La dyspraxie : un handicap invisible, insuffisamment diagnostiqué, qui place l’enfant, puis l’adulte, en échec !

La dyspraxie est un handicap invisible : en l’absence de diagnostic, par méconnaissance, les enfants ne sont pas pris en charge, pas rééduqués et se retrouvent en échec à l’école puis lors de l’insertion professionnelle. Même l’apprentissage de la conduite d’un véhicule est souvent un échec, les épreuves n’étant pas adaptées…

Les praxies
Développement des praxies chez l’enfant
Différents types de praxie
Définition de la dyspraxie
Bilan à réaliser en cas de suspicion de dyspraxie
Aménagements et aides en cas de dyspraxie
Association dyspraxie

Les praxies

On distingue deux catégories de gestes  

  • Les gestes universels :
    ils sont inscrits par l’évolution dans notre patrimoine génétique et s’acquièrent par le libre jeu des systèmes sensorimoteurs et neurologiques ( courir, sauter, etc)
  • Les gestes volontaires :
    ils sont permis par notre équipement sensorimoteur et neurologique, indispensables dans un contexte social ou culturel donné, ils sont issus d’un apprentissage et d’un entraînement.

Un geste intentionnel s’inscrit dans un projet, il y a donc une planification : c’est la fonction de gestion et  de pré programmation du geste intentionnel que l’on appelle praxie.

Une fois apprise, une praxie ne s’oublie pas, la qualité du geste dépend de l’entraînement. L’initiation du geste ne dépend que de l’évocation de la finalité de l’acte : cette évocation consciente déclenche les programmes automatiques de contrôle, de coordination, les programmes cognitif et sensorimoteur adaptés.

Une praxie, c’est donc le fait d’acquérir une gestion automatisée d’un type de geste après en avoir fait l’apprentissage : par exemple apprendre à manger avec une cuillère chez un enfant, apprendre à conduire chez un adulte.

Développement des praxies chez l’enfant

L’évolution se fait par étapes : de la plus simple à la plus complexe. Chaque nouvelle acquisition s’ajoute aux précédentes. Le rythme d’évolution propre est influencé par des facteurs individuels, l’environnement familial et culturel ( manger avec des baguettes, ou avec un couteau et une fourchette, etc).

Les praxies évoluent avec l’âge, les difficultés n’apparaissent qu’à l’âge où la praxie est censée être maîtrisée.

Entre 6 et 11 ans, le nombre de gestes exécutés augmente en étroite relation avec le développement des autres fonctions cognitives et les stimulations du milieu extérieur.
A 11 ans, les praxies sont matures dans la vie quotidienne et scolaire

Apprentissage des praxies
Il existe différentes stratégies d’apprentissage : imitation, essais, erreurs, répétition, entraînement,  ce qui conduit à la constitution de répertoires de gestes : fichiers de programmes moteurs.

Le regard et la construction spatiale : le regard permet la reconnaissance des formes, la prise d’informations pertinentes. La structuration de l’espace est nécessaire pour donner des indices topologiques.

Stratégie du regard et lecture : les mouvements oculaires sont constitués de bonds successifs ( saccades) suivis de pauses ( fixations fovéales) qui concernent des groupes de lettres. La taille des saccades dépend du texte et du lecteur. 4 à 5 années d’apprentissage sont nécessaires de la grande section de maternelle au CE2 ou CM1.

Différents types de praxie

On distingue plusieurs types de praxie.

Les praxies idéatoires  : utiliser et manipuler des objets, par exemple des couverts
Les praxies idéomotrices ( entre 3 et 7 ans) : réalisation de gestes symboliques ou de mime ( marionnettes, etc)
Les praxies constructives ( début entre 7 et 11 ans) : jeux de constructions, travaux manuels, dessins, écriture
Les praxies de l’habillage ( entre 3 et 7 ans) : capacité à s’habiller
Les praxies orofaciales : touchent les capacités motrices mises en jeu dans la parole.

Définition de la dyspraxie

Le mot dyspraxie comporte le préfixe « dys » : difficile à faire, fonctionne mal et « praxie « : coordination des gestes appris.

La dyspraxie est un trouble du « savoir faire » d’un geste volontaire appris et en lien avec un environnement culturel.

La Dyspraxie ou trouble du geste ou trouble de l’acquisition de la coordination (TAC) est un trouble neurologique présent dès la naissance. C’est un trouble cognitif spécifique qui affecte la planification et l’automatisation des gestes intentionnels. Elle est due à un dysfonctionnement cérébral localisé qui peut être d’origine lésionnelle (prématurité, souffrance à la naissance) ou d’origine développementale (comme la Dyslexie).

Il en résulte une maladresse pathologique qui contribue à mettre la personne en situation de handicap.

Il existe de nombreuses formes de dyspraxie car elle touche les différents gestes à des degrés divers :

  • La dyspraxie constructive : difficulté à assembler (puzzle, lego, etc).
  • La dyspraxie visuo spatiale : trouble du regard associé à une difficulté dans le repérage spatial.
  • La dyspraxie idéatoire : difficulté à utiliser les outils.
  • La dyspraxie idéo motrice : difficulté à mimer.
  • La dyspraxie oro faciale : difficulté à articuler, souffler des bougies….

La Dysgraphie (trouble de l’écriture) est toujours présente dans la Dyspraxie et peut mettre l’enfant en grande difficulté scolaire : lettres malformées, écriture peu lisible associée à une lenteur et une grande fatigabilité.

La Dyspraxie peut-être associée à d’autres troubles Dys (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie) et s’accompagner d’un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité.

Définition fonctionnelle de la dyspraxie

Anomalie touchant la planification et la programmation des gestes volontaires.  C’est un trouble de la réalisation du geste, impossibilité d’automatiser, d’intégrer au niveau cérébral les différents composants ( sensorimoteurs, spatiaux et temporels).

Définition de la dyspraxie dans la CIM 10

Trouble spécifique du développement moteur dont la caractéristique essentielle est une altération du développement de la coordination motrice non imputable entièrement à un retard intellectuel ou à une affection neurologique spécifique congénitale acquise.

Définition de la dyspraxie dans le DSM IV

Classification DSM IV

Difficultés compte tenu de l’âge et des capacités intellectuelles dans la réalisation des activités de la vie quotidienne nécessitant une coordination motrice, d’où retard dans les étapes du développement psychomoteur et signes de maladresse, difficultés graphomotrices et difficultés dans les activités sportives.
Elles atteignent significativement les résultats scolaires ou les activités de la vie quotidienne.
Absence d’affections connues notamment encéphalopathie ou dystrophie musculaire

En cas de dyspraxie, l’effort d’apprentissage pour des gestes nouveaux est considérable ( besoin de nombreuses démonstrations, décomposition de la séquence du mouvement en sous unités), le geste restera disharmonieux.

Bilan à réaliser en cas de suspicion de dyspraxie

 Quand faut-il suspecter une dyspraxie ?

Il faut suspecter une dyspraxie chez un enfant qui a des difficultés motrices : par exemple pour réaliser les puzzles, les jeux de construction, qui fait des dessins spontanés pauvres et malhabiles, dans lesquels les éléments sont dispersés (alors qu’il fait des commentaires adaptés et pertinents), etc
Un enfant dyspraxique est intelligent et cherche des stratégies d’adaptations :  il mange par exemple son yaourt avec du pain, car c’est trop difficile à la cuillère, il décide de ne plus manger de viande parce que c’est trop compliqué à découper, etc
Un enfant dyspraxique rencontre des difficultés pour s’habiller ( faire ses lacets est problématique au delà de 10 ou 11 ans, généralement).  L’enfant a besoin d’être accompagné pour se laver, s’essuyer après la douche, pour l’hygiène de manière générale. Au cours des activités sportives, un enfant dyspraxique a du mal à coordonner ses actions  : apprendre à faire du vélo s’avère très difficile puisqu’il faut dans le même temps tenir en équilibre, pédaler, diriger le guidon, etc
Un enfant dyspraxique peut faire ses devoirs à l’oral mais à l’écrit c’est catastrophique, il peut calculer mentalement mais pose difficilement les opérations, il a du mal à se concentrer, bouge beaucoup, etc
A l’école la présence concomitante de plusieurs de ces difficultés doit alerter.

L’enfant comprend bien comment faire mais l’outil qu’il met en place n’est pas fiable, il sait qu’il doit faire mais n’y arrive pas : il est dyspraxique.

La dyspraxie est perceptible à partir du moment où il faut une aide pour certaines actions de la vie quotidienne ( couper sa viande, etc) au delà de l’âge théorique d’acquisition.

En cas de suspicion de dyspraxie, il faut réaliser un bilan médical, neuropsychologique, psychomoteur, orthoptique, ergothérapique et pédagogique.

Le premier bilan est généralement réalisé par un psychomotricien, qui peut simplement suspecter la dyspraxie ( il ne peut pas poser de diagnostic), puis un psychologue réalise un bilan global des compétences par des tests d’efficience intellectuelle,  test de QI verbal et test de QI performances. Il vérifie l’absence de déficit intellectuel.

L’examen psychomoteur étudie :
la motricité globale : coordinations dynamiques, coordinations visuomotrices, équilibre,
la motricité fine : coordination oculo-manuelle, praxie manuelles et digitales
l’organisation spatiale : représentation mentale de l’espace, organisation visuo-constructive, perception visuo-spatiale, latéralité
graphisme et écriture

Bilan orthoptique
Il permet d’observer les stratégies visuelles : poursuite visuelle, stratégies d’exploration, coordination oeil/main, attention visuelle, etc

Bilan ergothérapeutique
Evaluation de l’écriture : qualité de l’écriture, épreuves visuo-graphiques et visuo-spatiales
Autonomie dans la vie quotidienne

Aménagements et aides en cas de dyspraxie

A l’école un enfant dyspraxique peut avoir du matériel et des supports adaptés, être interrogé à l’oral, passer les évaluations nationales de CE1 et CM2 adaptées pour les enfants dyspraxiques, avoir un tiers temps supplémentaire, etc

En cas de dyspraxie visuo-spatiale, il est conseillé de passer par le canal auditivo-verbal pour améliorer la réalisation d’une tâche par la description verbale des différentes étapes de réalisation .
Pour l’apprentissage de la lecture, il faut utiliser des méthodes qui utilisent des conversions grapho-phonémiques.
Pour faciliter la lecture, il est conseillé d’ élargir les interlignes, surligner les lignes en fluo de couleurs différentes, voire surligner au fur et à mesure de la lecture, ou les éléments pertinents d’un texte  mais il ne faut  pas modifier les présentations ( police).
Pour l’orthographe, il est conseillé de faire apprendre en épelant les mots courants, donner les règles ( familles de mots), etc

Ces aménagements peuvent aider à pallier les difficultés : elles doivent être envisagées dans un projet  avec tous les professionnels compétents pour donner à l’enfant une chance de développer ses capacités et d’avoir un projet pour sa vie d’adulte.
Parvenu à l’âge adulte, il a besoin que son environnement et son travail soient aménagés, que sa grande fatigabilité soit prise en compte.

Association dyspraxie

L’Association Dyspraxie France Dyspraxie DFD est une association crée en 2011 par des parents d’enfants dyspraxiques déjà investis depuis de longues années pour faire avancer la cause des personnes dyspraxiques. Elle est présente dans 60 Départements, compte 120 bénévoles et plus de 900 adhérents.

Cette association a pour objectifs

  •  de soutenir et accompagner les familles dans leur « parcours du combattant »,
  • de sensibiliser les professionnels de l’éducation et de la santé ainsi que les institutions, afin que la dyspraxie soit mieux connue et prise en charge,
  • d’aider les jeunes dyspraxiques dans leur insertion professionnelle et sociale,
  • d’alimenter les travaux de recherche sur la dyspraxie grâce aux remontées d’information des familles,
  • de prendre une part active à l’action politique menée par la FFDys (Fédération Française des Dys).

Actuellement la dyspraxie est insuffisamment diagnostiquée ou trop tardivement (parfois même à l’âge adulte notamment lorsque les difficultés d’adaptation deviennent trop grandes). Il est important de prendre en charge tôt ces enfants, afin qu’ils bénéficient de rééducations appropriées (psychomotricité, ergothérapie, orthoptie, orthophonie, aide psychologique) aide pédagogique (photocopie, interrogation orale, tiers temps, utilisation d’un ordinateur, aide d’une Auxiliaire de Vie Scolaire, etc). Malheureusement les prises en charges actuelles sont insuffisantes par manque de professionnels formés, les délais sont trop longs y compris dans le système libéral où les rééducations ne sont pas remboursées par la Sécurité Sociale.
Les troubles associés à la dyspraxie ne doivent pas être mis sur le compte de la paresse, d’une opposition, d’un trouble psychologique. En effet ces enfants en souffrance et fatigables à l’école risquent d’être très rapidement exclus du milieu scolaire ordinaire alors qu’ils ont une intelligence tout à fait normale, et parfois même supérieure. Un enfant dyspraxique devient un adulte dyspraxique qui le restera toute sa vie.

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Il y a 4 commentaires sur cet article
  1. Bonjour,
    Je suis étudiant en ergothérapie, et en lisant cette article je me suis rendu compte que vous évoquiez, un bilan réalisé par l’ergothérapeute sur les activités de vie quotidienne qui je le conçoit parfaitement est nécessaire et indispensable. Cependant auriez vous les références, ou bien mêmes les noms de ces bilans car hormis une simple mise en situation, je ne vois pas réellement comment nous pourrions coter un acte de la vie quotidienne.
    Si un bilan existe je serais ravi d’en prendre connaissance s’il vous plait.

  2. personnellement je suis dyspraxie Visio spatial et la plus part des information de se site je les connaissaient mais j en appris quelque une et je savais pas si c’était normal ou du a se handicap merci pour l’info

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