Mise à jour du tableau n°57 pour les pathologies de l’épaule : réflexions d’experts médicaux

Le tableau de maladie professionnelle n°57 concerne les pathologies de lépaule :  il indemnise les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail représente environ 75% des déclarations de maladies professionnelles déclarées. L’ancienne version de ce tableau faisait l’objet de nombreuses critiques. Le paragraphe qui permet la reconnaissance des pathologies de l’épaule au titre des maladies professionnelles a été mis à jour en octobre 2011. Depuis plusieurs années, des orthopédistes, des rhumatologues et autres experts médicaux trouvaient le tableau de maladie professionnelle obsolète et imprécis ce qui a conduit à la reconnaissance abusive de nombreuses pathologies de l’épaule au titre des maladies professionnelles !

Les pathologies de l’épaule dans le tableau  de maladie professionnelle n° 57
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces pathologies
Rappel de la biomécanique de la ceinture scapulaire

Depuis de nombreuses années, des médecins de l’Association nationale des médecins agréés ( ANMA) avaient constaté que plusieurs paragraphes du tableau n°57 étaient obsolètes, notamment celui consacré aux pathologies de l’épaule. Compte tenu de l’hétérogénéité des avis constatés, ils avaient  publié en 2004, un guide pour l’harmonisation des pratiques pour les TMS du membre supérieur : « Troubles musculosquelettiques : la prise en charge en maladie imputable au service chez les fonctionnaires »

Les pathologies de l’épaule dans le tableau  de maladie professionnelle n° 57

En 1990, Pr Uhthoff, chirurgien orthopédiste, expert près des tribunaux avait établi l’origine non professionnelle des calcifications de l’épaule ( type A, B et C1) et leur évolution vers la guérison spontanée par résorption. 

L’ancienne version du tableau n° 57 listait dans la première colonne  « désignation de la maladie » :  épaule douloureuse simple

Le caractère imprécis de cette formulation  épaule douloureuse simple a entraîné la déclaration et la reconnaissance abusive en maladie professionnelle des épaules douloureuses d’origine microcristalline ( calcifications d’hydroxyapatite).

Les calcifications ne sont pas d’origine professionnelle, c’est pourquoi elles sont donc désormais exclues de la nouvelle version du tableau n° 57.

Mais  le déclenchement d’un épisode douloureux peut être en lien avec des gestes professionnels, qui peuvent provoquer un conflit avec la calcification.

Pr Henry Coudane, chirurgien orthopédiste, professeur de médecine légale précisait que seules 5% des calcifications s’accompagnent de lésions tendineuses de la coiffe des rotateurs : ce sont soit des calcifications de type C2 ( microcalcifications intratendineuses) soit des calcifications de type D ( enthésophytose correspondant à une ossification et non à une calcification de l’enthèse).

Dans la nouvelle version du tableau il est question  d’enthésopathie : l‘enthèse est la zone d’insertion osseuse des tendons ( elle désigne aussi l’insertion des ligaments et capsules articulaires).

Rappel des différents types de calcifications de l’épaule

Les tendinopathies calcifiantes de l’épaule sont dues à des dépôts d’hydroxyapatite au niveau des tendons de la coiffe des rotateurs. La plupart des calcifications ont tendance à se résorber.

Classification morphologiques des calcifications de l’épaule :

  • Calcification de type A : calcification dense, homogène, à contours nets ( 20% des cas)
  • Calcification de type B  : calcification dense, cloisonnée, polylobée, à contours nets, c’est la plus fréquente ( 44% des cas).
  • Calcification de type C : calcification qui apparaît inhomogène, à contours festonnés ( 32% des cas)
  • Calcification de type D : calcification dystrophique d’insertion, dense, de petite taille en continuité avec le trochiter dans 4% des cas. Il ne s’agit pas d’une enthésopathie à proprement parler mais d’une enthésopathie d’insertion. C’est une enthésophytose qui correspond à une ossification ( ossification du tendon)et non pas une « calcification » de l’enthèse.

Seule la tendinopathie est pathologie professionnelle .

Le terme  tendinite ne doit plus être utilisé, car ce terme laisse supposer qu’il s’agit d’une pathologie inflammatoire alors qu’il s’agit le plus souvent d’une tendinose microtraumatique et dégénérative.

Les douleurs de l’épaule doivent être décrites par les lésions qui en sont la cause, par exemple :

  • tendinopathie de la coiffe des rotateurs,
  • bursite sous acromiale,
  • arthropathie acromio-claviculaire,
  • capsulite rétractile,
  • calcifications d’hydroxy-apatite, etc

Par conséquent, désormais, seules peuvent être reconnues au titre des maladies professionnelles les tendinopathies non calcifiantes de la coiffe des rotateurs et leur conséquence évolutive que représente la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.

L’ancienne version du tableau n° 57 désignait également une autre maladie « Epaule enraidie succédant à une épaule douloureuse simple »

Cet intitulé a également été source d’erreur d’imputabilité et de confusion. En effet, l‘imprécision sur la nature de l’enraidissement a favorisé la déclaration des capsulites rétractiles qui ne constituent pas à priori une pathologie professionnelle : l’épaule douloureuse simple rebelle est en fait une tendinopathie chronique qui finit par aboutir à la rupture, cette dernière provoque l’apparition d’une omarthrose excentrée ( ascension de la tête humérale et pincement de l’espace acromio-huméral qui dès qu’il est présent sur une radiographie standard est le signe certain d’une rupture étendue de la coiffe des rotateurs, non réparable).
Cette omarthrose s’accompagne d’un enraidissement ( arthrosique, articulaire) de l’épaule : il s’agit bien de « l’épaule enraidie succédant à une épaule douloureuse simple rebelle », sous-entendu par tendinopathie de la coiffe des rotateurs.

La capsulite n’avait rien à voir avec l’épaule enraidie du tableau n°57 .

Une capsulite est le plus souvent idiopathique ou bien elle rentre dans le cadre des  algodystrophies réflexes secondaires à des causes médicales, traumatiques, etc. Il n’y a pas de filiation prouvée connue entre la tendinopathie de la coiffe des rotateurs et la capsulite. Mais il est possible qu’un enraidissement de la capsule soit une complication de lésion douloureuse ou post-chirurgicale.
Le terme d’algodystrophie a  disparu du tableau n°57 et fait place au syndrome douloureux régional complexe de type 1

Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces pathologies

La rédaction actuelle du tableau est plus proche des conditions scientifiquement reconnues comme étant réellement délétères pour l’épaule.
Dans l’ancienne version du tableau de MP n° 57, le paragraphe A était ainsi  libellé :
« Travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule » :
mais « répété » ne s’accompagnait pas de précision quant à la répétition ou la répétitivité, à la durée d’exposition, à l’amplitude des mouvements.
Le terme « forcé » était également très imprécis…
La nouvelle formulation du tableau s’est inspirée des critères du groupe européen d’experts SALTSA ( tout comme la commission d’harmonisation des pratiques de l’ANMA s’en était inspiré). Le protocome européen d’examen clinique SALTSA permet de repérer les TMS du membre supérieur en milieu de travail dès leurs signes les plus précoces.
Dans la nouvelle version du tableau, il n’est pas fait allusion à la force ou à la charge
En effet, la charge en soi a peu d’importance dès l’instant que le port de charges s’effectue « coudes au corps  : l’épaule ne figure pas au chapitre « Forces » du tableau des facteurs de risque SALTSA.
Par contre, l’écartement des bras s’accompagne de contraintes biomécaniques considérables au niveau de l’épaule , même à vide, en l’absence de port de charges, à fortiori avec une charge même faible.
Par conséquent « coudes au corps », la sollicitation de la coiffe des rotateurs est faible même pour une charge élevée, par contre la sollicitation est forte et délétère dès que le bras est écarté même à vide et à fortiori avec une charge même faible.

Dans cette nouvelle version du tableau, il n’est question que d’abduction comme mouvement décrit ( qui correspond au plan  anatomique au seul geste d’écartement du bras vers le côté) :
Comme le précise la circulaire 21/2011 qui explicite le tableau  :

« Afin d’améliorer l’intelligibilité du libellé, une note de bas de page définit, en termes usuels et pédagogiques, la notion d’ « abduction  » de l’épaule : «les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps», que ce soit latéralement ou vers l’avant.
D’autre part, ces mouvements, dès les premiers degrés d’écartement des bras, à fortiori avec une charge, provoquent une ascension de la tête humérale qui vient frapper la face inférieur du supra-épineux : si les mouvements se répètent souvent, les impacts finissent par provoquer des lésions de la face inférieure de la coiffe ( ce sont bien ces lésions de conflit inférieur qui sont les plus fréquentes).
Par contre, ce sont  les 30 premiers degrés du mouvement qui sont les plus délétères ( alors que dans la nouvelle version du tableau il est question des mouvement à partir de 60° :

« En l’absence de données scientifiques précises concernant la tendinopathie aiguë, le groupe de travail a retenu un angle d’abduction à 60° et une durée d’exposition de 3h30 correspondant à la moitié de la durée journalière légale de travail. ».

Et d’autre part, l’absence de prise en compte du facteur « force », dans cette nouvelle version du tableau,  qui intervient bien comme un facteur d’aggravation du risque lié à l’écartement du bras semble anormal pour les rhumatologues experts en TMS.

Rappel de la biomécanique de la ceinture scapulaire

Selon Yves  Roquelaure, expert en TMS en France

L’abduction de l’épaule mobilise l’ensemble de la ceinture scapulaire.
L’abduction de l’épaule, coude étendu, engendre des moments de forces très élevés au niveau de l’épaule.
La coiffe des rotateurs stabilise l’articulation gléno-humérale.
Tout effort, bras en abduction ou en flexion antérieure génère des forces internes considérables au niveau de l’articulation gléno humérale et de la ceinture scapulaire.
Au poste de travail, il faut toujours limiter au maximum l’abduction et la flexion antérieure.
En abduction, il y a une très forte augmentation de la pression intra musculaire (supra épineux) et une réduction de la vascularisation qui provoque une  réduction des capacités fonctionnelles de la coiffe des rotateurs
Les travaux effectués bras au dessus de l’horizontal présentent un réel danger.

Selon de nombreux experts des troubles musculo squelettiques, cette nouvelle version du tableau n°57 correspond davantage aux pathologies de l’épaule en lien avec le travail, par contre ils soulignent que ce sont les 30 premiers degrés du mouvement d’abduction de l’épaule qui sont le plus délétères et présentent le plus de risques et non les mouvements d’abduction à partir de 60° comme l’exige cette nouvelle version du tableau n°57…Au poste de travail, ce sont les mouvements entre 0 et 30° d’abduction de l’épaule qui doivent être évités le plus possible, il ne faut donc pas faire de gestes au dessus du niveau de l’épaule.

Ces informations ont été recueillies lors d’une formation consacrée aux troubles musculo squelettiques assurée par le Dr Damien Michel à des médecins du travail en décembre 2012.

Le Dr Damien Michel est médecin du travail, rhumatologue et médecin référent pour les TMS :
Présentation en images des troubles musculo squelettiques liés au travail, Dr Damien Michel

Tableaux des maladies professionnelles associés :

  Tableau n°57 RG : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail (75,6 KiB, 500 283 hits)

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