rapport de la commission Diricq, chargé d’étudier les causes de sous déclaration des pathologies liées au travail dans le régime général pointe l’obsolescence ou l’insuffisance de certains tableaux de maladie professionnelle et  fait des propositions pour en créer de nouveaux.

Quelques pistes de réflexion pour la création de nouveaux tableaux de maladie professionnelle
Quels tableaux mériteraient d’être révisés, quelles modifications sont proposées ?
Modalités administratives de révision ou de création de tableaux
Tableaux en cours de révision

Quelques pistes de réflexion pour la création de nouveaux tableaux de maladie professionnelle

Le nouveau dispositif de retraite anticipée au titre de la pénibilité va inciter à déclarer davantage des pathologies qui résultent du travail. Mais à l’heure actuelle de nombreux tableaux de maladie professionnelle sont à réviser et d’autres à créer…Le Rapport-commission-Diricq 2011 pointe les insuffisances des tableaux actuels et fait des propositions pour en créer de nouveaux.

La commission Diricq cite les pistes suivantes pour la création de nouveaux tableaux de maladies  professionnelles.

Un tableau de MP pour le cancer des ovaires et du larynx causé par l’exposition à l’amiante

En 2009, à l’occasion d’une réunion d’experts internationaux, le CIRC a reconnu qu’il existe suffisamment de preuves scientifiques pour établir un lien entre l’exposition aux fibres d’amiante et le cancer des ovaires, le cancer du larynx.

Extrait du rapport de la commission sur ce point :

Le cancer du larynx est par ailleurs mentionné dans l’annexe II de la recommandation R. 2003/670/CEE. L’introduction de ces deux cancers a été discutée lors de la définition du programme de travail de 2011 de la CPP. Cependant, avant d’envisager une telle évolution, il est apparu nécessaire d’attendre la publication correspondante ( volume 100 du CIRC).

NDLR : CPP , commission spécialisée des pathologies professionnelles

Cette question a été  posée à l’assemblée nationale en 2010 et  dans le rapport HAS,  daté d’avril 2010 « suivi post professionnel après exposition à l’amiante », à la page 8, la relation entre l’exposition  l’amiante et le cancer du larynx et de l’ovaire est abordée :

« L’amiante a été classé par le Centre international de recherche sur le cancer ( CIRC) comme cancérigène de catégorie 1 pour le mésothéliome péritonéal, le cancer du larynx et de l’ovaire. Seules les pathologies pulmonaires sont prises en compte dans ce travail. Les autres pathologies seront prises en compte par la HAS dans un travail ultérieur »

Un tableau de maladie professionnelle pour le cancer du sein causé par le travail de nuit

Le  travail de nuit a été classé par le CIRC comme agent probablement cancérogène.
L’INVS estime que 1,4 à 5% des cancers du sein sont attribuable au travail de nuit.

Un tableau de MP pour le cancer colorectal causé par l’exposition aux poussières de bois

Le tableau n° 47 indemnise au titre des maladies professionnelles provoquées par les poussières de bois :

  • le carcinome des fosses nasales,
  • le carcinome de l’ethmoide et des autres sinus.

Un lien a été mis en évidence en 1989 entre l’exposition aux poussières de bois et le cancer du côlon et rectum.( étude conduite par Peters et al. In Cancer Resarch.)
Si les résultats de cette étude se confirment,  le cancer du côlon pourrait alors figurer dans le tableau n° 47.

Quels tableaux mériteraient d’être révisés, quelles modifications sont proposées ?

Tableau n°98 : affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes

Ce tableau ne mentionne que la manutention manuelle habituelle de charges lourdes dans la liste des travaux et ne reconnaît au titre des maladies professionnelles que les lomb-sciatiques et cruralgies consécutives à des hernies discales.
Les postures contraignantes ne sont pas prise en compte, la commission constate que ceci est en décalage avec la réalité du travail industriel et prend comme un exemple un mécanicien qui porte parfois peu de charges lourdes mais doit adopter des positions contraignantes dommageables pour le dos dans la durée.

Tableau n°42 : atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels

En 2003, ce tableau a été révisé : listes des travaux et modalités d’examen.
Ainsi le nombre de surdités reconnues au titre des maladies professionnelles est passé de 632 en 2003 à 1048 en 2009.
Mais de nombreuses surdités ne sont pas reconnues parce que le délai de prise en charge est dépassé : le tableau n°42 indique un délai de prise en charge de 1 an.
Pour mémoire, le délai de prise en charge c’est le temps qui s’est écoulé entre la cessation de l’exposition au bruit et l’apparition de la surdité.
La commission pense qu’il pourrait être judicieux de porter ce délai de prise en charge à 2 ans.
77% des dossiers de maladie professionnelle concernant le tableau n°42 qui sont adressés au CRRMP ( parce que les conditions du tableau ne sont pas remplis) le sont en raison d’un  dépassement du délai de prise en charge.

Pourquoi de nombreuses surdités ne sont-elles  pas reconnues en maladie professionnelle ?

Les 50 tableaux de maladie professionnelle qui portent sur les dermatoses

Ils représentent plus de 40% des tableaux de maladies professionnelles.

Selon la commission, certains tableaux sont obsolètes

  • Tableau n°5, relatif aux affections professionnelles liées au contact avec le phosphore et le séquisulfure de phosphore.
  • Pour le tableau n°65 ( lésions eczématiformes de mécanisme allergique) :
    la liste limitative des travaux mériterait d’être modifiée, et la dénomination des pathologies devrait prendre en compte la nouvelle dénomination internationale, définie en 2008-2009 qui parle par exemple de dermatite inflammatoire et non plus de « lésions eczématiformes ».

Par ailleurs les allergènes les plus souvent à l’origine de problème dermatologique dans le travail ne figurent dans aucun tableau de maladie professionnelle : c’est le cas du méthyldibromoglutaronitrile, les méthyl- et chlorométhyl isothiazolinones.

En effet dans chaque tableau, dans la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer la pathologie figure la manutention d’agent nocifs qui sont énumérés, mais cette liste est est limitative.
Si le produit responsable de l’allergie ne figure pas dans la liste, la maladie n’est pas reconnue au titre des maladies professionnelles  ( ou alors il faut saisir le CRRMP).

Pour les salariés du BTP, les brûlures graves provoquées par les ciments à prise rapide sont bien connues mais aucun tableau ne les reconnaît.

Les BPCO, Broncho-pneumopathies chroniques obstructives

La BPCO ne peut être reconnue d’origine professionnelle que chez les mineurs de charbon et les mineurs de fer, respectivement sur les tableaux n°91 et n°94, alors qu’il n’y a pratiquement plus de mineurs en France…
Ces tableaux ont fait l’objet d’une mise à jour en 2005 mais leur désignation ne correspond pas à la réalité de la maladie puisqu’il est possible de reconnaître une pathologie respiratoire de type obstructif mais avec des conditions très particulières, emphysème associé à une sidérose dans le tableau n°44 par exemple…
La BPCO est caractérisée par un trouble ventilatoire obstructif défini par un rapport de Tiffeneau (VEMS/CVF) après broncho-dilatation inférieure à 70% de la théorique  et non comme la désignation du tableau le laisse entendre, un « VEMS abaissé au jour de la déclaration d’au moins 30%  par rapport à la valeur moyenne théorique».

Par contre, il n’est pas possible de faire reconnaître une BPCO au titre des maladies professionnelles chez des personnes qui travaillent dans certains secteurs d’activité alors que le risque de BPCO est prouvé.

C’est par exemple le cas des secteurs d’activité professionnel suivants :

  • le secteur du bâtiment et des travaux publics,
  • dans la fonderie sidérurgie,
  • chez les employés du textile ( coton),
  • en milieu agricole, lors de l’exposition aux céréales,
  • dans la production laitière,
  • l’élevage de porc.

La commission suggère de créer un  nouveau tableau de maladie professionnelle intitulé « Fumées, gaz, poussières » avec une liste limitative de travaux qui serait implémentée au fur et à mesure des progrès scientifiques.

Modalités administratives de révision ou de création de tableaux

La procédure de révision des tabelaux est fixée par l’article L. 461-2 alinéa 4 du Code de la Sécurité sociale : révisés par des décrets, ils sont adoptés après avis des partenaires sociaux consultés dans le cadre du conseil surpérieur des risques professionnels ( CSPRP)

La commission Diricq rappelle sans son rapport que les tableaux de maladies professionnelles ne peuvent comporter que des maladies dont le lien de causalité avec le travail est solidement établi et argumenté. Les tableaux sont donc toujours actualisées avec beaucoup de prudence et seulement lorsque les études épidémiologiques le permettent.

La révision des tableaux associe la discussion entre partenaires sociaux et l’expertise scientifique. Il  faut parvenir à un consensus, ce qui n’est pas toujours le cas, à l’issue des 2 ou 3 ans de travaux nécessaires à la révision du tableau.

Des tableaux de maladie professionnelle sont régulièrement révisés.

Derniers tableaux révisés

  • Tableau n°1 : affections dus au plomb, révisé en 2008 par le décret n°2008-1043
  • Tableau n°4 : hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant
  • tableau n°16 : affections cancéreuses provoquées par le goudron de houille, les huiles de houilles, es brais de houille et les suies de combustion du charbon
  • Tableau n° 43 : affections provoquées par l’aldéhyde formique et ses polymères
  • Tableau n°19 : spirochètoses à l’exception des tréponématoses, révisé en 2009, décret n° 2009-1194

Tableau crée :

  • Le tableau 43 bis a été crée en 2009 : affections cancéreuses provoquées par l‘aldéhyde formique et ses polymères, par le décret n° 2009-56

Qui est chargé de la création et l’actualisation des tableaux ?

La création et l’actualisation des tableaux résulte d’une concertation entre :

  • l’administration
  • et la CPP, Commission spécialisée des pathologies professionnelles, qui est une formation du COCT, Conseil d’Orientation sur les conditions de travail.

Qui compose la CPP,  Commission spécialisée des pathologies professionnelles ?

Elle se compose :

  • des administrations concernées,
  • des représentants des salariés,
  • des représentants des employeurs,
  • des organismes nationaux d’expertise et de prévention,
  • des personnes qualifiées nommées en raison de leur connaissance des maladies professionnelles.

Chaque année le Ministre du travail établit le programme de création et révision des tableaux , après avis de la CPP

Il se  base sur les propositions de modifications de tableaux adressés au Ministère par des personnes qualifiées, des partenaires sociaux, des médecins, des spécialistes, etc

Chaque projet de création ou de révision de tableau donne lieu à la création d’un groupe de travail spécifique, comme le prévoit le code du travail à l’article D. 4641-10

Article D4641-10 du Code du travail
« Les personnes désignées en raison de leur compétence siégeant au Conseil supérieur comprennent au moins quatre spécialistes de médecine du travail.
Le mandat de ces personnes est de trois ans. Il est renouvelable. S’il prend fin avant l’échéance  normale, le membre nommé en remplacement est désigné pour la période restant à courir. »

A l’issue des travaux, le projet de décret qui révise ou crée un tableau est présenté à diverses instances qui doivent rendre un avis

Le projet est présenté :

  • à la CPP  : mais cette commission, CPP,  étant un organe consultatif, ses avis ne lient pas l’administration,
  • à la  commission générale du COCT qui doit également rendre un avis,
  • et  à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles

Tableaux en cours de révision : exemple du tableau n°57

La révision du tableau n° 57 relatif aux affections articulaires provoquées par certains gestes et posture de travail serait en cours.
Le décret qui révisera le paragraphe A du tableau relatif à l’épaule sera publié prochainement, et les travaux portant sur le paragraphe B, relatifs  au coude ont été engagés fin 2010.

Le tableau n°57 a été crée en 1972, sa dernière mise à jour date de 1991.
Déjà en  1997  le médecin conseil national de la CNAMTS avait  attiré l’attention de la DGT et DSS sur les imprécisions du tableau n° 57
La commission chargée d’évaluer la sous-déclaration des risques professionnels l’avait déjà proposé dans son rapport en 2005, considérant que le tableau ne tenait pas compte des nouvelles organisation de travail et que les présentations cliniques étaient  particulièrement insuffisantes.
Le cas de l’épaule est particulièrement déficient puisque les tableaux cliniques sont actuellement obsolètes et en désaccord complet avec l’évaluation moderne des classifications acceptées et recommandées par les sociétés savantes.
Par ailleurs, les moyens d’exploration de ces structures péri-articulaires se sont multipliés, permettant une approche de bien meilleure qualité : l’échographie ( exploration des tendons, que ce soit à l’épaule ou au coude, mais aussi du canal carpien), le scanner, l’arthroscanner ( l’épaule), l’IRM pour toutes les structures péri-articulaires et à terme l’IRM dédiée. Le tableau n°57 n’en tient pas suffisamment compte.
Par ailleurs les cervicalgies engendrées notamment pat le travail sur écran ne sont pas prises en compte dans ces tableaux. »

Ce tableau n°57 représente aujourd’hui 80% des maladies professionnelles indemnisées, ( il en représentait 72% en 2008),
sa révision aura d’importantes répercussion.

La révision doit prendre en compte l’évolution des données scientifiques et médicales et doit préciser certains libellés du tableau pour harmoniser les pratiques de rconnaissance entre les caisses.
En 2008, il représentait 65 % de l’ensemble des dossiers soumis au CRRMP, un dossier est soumis au CRRMP, lorsque certaines conditions du tableau ne sont pas remplies.Tous les 3 ans, la commission chargées dévaluer  la sous déclaration des risques professionnels rend son rapport.

Nous sommes en 2011, il n’y a pas toujours pas eu à ce jour de consensus pour la révision du tableau n°57 alors qu’il représente 80% des maladies professionnelles et que la commission demande sa révision depuis 2005.
En 2008, cette même commission préconisait de réformer les tableaux n°90, 91, 94 pour les BPCO, le tableau n°65 pour les lésions eczématiformes de mécanisme allergique, et les tableaux n°97 et n°98 relatifs au rachis lombaire.  A ce jour rien n’a été fait…

Cette absence de reconnaissance de certaines pathologies au titre des maladies professionnelles, dont on sait qu’elles sont liées au travail, va désormais pénaliser  encore bien plus lourdement  les assurés puisqu’elle les privera dans certains cas d’une retraite anticipée au titre de la pénibilité.

Dans son rapport de 2002, sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes pointait « le retard dans l’adoption ou la modification des tableaux de maladies professionnelles, lié notamment aux difficultés de fonctionnement du conseil supérieur des risques professionnels. Elle recommandait de modifier les modalités d’établissement des tableaux de maladies professionnelles, avec notamment la création d’une instance scientifique
En raison des blocages dus à la lourdeur de processus de révision des tableaux, la Cour des comptes, dans son rapport sur la Sécurité sociale en 2002, avait préconisé de modifier les modalités d’établissement des tableaux de maladies professionnelles.

Tableaux des maladies professionnelles associés :

  tableau n°42 RG : Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels (69,2 KiB, 50 336 hits)

  Tableau n°57 RG : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail (75,6 KiB, 500 290 hits)

  Tableau n°98 RG : Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes (7,3 KiB, 247 430 hits)

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