Boule rouge-Santé au travail

Le médecin du travail et le malade alcoolo-dépendant

Le travail peut être un éteillage ou au contraire une véritable souffrance pour un malade alcoolo-dépendant.La reprise du travail peut être vécue comme difficile.

Conduire le malade alcoolo dépendant à envisager l’arrêt de l’alcool
2 périodes lors de l’arrêt de l’alcool
Rôle du médecin du travail lors de la reprise du travail du salarié alcoolo-dépendant

Conduire le malade alcoolo dépendant à envisager l’arrêt de l’alcool

Un malade décide d’arrêter l’alcool après un long itinéraire avec la famille, la justice, le monde du travail, l’alcoologue.
Il est fondamental que se mettent en place un certain nombre de miroirs, qui seront renvoyés au malade alcoolo-dépendant, par les divers thérapeutes dont le médecin du travail.
Ces miroirs doivent être cohérents pour que le sujet puisse voir le reflet lié à son image dans un délai de 1 à 3 ans.
Un discours alcoologique pertinent associé à ces miroirs sera nécessaire d’autant plus que le monde médical possède une faible culture alcoologique.

«Toucher son fond» permet au malade d’envisager une véritable démarche de soin, avec un arrêt de travail bref (5 jours pour réaliser le sevrage physique).
Par contre, il faut une durée de 3 à 5 ans minimum pour le travail psychothérapique, qui se fera seulement dans la durée.

Le déni est un mécanisme inconscient systématiquement mis en place dans la psychologie d’un alcoolo dépendant pour éviter une dépression grave .
Le déni est un mécanisme antidépresseur efficace.
Quand le déni ne fonctionne plus, le patient déprime et augmente sa consommation d’alcool.
Le malade alcoolo-dépendant va toujours vers la dépression, il a beaucoup de souffrance.

Face au déni, il ne faut absolument pas essayer de le casser car on ne fera que le renforcer.
Le médecin sera dans l’empathie et dans l’écoute d’un sujet souffrant.
Le thérapeute devra s’intéresser à la manière dont les sujets boivent, et pour le savoir, il suffira d’écouter ce qu’ils affirment ne pas boire pour en tirer des déductions précises.

2 périodes lors de l’arrêt de l’alcool

  • Une phase sans alcool: durée 2 – 3 ans
    Le sujet se reconstruit mais avec des effets systémiques secondaires sur l’entourage.
  • Puis la phase hors alcool: durée 4 – 5 ans
    Le patient apprend à accepter ses limites et à sortir de la toute puissance.
    Il va se confronter à tous les aspects de la vie familiale et professionnelle, et va réaliser une introspection de lui-même (une ascèse):
    Il apprend qu’il peut s’affirmer davantage dans ses désirs, son identité.
    Il constate qu’il n’a plus besoin d’alcool pour parler, se taire…

Rôle du médecin du travail lors de la reprise du travail du salarié alcoolo-dépendant

Le médecin du travail est assez souvent le seul qui ne connaît pas la véritable raison de l’arrêt de travail, à l’instar du malade alcoolique qui ne se rend pas compte que depuis de nombreuses années, son entourage évoque dans son dos sa dépendance à l’alcool.

Lorsque le malade «sort de sa bulle», il devra affronter les regards des autres, portés sur lui, qui vont déclencher un sentiment de honte (qui est un état de mal-être indicible, qui empêche le sujet de parler).
La honte est un sentiment archaïque, préverbal, qui va faire imaginer le pire dans la perception du sujet alcoolo dépendant vis-à-vis de l’interprétation du regard porté sur lui par les autres.

Le cas le plus difficile s’avère être le comportement à adopter lors des arrosages officiels après ou au moment de la reprise du travail:
En effet «lorsqu’il va lever son verre de jus de fruit ou de cocktail non alcoolisé, il va devoir subir l’intensité dramatique des regards des autres…comme si à ce moment un néon clignotant illuminait la pièce…»,

Deux questions vont se poser lors de la reprise du travail:

  • * Doit-on faire reprendre le salarié au même poste?
  • * Peut on donner de nouveau des responsabilités au salarié sans prendre de risques ?

Dans les très petites entreprises, les possibilités sont quasi inexistantes

Peut on lui proposer au maximum une promotion s’il se soigne ?
Et que décider s’il continue?…
Mais l’augmentation des responsabilités est sujette à caution car on va augmenter la pression sur ses épaules.

Une règle à ne pas oublier est qu’il faut éviter le plus possible d’amputer le salarié de son passé professionnel :
pour éviter le regard provocateur de la honte, il faut essayer de négocier au mieux les inévitables ardoises que le sujet a récoltées vis-à-vis de ses collègues.
Il faut faire en sorte d’éviter que le passé (porteur d’humiliations) n’envahisse ensuite le présent après arrêt de l’alcool.

Le principe de la double peine est un écueil majeur:

  • Le coût induit lors de la période alcool
    Accidents du travail, fautes professionnelles: lorsque le salarié s’alcoolisait.
  • Les rancunes impardonnables
    On attend le retour du sujet avec un bazouka…
    Tout ce que l’on n’a pas pu lui dire pendant 10 ans, on va le faire lorsque le malade décide de se soigner.
    C’est ce que l’on voit trop souvent avec la justice qui est prononcée 2 ou 3 ans après les faits délictueux.

Redonner ses responsabilités au malade alcoolo-dépendant
La rechute fait partie du parcours de la maladie alcoolique en fonction de l’histoire particulière de chaque sujet.

Il y a nécessité d’une négociation à 4 lors de la reprise du travail

  • Médecin du travail.
  • Malade.
  • Supérieur hiérarchique.
  • Un collègue de travail

Avec des règles

  • On laisse le droit au sujet de se réalcooliser (rechute), circonstance qui survient dans presque 1 cas sur 2.
  • En cas de réalcoolisation, le médecin du travail prononcera une inaptitude temporaire et adressera le salarié au médecin traitant et/ou alcoologue.
  • Toute rechute induit chez le malade le retour du déni.
  • On établit un contrat de soin en lui demandant d’expliquer les raisons pour lesquelles il s’est remis à boire.
  • On avertit le sujet que l’on va désigner un proche qui aura pour rôle de signaler au plus vite toute réalcoolisation.
  • Il faudra par ailleurs aider le salarié à parler suffisamment à sa hiérarchie, pour éviter que l’on ne parle de lui sans son dos.

Il ne faut pas amputer un alcoolique de son passé, il doit pouvoir reprendre sur son poste antérieur.
S’il ne le fait pas, il va «virer» sur un mode paranoïaque.

Dans une entreprise ne pas hésiter à s’appuyer sur d’anciens alcooliques qui vont mieux, ce sont des personnages relais, qui peuvent parler de leur propre cas.

Rôle majeur de la mise en place d’un plan de prévention alcool, pour envisager une communication efficace entre les différents acteurs, en évitant le principe habituel de la délation et du renvoi très tardif au médecin du travail (principe de la «patate chaude»)

Ces informations ont été recueillies par le Docteur Thierry Jamen, médecin de santé au travail, diplômé d’alcoologie, à l’occasion d’une formation assurée par le Docteur François Gonnet et le Docteur Colette Marcand, alcoologues, destinée à des médecins de santé au travail à Lyon, en novembre 2007

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